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Alain ResnaisCinéaste français
Filmographie :
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Alain Resnais est né en 1922 à Vannes
A quatorze ans, il tourne déjà de petits films
en 8 mm (dont une adaptation de Fantômas !), tout en se passionnant pour la
photographie, la bande dessinée et la littérature populaire (avec une prédilection
pour Harry Dickson). Il lit aussi Proust et André Breton et rêve de devenir
libraire. Le monde du spectacle le fascine. En 1940, il s'inscrit au cours Simon
et, en 1943, à l'IDHEC.
Après avoir fait un peu de figuration (dans Les Visiteurs du soir), il est engagé
comme assistant sur Paris 1900, et commence à réaliser des films en 16 mm qui
n'auront pas de diffusion commerciale. L'un d'eux, Schéma d'une identification,
est interprété par Gérard Philippe.
Le cap professionnel est franchi avec Van Gogh
(1948), un court métrage produit par Pierre Braunberger : c'est une originale
"pénétration" de la caméra à l'intérieur des uvres de l'artiste, par l'effacement
du cadre, selon un procédé mis au point par Luciano Emmer.
André Bazin discerne là une radiographie subtile de la peinture, qui met en
évidence "un réseau hallucinant de nerfs et de tendons noués sur les os du monde"
- formule applicable mot pour mot à la démarche ultérieure du cinéaste lui-même.
Pendant dix ans, Resnais se tiendra sagement au documentaire, traitant de thèmes
tantôt graves (la guerre d'Espagne vue par Picasso, le génocide nazi), tantôt
légers (des visites à la Bibliothèque nationale et aux usines Péchiney). Un
lyrisme très personnel s'y exprime, soutenu par une science raffinée du montage.
Resnais s'affirme comme un philosophe de la perception, illustrant - plus ou
moins consciemment - les théories de Bergson sur le concept du "souvenir-image".
Chez lui, en effet, l'observation de l'objet, du plus commun au plus noble,
passe à travers un filtre de culture et d'émotion, la matière est constamment
enrichie par la mémoire.
Resnais aborde le long métrage par un coup de maître, Hiroshima
mon amour (1959). l'extrême richesse de cette uvre est résumée dans son
titre : d'une part l'épouvante née de l'explosion nucléaire, de l'autre l'éternel
retour de la passion, les deux thèmes se répondant comme les gammes majeure
et mineure dans la musique. Cela tient à la fois du requiem et de l'épithalame.
Toutes les ressources de la technique narrative sont mises à contribution dans
un film qui, selon Louis Malle, "a fait faire un bond au cinéma". Ainsi le coeur
du film, l'évocation de la mort du soldat allemand et de la séquestration
de la jeune fille, événements situés à Nevers sont
restitués sous une forme complexe et très originale pour l'époque.
(Voir en détail la structure de ce "Récit de Nevers")
Son film suivant, L'Année dernière à Marienbad (1961), n'est pas moins révolutionnaire,
au moins dans sa forme. Avec l'aide d'Alain Robbe-Grillet, son scénariste, Resnais
édifie un puzzle captivant, un labyrinthe à mi-chemin de Julien Gracq et des
illusions optiques d'Escher, confrontant le flou des personnages et la précision
documentaire des ses travellings sur la décoration intéreure du
palais.
Surréalisme et psychanalyse sont au rendez-vous, comme dans Je t'aime je t'aime
(1968) et Providence (1977) ou encore le flamboyant La vie est un roman (1983)
suivi du sombre l'amour à mort (1984)
Mais Resnais, engagé à gauche comme beaucoup
de cinéastes de la nouvelle vague, sait garder distance et sens critique.
Ainsi, dans "Hiroshima mon amour, il désaprouve le fait qu'un resistant
tue un soldat allemand isolé, la veille de la libération de Nevers
et dans "La guerre est finie", il décortique la part de romantisme
qui existe dans le militantisme anti-franquiste.
Son film sur Stavisky fut critiqué parce qu'il ne dénoncait pas
assez clairement l'assassinat politique déguisé en suicide. Mais
resnais n'est pas Costa-Gavras ni Godard!
Devant cette incompréhension, ses deux films suivants "Providence"
et "Mon Oncle d'Amérique" ne comportent que des allusions discrète
d'engagement politique et les suivants n'en comportent directement plus, Resnais
ayant définitivement renoncé à ce type de message explicite
dans ses films.
A partir de 1990, Resnais atteint la maturité et
utilise des formes plus ludiques comme la pièce de théâtre
à options de Smoking/No smoking (1993) ou la comédie musicale
de Pas sur la bouche (2003), en passant par les chansons décalées
de On connaît la chanson (1997).
Cependant, à travers chacun de ces genres, ses films continuent à
transmettre des analyses psychologiques précises, tranchantes comme des
rasoirs et sans concessions.
Alain Resnais s'est longtemps spécialisé dans
le documentaire, qu'il a d'ailleurs traité avec talent. Déjà
dans ses documentaires, la forme avait une importance certaine. Ainsi Nuit et
Brouillard est monté avec un subtil mélange d'archives d'époque
et de séquences tournées pour le film.
"Guernica" présente des allers-retours et des ruptures de construction.
La majorité des films de Resnais présente un aspect documentaire.
Cet vision documentaire aborde les sujets les plus divers. Ainsi le thème
d "Hiroshima mon amour" est bien sûr la bombe, mais plus surprenant
est l'attention portée dans "L'année dernière à
Marienbad" à l'architecture intérieure, plafonds, moulures,
stucs, couloirs du grand hôtel.
Alain Resnais se documente toujours avec beaucoup de minutie sur le sujet qu'il
aborde. Quand il aborde avec "Mon oncle d'Amérique" les théories
psychologiques d'Henri Laborit, il lit scrupuleusement tous les ouvrages du
chercheur.
Il se renseigne sur les expériences des personnes ayant frôlé
la mort pour son film "L'amour à mort".
Quand un cinéaste adapte un roman, le film ne restitue
pas toute l'histoire, mais les détails du livre servent à donner
de la crédibilité aux personnages. Resnais, qui utilise surtout
des scénarios originaux, exige de ses scénaristes qu'ils établissent
des fiches biographiques complètes pour chaque personnage, de manière
à créer cette profondeur indispensable.
Mais cet amour du détail et ce souci documentaire ne se traduisent pas
chez Resnais par un réalisme méticuleux. Au contraire, il sait
toujours prendre de la distance et bien nous rappeler que nous assistons à
un spectacle et non à la réalité.
Ainsi, les ruptures de continuité, qui font le bonheur des cinéphiles
maniaques dans les films classiques ( il y a même des sites internet consacrés
à ça) sont introduits volontairement par Resnais dans ses films.
Dans "Providence" Resnais va même jusqu'à introduire
quelques décors complètement baroques et des toiles peintes bien
visibles comme décors.
Les sujets, quels qu'ils soient, sont passés au pressoir d'un imaginaire spécifique à chacun d'eux, "enchantés" par un traitement en forme d'opéra, visuel et sonore, spatial et temporel, qui leur donne à tous cette allure caractéristique de cérémonial funèbre, parfois ponctué d'humour, mais jamais désespéré. Ainsi Providence peut être regardé comme une tragédie de la solitude ou un extravagant vaudeville, s'achevant sur une pointe de nostalgie. Alliage singulier, qui s'explique par la méthode de Resnais : "Quand je commence à rêver sur des personnages, je les vois un peu comme des marionnettes, j'ai envie de les mettre dans des espèces de boîtes, comme au théâtre de Guignol - un Guignol tragique".
Sa méthode de travail se rapproche souvent plus dela mise en scéne de théatre que de cinéma: ainsi pour Pas sur la bouche il a préféré faire répéter ses acteurs pour son film-operette pendant plus d'un mois, dans la continuité et sans la présence d'une caméra, avant d'entreprendre ensuite le tournage. Resnais utilise une direction d'acteurs très personnelle. Il explique longuement l'histoire et les personnages, ajoutant même des détails qui n'ont pas de lien direct avec le scénario. Ensuite il ne donne que très peu d'indications précises, attendant que ses acteurs trouvent eux-même le geste juste, le ton approprié. Cette méthode est facilitée par la fidélité réciproque de Resnais et de sa "troupe d'acteur": Sabine Azéma, André Dussolier, Pierre Arditi, Jean-Pierre Bacri.
César du meilleur film et César du meilleur réalisateur en 1978 pour Providence
César du meilleur film et César du meilleur réalisateur en 1994 pour Smoking .. No smoking
César du meilleur film en 1998 pour On connaît la chanson