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Gloria, film chilien de Sebastian Lelio, sorti en 2013

 

Distribution :

  • Paulina García : Gloria Cumplido
  • Sergio Hernández : Rodolfo Fernández
  • Diego Fontecilla : Pedro
  • Fabiola Zamora : Ana
  • Alejandro Goic : Daniel
  • Coca Guazzini : Luz

Fiche technique:

  • Réalisation : Sebastián Lelio
  • Scénario : Sebastián Lelio et Gonzalo Maza
  • Photographie : Benjamín Echazarreta
  • Montage : Sebastián Lelio et Soledad Salfate
  • Durée : 110 minutes
  • Dates de sortie : 10 Février 2013 (Festival de Berlin)
    • Chili 9 Mai 2013
  • Distinctions : Festival international du film de Berlin 2013 : Ours d'argent de la meilleure actrice pour Paulina García; Prix du jury œcuménique
  • Festival international du film de Hawaii 2013 : meilleure actrice pour Paulina García
  • Sélectionné pour la 86e cérémonie des Oscars catégorie meilleur film étranger

 

A 58 ans, Gloria, divorcée avec deux grands enfants qui n'ont plus besoin d'elle. Sans homme dans sa vie, elle trompe son ennui en passant ses nuits dans les boîtes de Santiago. Gloria sort, danse, saute à l'élastique, chante à tue-tête les chansons sirupeuses qui passent dans sa voiture. Derrière l'entrain et l'enthousiasme, une amertume. Le film pourrait être une fable mièvre ou une recette didactique, mais Lelio se montre particulièrement habile dans les nuances, doué dans les ruptures de ton. Un soir, Rodolfo l'aborde et c'est le début d'une folle passion. Alors qu'elle est en train de tomber amoureuse, elle découvre que son amant n'est finalement pas séparé de sa femme Susana. Refusant de jouer le rôle de "l'autre femme", Gloria décide de quitter Rodolfo sur le champ. Lui veut continuer leur histoire, l'appelle au travail et la guette en bas de chez elle. Dépitée et ne sachant pas comment se débarrasser de cet homme qui l'a deçue, elle trouve du réconfort auprès de ses amies. Rien n'est jamais tout noir ou rose dans Gloria, les deux se côtoient, et Lelio tient cet art du doux-amer jusqu'au bout.

Rien à voir avec Gloria, l'héroïne de John Cassavetes. Si la Gloria de Sebastián Lelio ne tient pas la dragée haute à des gangsters, elle a tout de même un sacré tempérament et sait manier le pistolet à peinture, pour se défouler. Après l'insolence de son premier long métrage, La Sagrada Familia, et l'infinie douceur du deuxième, Navidad, présenté il y a quelques années à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, Sebastián Lelio peint cette histoire d'amour tardif avec une pointe d'amertume, mais en s'appuyant sur le sourire constant de Paulina García, star chilienne à l'évidente présence, récompensée pour ce rôle à Berlin 2013.

Au cinéma, la lâcheté masculine est souvent l'apanage d' adulescents qui hésitent à s'engager, avancent puis reculent. Avec Rodolfo, c'est la même rengaine. Cet amoureux rêve de changement, mais il est faible. Dans cet hôtel, où Gloria vient de lui faire l'amour avec de belles scènes où le cinéaste filme sans fard des corps plus tout jeunes, soudain, il n'est plus là. Mais le passé, pour lui, est une prison.

L'une des meilleures scènes du film est à la fois la plus triste et la plus hilarante. Gloria boit, plus que de raison, dans un casino de mauvais goût, échange des bisous avec un dodu moustachu, tournicote à cheval sur un manège à poupons et finit comme une épave sur une plage, échouée sur le rivage comme un bateau hors d'usage. Il n'y a aucune cruauté dans la caméra de Lelio, simplement de la bienveillance même lorsque le sort lui joue des tours. Le cinéaste ne quitte jamais Gloria des yeux, son objectif est toujours centré sur elle, lors d'une discussion, lors d'une séquence musicale. Gloria est toujours en mouvement mais vient le moment où plus rien ne bouge alors que tout, autour d'elle, s'agite. Sa fille qui s'installe à des milliers de kilomètres, une manifestation qui arpente le pavé, des femmes légères qui s'en remettent au hasard au casino. Et Gloria, stoppée net, de croiser une figurine dansante: celle d'un squelette animé par un artiste de rue. La pulsion de vie qui anime le long métrage de Sebastián Lelio le rend assez euphorisant.

Le réalisateur filme le Chili tel qu'il est aujourd'hui : un pays moderne où les jeunes ressemblent à ceux du monde entier, mais où les générations d'avant prouvent qu'on ne gomme pas facilement trente ans de dictature, qui a condamné toute une génération à n'avoir plus d'histoire, à moins d'avoir l'énergie de Gloria, cette capacité à redémarrer, retourner sur la piste, et danser.

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