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Takeshi Kitano(北野 武)cinéaste japonais Filmographie :En tant que réalisateur
En tant qu'acteur (sélectif, en excluant ses propres films)
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Takeshi Kitano est né le 18 janvier 1947, dernier enfant d'une famille vivant dans les quartiers populaires de Tokyo.
Son père, Kikujiro, est un artisan en peintures et laques diverses. Kitano
décrit sa relation avec celui-ci : "Je n'ai jamais parlé avec mon père.
Quand mes frères et moi entendions ses pas, nous courrions très loin nous
cacher. Je savais qu'il faisait partie des yakuza. Mais pour nourrir la famille,
il était forcé de travailler comme peintre."
La mère de Kitano, Saki, est une femme fière qui essaye d'élever ses enfants
dans la droiture en les envoyant à l'école et en leur enceignant, souvent
à coups de trique, les usages du monde. La famille connaît des temps
difficiles pendant cette période de pauvreté qui succède à la deuxième guerre
mondiale.
En 1956, la famille Kitano est la première à posséder la télévision dans
leur rue, et leur maison devient un lieu de rassemblement pour tous les habitants
du quartier. Takeshi est un élève doué mais il quitte le collège après y avoir
passer 3 ans, malgré les protestations de sa mère et de sa famille.
En 1972, Kitano commence à travailler comme serveur dans un café. C'est dans
celui-ci qu'il rencontre Kiyoshi Kaneko avec qui il crée un "manzai", un duo
comique, nommé "The two beats" ("Beat" Takeshi, le surnom populaire qu'il
utilise pour signer la majeure partie de ses films vient de là).
En 1974, un producteur de télévision voit leur performance et les engage pour
animer un talk-show. La consécration viendra rapidement et, 2 ans plus tard,
les deux acteurs reçoivent des récompenses sur NHK, la plus grande chaîne
câblée de l'archipel.
Nagisa Oshima, est le premier metteur en scène
à entraîner Kitano loin de la comédie car il est persuadé que l'acteur à le
potentiel d'un merveilleux criminel. Kitano commence alors à jouer sur grand
écran. Danpu-Wataridori de Ikuo Sekimoto (1981) est le premier film
de l'acteur qui campe un policier accumulant gags sur gags.
Bide commercial, le film n'empêche cependant pas Kitano de continuer. Takeshi
est remarqué en occident grâce au film Furyo de Nagisa Oshima. Dans ce film,
Kitano joue un soldat japonais brutal qui sombre dans le sentimentalisme après
avoir bu. Bien que jouant un second rôle, il vole la vedette à Sakamoto tant
son personnage est étrange et violent.
Depuis ce film, Takeshi poursuit une carrière prolifique et est une des plus grandes personnalités du Japon. Il anime 7 émissions TV, apparaît dans les colonnes des plus grands magazines, peint, écrit des poèmes et des romans. De plus, Beat Takeshi possède maintenant sa propre bande de comiques, les "Gundan", qui, en plus d'être martyrisés dans les émissions trash de Monseigneur (surnom de Kitano à la TV), apparaissent dans la plupart des film du Maître (les motards de Kikujiro par ex.)
Takeshi fait ses débuts de réalisateur en 1989 avec le thriller "Violent
Cop". Il déclare: "Faire un film est plus difficile que de jouer
la comédie. Quand je suis comique, je veux immédiatement faire rire. Je n'essaie
pas de faire passer un sentiment profond. Au contraire, je veux que mes films
plongent le public dans un océan de sensations."
A l'origine, Kitano ne devait pas tourner "Violent Cop", mais le réalisateur
Kinji Fukasaku s'étant fait porter pâle (il ne pensait pas pouvoir diriger
le comique), Takeshi reprendra le film et transformera un simple remake de
"l'Inspecteur Harry" en un thriller triste et sanglant.
Takeshi tourne des plans fixes, tranquilles, que l'on retrouvera également
dans ses autres réalisations. La violence semble exploser le silence, apparaît
décalée, en total désaccord avec les autres plans.
"Il n'y a pas de mouvement de caméra, dit Kitano. Pas de haut ni
de bas. La violence est comme la comédie : elle arrive soudainement, nous
surprend, sans nous avertir. Je pense qu' il est plus effrayant de voir le
poing que celui qui est frappé.
Takeshi tourne "Boiling Point" en 1990. Cette fois, il écrit le script
lui-même et le co-produit avec Toshio Taniguchi.
En 1991, Kitano réalise "A Scene at the Sea", film qui devient sa première
collaboration avec le compositeur Joe Hisaishi.
Ces films parlent tous les deux de perdants qui arrivent à leur fin en y croyant
totalement.
en 1993, Kitano réalise un de ses meilleurs films, "Sonatine".
Sonatine parle d'un puissant yakuza, Murakawa, joué par Kitano lui-même.
Le réalisateur ne parle plus ici de perdant comme dans ses précédents longs
métrages mais d'un homme au sommet de sa carrière criminelle, craint et détesté
par tous.
Il déclare : "Nous ne savons pas précisément comment Murakawa est
arrivé ou il est aujourd'hui. Nous savons seulement qu'il a commis des choses
horribles pour y parvenir. Et maintenant, il veut arrêter. Au Japon, arrêter
quelque chose est toujours un acte déshonorant. Quand Murakawa est envoyé
à Okinawa, il devine qu'il va se faire assassiner. Ce que j'ai voulu montrer
ici c'est ce qui se passe dans la tête d'un homme quand il sait qu'il va mourir.
L'approche de la mort vous donne une autre vision de la vie. On ne peut ressentir
le plaisir de vivre si l'on ne pense simultanément que la mort est toujours
présente et prête à frapper. Dans le film, on voit Murakawa assit sur une
plage, oubliant ses problèmes devant l'immensité de l'océan. La violence vient
avant et après cette scène, comme un sandwich. Ce qui se passe vers l'océan
est hors du temps."
Kitano tourne ensuite sa première comédie de l'autre côté de la caméra :
Getting Any ? .
Ce film que joue également Takeshi a été méprisé par la critique japonaise.
A croire que l'on ne peut jongler sur divers registres lorsque l'on est comédien
nippon.
La même année, Kitano s'essaye à la roulette russe mécanisée:
le 2 août 1994, après avoir bien bu, Takeshi Kitano prend sa moto, démarre
en trombe, s'endort et s'écrase contre un mur.
Sorti miraculeusement de l'accident, Kitano passe des mois en isolation dans
une clinique pour des fractures crâniennes et un bris de la mâchoire. Quand
il sort de l'hôpital, Kitano reste paralysé du côté droit de la figure (d'où
les lunettes noires).
"Quand je me suis réveillé, j'avais une bataille dans la tête. Je ne savais
pas quel part de ma mémoire avait disparu. Mr. Mori et Mr. Miyagi, mes deux
associés sont venus prendre de mes nouvelles. Alors, j'ai regardé Mr. Mori
et ai dit : "Bonjour Mr. Miyagi". Ils ont paniqué. Ça m'a rassuré.
En fait, je savais pertinemment qui était qui. Pour m'amuser, j'ai joué à
ce jeu pendant un certain temps"
Après l'accident, Takeshi arrête de boire et se dévoue corps et âme à la peinture,
à la lecture, à l'étude scientifique et à la musique.
Après l'accident, Takeshi s'étonne que ses films n'aient pas plus de succès.
Alors, il retourne un moment à la télévision, délaisse la caméra, mais continue
à écrire ses scénarios.
Kitano revient en 1996 avec "Kids Return", un drame d'adolescents.
Il écrit: "Les comiques pensaient que je ne reviendrais jamais.
Le plus drôle, c'est que je suis revenu ! Mon expérience personnelle a cependant
changé bien des choses sur ma manière de filmer. Cette fois, je voulais faire
quelque chose de terrible, mais j'avais peur que le public japonais croie
que j'avais pété les plombs ! Je devais les rassurer. Dans mes
films précédents, la mort était une sorte d'échappatoire désespérée. Cependant,
dans "Kids Return", les personnages choisissent la vie, dure et terrible,
mais la vie."
Ce film (dont le titre est tiré d'un de ses poèmes) a une structure différente
de ses autres réalisations.
Il est bourré d'histoires et de personnages, ne suivant jamais la trame d'un
seul héros. Les deux garçons sont associés aux autres vies, aux autres problèmes.
:
"Les deux principaux personnages, Masaru et Shinji, ont été créés à partir
de garçons que j'ai connus à l'école. Leur camarade de classe, Hiroshi, devient
chauffeur de taxi comme un de mes vieux amis. Je voulais voir les deux sortes
d'étudiants : ceux qui bossent dur et ceux qui ne vont jamais en classe et
pensent que ce serait sympa d'être yakuza. En général, les professeurs pressent
les premiers et ignorent les autres. Le film, bien sûr, parle de cette terrifiante
réalité."
Kitano trouve les deux acteurs principaux grâce à un casting improvisé.
Beaucoup furent déçu que le rôle du chef des yakuzas ne soit pas tenu par
Kitano lui-même. Beaucoup de personnes pensèrent que l'acteur n'avait pas
voulu apparaître défiguré suite à son accident de moto. Mais ce n'étais pas
la raison : "Pour moi, un film est essentiellement silencieux. J'aime voir
un film sans dialogue ni musique. Tout passe par les sentiments des acteurs.
Bien sur, lorsque j'écris les histoires, j'arrive à m'imaginer les expressions
et à voir les personnages en esprit. Ainsi, je sais parfaitement lorsqu'un
rôle n'est pas pour moi. Dans ces cas là, je disparais derrière la caméra
et continue à penser les personnages et non à les vivre."
"Kids Return" est le premier film de Kitano à connaître du succès dans son
pays natal. Cette situation toute nouvelle pour l'acteur est une sorte de
rupture et de consécration.
En 1997, Takeshi Kitano reprend encore une fois sa casquette de réalisateur.
Hana-Bi parle d'un ex-flic, Nishi (Kitano), qui décide de faire visiter le
Japon à sa femme qui se meurt d'une maladie incurable. Poursuivi par les yakuza
et la police, Nishi fuit également la vie avec elle.
Il nous donne ses intentions : "je voulais montrer comment un japonais
prend ses responsabilités. La façon de vivre de Nishi est totalement différente
de ce que l'on pourrait voir dans un autre pays. On pourrait voir en Nishi
un homme complètement dépassé, romantique ou sentimental à outrance. En fait,
il décharge sa compréhension du monde et ses responsabilités, conformément
à un idéal désespéré."
Le film, porté par les acteurs, la mise en scène et la musique est incontestablement
la plus belle uvre de Kitano, sorte de chant du cygne artistique d'un
cinéaste qui, depuis, ne cesse de se chercher.
Feu d'artifices d'émotion, cette uvre nous met le cur à vif, nous
ouvre les portes d'émotions intenses et jamais déplacées. Quasiment sans expressions,
Kitano réussi à faire passer ses sentiments avec un minimum de moyens, le
spectateur devant ressentir intuitivement les émotions d'après les situations
présentes.
Kitano, après avoir reçu le Lion d'or à Venise pour Hana-Bi , décide
de faire une petite pause dans la réalisation et joue dans Tokyo Eyes
du français Jean-Pierre Limosin.
Une fois de plus, son apparition comme Guest star capte l'attention et bouffe
l'espace.
En 1998, Kitano reprend sa caméra et tourne le merveilleux Kikujiro, un
film présenté à Cannes qui prouve de manière définitive que son cinéma est
de portée internationale. Ce film, resté aussi secret que le premier Starwars,
est vraiment magnifique. Loin de ses oeuvres violentes, Kitano nous livre
ici son film le plus lumineux.
C'est l'histoire d'un yakuza rêveur (Kitano) qui aide un petit garçon à retrouver
sa famille. C'est une balade sur les routes du Japon, aux accents de road-movie,
qui réunit un gamin désuvré et un yakuza de 50 ans, joueur
et voleur, avec lequel il part à la recherche de sa mère.
" Après Hana-Bi, j'ai compris que mes films étaient trop stéréotypés
: gangs, violence, vie & mort, etc. J'avais de plus en plus de difficulté
à m'identifier à eux. Donc, j'ai voulu faire un film que personne n'attendait
! en vérité, l'histoire appartient à un genre que je ne connaissais pas. Ce
scénario était un challenge pour moi, un challenge qui me permettait de rompre
avec mes anciennes réalisations. Même si l'histoire semble classique et banale,
j'ai réussi à y mettre toutes mes passions imaginaires et mes envies cinématographiques.
Cela donne un film étrange qui porte cependant la marque Kitano. Je souhaite
continuer à "trahir" les gens en leur apportant des films aussi inattendus
!"
L'idée de Brother est née en 1995 durant la production de Getting
Any ? , avant le terrible accident de moto qui failli tuer Kitano. Ce
devait être son cinquième film. Après l'accident, le réalisateur dû reprendre
des forces et n'a donc pas pu gérer les difficultés occasionnées par un tournage
hors du Japon.
Durant un repas à Cannes, Kitano, qui avait retrouvé son ami Jeremy, proposa
à ce dernier un nouveau concept de film , Brother , film qui devait
se tourner à Los Angeles. Thomas fut totalement séduit par l'idée et apporta
son soutien exclusif au réalisateur nippon. Malheureusement Kitano dû retourner
au Japon pour tourner son septième film, "Hana-Bi" et le projet fut momentanément
abandonné.
Une année plus tard, après avoir gagné son lion d'or à Venise, Kitano retourna
en Angleterre ou il fut accueilli à bras ouvert par son ami Thomas. Avec l'accord
de Masayuki Mori, le producteur officiel de Kitano, les deux compères décidèrent
de relancer la production de Brother , son neuvième film.
Dans ce film Yamamoto (Beat Takeshi) est maintenant un Yakuza solitaire. Défait
par un rival dans une guerre de famille et abandonné par la plupart de ses
anciens "collègues", le Yakusa est obligé de s'enfuir aux USA. Sur les traces
de son frère Ken (Claude Maki), un ancien yakusa qui déserta le Japon pour
aller étudier à Los Angeles, Yamamoto est bien décidé à imposer sa doctrine
aux USA. Dès son arrivée aux États-Unis, Yamamoto est agressé par un
afro-américain du nom de Denny (Omar Epps).
ce dernier essaie d'égorger le japonais dans une rue isolée, mais il est blessé
par le yakuza qui refuse de se laisser tuer. Ne trouvant pas son frère, Yamamoto
est obligé de survivre dans une société qu'il ne connaît pas, en totale opposition
avec sa vie précédente. Ne parlant pas la langue, l'homme est obligé d'utiliser
son instinct pour survivre.
Après un rôle de professeur assassin dans Battle Royale, Kitano revient
au travers d'une ÷uvre inattendue et bouleversante. Dolls, retrace
avec un minimum de dialogues et d'actions la vie de trois couples désespérés
dans le Japon d'aujourd'hui.
L'amour impossible que recherchent ces personnages si différents de par leur
vie et leurs motivations se soldera inévitablement par un drame sentimental.
Un film magnifique, à l'opposé d'un Brother qui ne distillait que violence
malsaine et malaise urbain, porté par des couleurs incroyables (chaque saison
est décrite avec sa teinte propre, au "naturel") et mettant en scène des personnages
qui, tels des marionnettes ne pouvant couper les fils les liant à la société,
sont obligés de fuir la vie.
"Dans la culture japonaise, la mort et la beauté sont indissociablement
liées. Les japonais admirent d'autant plus les fleurs de cerisiers qu'elles
sont éphémères. C'est d'ailleurs pour cela que les guerriers se comparent
à elles. Il en est de même pour les feuilles d'automne et la neige. Le concept
de beauté est lié à celui de disparition. On est d'autant plus beau qu'on
est mortel ce qui implique que le paroxysme de l'amour peut être la mort"
Lors d'un dîner, une ancienne patronne de cabaret parvient à convaincre Kitano
de réaliser un Zatoichi, une série mythique comptant plus de 30 films.
Au début, Kitano ne voulait pas jouer le rôle principal car l'image de Katsu,
l'acteur qui avait incarné ce dernier pendant 20 ans, était trop associée
au personnage (c'est pour cette raison que personne n'avait osé relancer la
série depuis la mort de Katsu survenue en 1997).
Heureusement , le réalisateur, qui ne voulait absolument pas le faire, a été
convaincu par Chieko Saito, la directrice du théâtre Roche-za d'Asakusa dans
lequel il avait débuté sa carrière.
Ce film de commande, véritable "blockbuster" nippon, a enfin permis à Kitano
d'être reconnu comme un réalisateur à part entière au Japon. Une consécration
tardive, mais oh combien indispensable pour un réalisateur qui jusqu'à présent
n'avait connu le succès qu'hors de son pays.