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I want to go home, un film français d'Alain Resnais, 1989

 

Distribution:

  • Adolph Green : Joey Wellman
  • Laura Benson : Elsie Wellman
  • Linda Lavin : Lena Apthrop
  • Gérard Depardieu : Christian Gauthier
  • Micheline Presle : Isabelle Gauthier
  • John Ashton : Harry Dempsey
  • Géraldine Chaplin : Terry Amstrong
  • Caroline Sihol : Dora Dempsey

Fiche technique:

  • Titre original : I want to go home
  • Réalisation: Alain Resnais
  • Scénario et dialogues : Jules Feiffer
  • Musique : John Kander
  • Images :Charles Van Damme
  • Date de sortie : 1989
  • Production : Marin Karmitz;
    Christian Ferry
  • Durée : 105 minutes
  • Genre : BD, humour et nostalgie

Joey Wellman, habitant de Cleveland, auteur d'un comic-strip « syndiqué » un peu oublié, « Hep Cat » (il n'est plus publié que dans cinquante journaux, et même pas dans sa ville natale, apprendra-t-on), se rend en France où est organisée une exposition sur le thème de la bande dessinée.

Enfin c'est son prétexte, parce que sa vraie motivation, c'est de retrouver sa fille Elsie étudiante depuis deux ans à Paris où elle fuit la culture américaine, qu'elle abhorre, et son père, qui en est un produit typique : étonné que le monde entier ne parle pas anglais, capable de se mettre en colère devant un téléphone à cartes ou devant une énigme telle que la pièce de cent francs (pourquoi existe-t-il un billet s’il y a aussi une pièce ?).
Lena, la compagne de Joey (ni son épouse, il le précise, ni la mère d'Elsie), tente malgré tout de profiter de la destination romantique que constitue Paris. Elsie ne vient même pas chercher son père à l'aéroport - et ce n'est pas un oubli -, ne se rend même pas à l'exposition de bandes dessinées.
Le père et la fille se retrouvent finalement, et parviennent, évidemment, à se fâcher. Joey propose à sa fille de venir passer le week-end à la maison de campagne d'un brillant intellectuel parisien rencontré le soir même. Elsie n'en n'a aucune envie, mais elle finit par s'apercevoir que le destin lui a joué un tour : l'intellectuel en question n'est autre que Christian Gauthier, spécialiste de Flaubert à qui Elsie tente en vain de faire lire sa thèse.

Le film s'est fait dans un contexte assez inhabituel.
La plupart des films précédents de Resnais n'avaient pas été très rentables excepté Mélo, et aucun producteur n'avait particulièrement envie de se lancer dans une aventure cinématographique avec lui. Aucun sauf Marin Karmitz. Karmitz et Resnais se mettent d'accord pour réaliser un film dont le thème serait les rapports entre la France et les États-Unis.

Resnais, qui n'est pas scénariste de ses films, choisit de travailler avec Jules Feiffer, un auteur de très grand talent, célèbre pour ses pièces de théâtre (petits meurtres...) mais aussi pour un comic-Strip qu'il a écrit et dessiné pendant près d'un demi-siècle pour le New Yorker, Playboy, Rolling Stone, etc.

Malgré le statut d'auteur de bande dessinée et malgré la passion que ce médium inspire à Resnais depuis toujours, il est établi au départ que le film ne parlera en aucun cas de bandes dessinées. Après avoir exploré diverses pistes (un ancien combattant américain revient sur les lieux du débarquement...), Resnais et Feiffer dénoncent leur bonne résolution : le héros de leur film sera un auteur de bandes dessinées. Le film est tourné en anglais et il vaut mieux le voir en anglais, parce que la version française est terriblement encombrée des accents de cow-boys que les doubleurs ont cru bon d'imiter.

Une particularité de ce film est l'insersion de Hep Cat et Sally Cat, les deux personnages du comic-strip de Joey Wellman, à divers moments du film : on voit Hep Cat dialoguer avec Joey et Sally Cat dialoguer avec Elsie (on apprendra plus tard que Joey avait crée Sally Cat pour sa fille).
Ces incrustations très artificielles ont géné une partie du public.
Il y a de plus dans I want to go home un grand sens de la chorégraphie, particulièrement étonnant dans les scènes du vernissage de l'exposition, celle de la fête chez Christian Gauthier et enfin celle du bal masqué chez la mère de Christian Gauthier. Les personnages se cherchent, se trouvent, continuent des conversations avec d'autres que ceux avec qui ils les ont commencées.

Malgrè ses qualités, les spectateurs ont boudé le film et la critique l'a mal perçu. Marin Karmitz suggère que l'affiche était ratée. Alain Resnais pense à présent que les références à des auteurs de bandes dessinées comme Herriman, Eisner, Spiegelman ou Al Cap n'auront amusé ou intéressé que des spécialistes, ces auteurs étant méprisés dans leur propre pays et passablement méconnus par chez nous.

Le fait de parler de bande dessinée est un point rédibitoire : on ne mélange pas deux médiums aussi différents et en même temps concurrents comme sont le cinéma et la bande dessinée impunément. Il faut noter aussi que le film sort en 1989, période à laquelle la bande dessinée a subitement fatigué le public qui l'avait fétée des années 1970.
Le film évoque également un décalage entre deux civilisations (France bavarde et cynique, Amérique simple et sincère)

I want to go home est un film sérieux et mélancolique déguisé en comédie. Il est délicat de parler de la vieillesse d'un homme (Joey), de l'urgence qu'il ressent à se rabibocher avec sa fille en utilisant un prétexte scénaristique réputé léger comme la bande dessinée. Il est tout aussi déroutant d'évoquer les grands changements d'une civilisation en utilisant ce petit bout de lorgnette que sont les personnages de comics.

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