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Gloria, film américain de John Cassavetes, sorti en 1980

 

Distribution :

  • Gena Rowlands : Gloria Swenson
  • John Adames : Phil Dawn
  • Julie Carmen : Jeri Dawn
  • Tony Knesich : Gangster
  • Buck Henry : Jack Dawn
  • Lupe Garnica : Margarita Vargas
  • Jessica Castillo : Joan Dawn

Fiche technique:

  • Réalisation : John Cassavetes
  • Scénario : John Cassavetes
  • Production : Sam Shaw et Stephen F. Kesten
  • Société de production : Columbia Pictures
  • Musique : Bill Conti
  • Photographie : Fred Schuler
  • Montage : George C. Villaseñor
  • Durée : 123 minutes
  • Dates de sortie : 1er octobre 1980 à New York
    • France : 31 décembre 1980
  • Distinctions : Mostra de Venise 1980 : Lion d'or partagé avec Atlantic City de Louis Malle.
    • Oscar du cinéma 1981 : Nomination de Gena Rowlands pour l'Oscar de la meilleure actrice.

 

Jeri est épouvantée. Son mari, qui gère des fonds de la mafia, a donné au FBI une liste de noms fort compromettante. La punition de la puissante organisation ne devrait pas tarder, aussi Jeri prépare leur fuite. Elle sursaute lorsque la sonnette retentit mais ce n'est que Gloria, la voisine, qui manque de café. Jeri lui confie son fils, Phil, en la priant de le sauver, lui au moins, de la mort. Phil, quoique très réticent, accepte de suivre cette femme et, de loin, entend la fusillade qui fait de lui un orphelin. Gloria, une ancienne call-girl habituée à serrer les dents, ne baisse pas les bras. Au contraire, sa colère va peu à peu se changer en arme de guerre. La pègre les traque car Jack Dawn lui a également confié un carnet contenant des éléments incriminants qu’il leur faut absolument récupérer.

John Cassavetes filme une réalité nue et violente, celle de la grande ville. Dans cet immense dédale urbain, le film policier éclôt presque naturellement : l'assassinat d'une famille par la Mafia, la traque d'une femme et d'un enfant. New York palpite au rythme de guérillas privées, dont le déchaînement paraît soudain presque ordinaire. L'histoire d'amour et d'apprivoisement que le cinéaste insère dans cette frénésie est, elle, exceptionnelle. Gloria, personnage ambigu, volontaire, jusqu'alors résolument égoïste, s'attache peu à peu à un inconnu de 6 ans. A eux deux, peu à peu, ils recréent dans leur fuite une cellule originelle, une forme étrange de foyer. Contre une armée d'ogres terriblement réels, toute la dureté de Gloria devient un rempart de dévouement téméraire, de générosité.

Gloria est, chose rare chez John Cassavetes, une œuvre de commande. Le scénario, d’une grande banalité, ne semble guère intéresser le cinéaste. Les dialogues sont réduits à leur portion congrue, et le style même de Cassavetes tend à se fondre dans le moule dHollywood. Il se fond, mais pas totalement, et on peut assez facilement le relier à ses autres réalisations. On retrouve ainsi l'art de Cassavetes pour créer de beaux portraits de femme, épaulé par une magistrale Gena Rowlands qui donne une épaisseur magnifique à ce personnage de femme dure qui se protège de l'extérieur par un égoïsme et un instinct de survie qu'elle va devoir mettre au service, pour la première fois, d'un autre.

Car, derrière le récit policier, ce que raconte Cassavetes c'est la rencontre de deux êtres échoués sur les rivages de la société américaine, deux êtres qui apprennent à se connaître, à s'aimer et qui se réinventent une famille. On savait déjà depuis Un enfant attend, que Cassavetes savait filmer l'enfance, mais en osant confier au tout jeune John Adames un rôle complexe et difficile il se lance dans un pari qu'il relève haut la main. Le jeune acteur se révèle absolument admirable et forme avec Gena Rowlands un couple de cinéma inoubliable. Il faut voir avec quelle sensibilité, avec quel sens de l'observation Cassavetes filme chacun de leurs gestes, admirable ballet de sentiments où l'on voit la méfiance, la défiance céder peu à peu place à l'affection et l'amour. Intacte aussi, la capacité de Cassavetes à décrire la vérité d'une ville derrière les cartes postales.

Gloria est ainsi un plongée dans l'envers du décor, le cinéaste nous faisant sentir la réalité des quartiers pauvres, des ghettos et de toute cette frange de la population qui survit par des petits boulots ou des petites combines. L'ouverture du film est à ce titre programmatique : la caméra survole le pont de Brooklyn puis celui de Manhattan avant de s'enfoncer dans le Bronx où débute l'action du film. Un mouvement qui est une plongée au cœur de l'Amérique, celle des oubliés de l'American Way of Life. Cassavetes livre ici un merveilleux discours sur l'amour, choix irréversible, à la fois source de vie et de danger. Il offre à Gena Rowlands, son épouse et actrice fétiche, l'un de ses plus beaux rôles, une Gloria toute simple, bourrue et sublime.

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