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Le Garde du corps , un film japonais de Akira Kurosawa, sorti en 1961

Distribution:

  • Toshirô Mifune : Sanjuro Kuwabatake
  • Tatsuya Nakadai : Unosuke
  • Yôko Tsukasa : Nui
  • Isuzu Yamada : Orin
  • Daisuke Katô : Inokichi, le frère rondouillet d'Ushitora
  • Seizaburô Kawazu : Seibei
  • Takashi Shimura : Tokuemon
  • Hiroshi Tachikawa : Yoichiro
  • Yosuke Natsuki : le fils de Kohei

Fiche technique:

  • Réalisation : Akira Kurosawa
  • Titre original : 用心棒 , Yojimbo
  • Scénario : Ryuzo Kikushima, Akira Kurosawa
  • Musique originale : Masaru Satô
  • Image : Kazuo Miyagawa
  • Création des décors : Yoshirô Muraki
  • Montage : Akira Kurosawa
  • Date de sortie : 25 avril 1961 (Japon)
  • Durée : 110 minutes

À la fin de l'époque Tokugawa (XIXe siècle), un samouraï sans maître (un " Rônin "), voyage au hasard, pour celà, il lance un baton dans un carrefour pour trouver sa voie. Il arrive dans le village de Manome, divisé par une lutte impitoyable entre deux clans, celui d'un brasseur de saké, Tokuemon, et celui d'un marchand de soie, Tazaemon. Ils cherchent tous deux à dominer les lieux, avec l'aide de bandes d'affreux, commandées par Seibei (du côté de Tazaemon) et par Ushi-Tora (pour Tokuemon). Sanjuro Kuwabatake est pris à partie par un homme qui lui demande de rétablir l'ordre dans le village. Un autre, qui tient un bar, lui conseille au contraire de partir au plus vite : son arrivée risque d'aggraver les troubles.

Les deux bandes vont chercher chacune à s'attirer l'aide de ce guerrier qui leur a prouvé, dans une scène de bagarre expéditive, sa valeur. Sanjuro va comprendre le bénéfice qu'il peut tirer de la situation. Il va vendre alternativement ses talents aux deux bandes rivales. Il fait croire à Tazaemon, le marchand de soie, qu'il va le suivre. Mais, après avoir surpris une conversation, il comprend qu'on veut l'escroquer. Alors que les deux bandes au grand complet sont face à face dans la rue principale, Sanjuro décide d'abandonner le combat. Il monte en haut d'un beffroi, décidant d'apprécier la scène vu d'en haut, et encourage les deux camps par ses invectives.

L'arrivée d'un émissaire du pouvoir central oblige les partisans à remettre leur affrontement à plus tard. Après le départ de l'envoyé du pouvoir, les choses reprennent leur cours, et Sanjuro continue à envenimer la situation et les incidents s'enchainent. Le ronin semble un guerrier sans foi ni loi. Mais, ému par la situation d'un homme dont Tokuemon a fait enlever la femme, il va profiter de la nuit pour la libérer et permet au couple de quitter le village, en leur offrant tout son argent.

Le mercenaire est comme tout le monde : c'est un être humain bourré de contradictions. Mais son geste héroïque est pour lui synonyme de perte : découvert par le frère cadet de Ushitora, Unosuke, qui possède un pistolet occidental, il est torturé puis enfermé agonisant dans une cellule dont il parviendra à s'échapper. Pendant ce temps, la confrontation dans le village tourne à l'avantage de Tokuemon, qui décime tous ces adversaires et commence à crier victoire.

C'est sans compter le retour de Sanjuro qui va, dans la bataille finale, tuer un à un tous ses adversaires. Dans une dernière scène, Sanjuro, très laconique, conclut : "Maintenant, il y aura un peu de tranquillité dans ce village". Laissant la petite ville dans la désolation, le vent et la poussière, Sanjuro, véritable vainqueur, part comme il était venu, libre et solitaire, sorte de justicier autonome.

Sanjuro, incarné par l’immense Toshiro Mifune,est un héros schématique, amoral et joueur, un homme sans nom ni biographie, un corps infaillible et fonctionnel. La préfiguration par Kurosawa du personnage maniériste typique n’apporte qu’un seul bémol : l’humanisme du cinéaste intervient aux deux tiers du film, sous les traits de la femme victime, enlevée à son mari et à son enfant, puis sauvée par le garde du corps.

La volonté de Sanjuro n’est plus de monter les deux clans rivaux l’un contre l’autre, mais alors de les punir pour avoir mêlé des innocents à leurs combats. Kurosawa évoque dans les toutes dernières lignes de son ouvrage une incapacité des humains à être totalement honnêtes, une faculté naturelle à jouer à être un autre, qui rend cependant la vérité d’autant plus transparente.

Signalé par l’entêtante musique de Masaru Sato qui accompagne la plupart de ses entrées en scène, identifié par un prénom générique qui, en japonais, ne signifie guère plus que « la trentaine », Sanjuro est le héros d’un cinéma populaire moderne, conscient d’être avant tout un produit ou une marchandise. Son acquisition par l’un ou l’autre des clans auquel il offre ses services au prix fort, leur promet une victoire certaine.

Yojimbo ne contient que très peu d’action à proprement parler, mais beaucoup de temps morts, de complots ourdis dans l’ombre, de tractations financières engendrant un climat de tension. C’est une raison pour laquelle on a pu y déceler à l’époque de sa sortie une allégorie de la guerre froide. Dans la première partie du film, Sanjuro fait monter les enchères en visitant un clan après l’autre, relève sa cote en démissionnant in extremis avant le combat pour l’observer depuis un beffroi ; mais la partie, opposant deux forces égales, est vouée au match nul.

Longtemps, le film en reste à ce type d’affrontements binaires. Kurosawa les souligne par une mise en scène volontairement symétrique, disposant en miroir les forces adverses, tandis que les bras et les jambes des combattants tombent d’un coup de lame comme de vulgaires jambons. Si, d’arbitre et de truand, Sanjuro devient le défenseur des intérêts du peuple, c’est qu’il a vu une simple mère être, devenir monnaie d’échange. Alors qu’il lui était auparavant possible d’observer les combats par intermittence à travers les volets d’une taverne, il ne peut désormais plus fermer les yeux. Nouvel écho du trauma souvent raconté par Kurosawa, assistant enfant au désastre humanitaire du tremblement de terre du Kanto. Sanjuro reste la mémoire de ces cadavres d’innocents.

Le film, lui même inspiré par les western occidentaux, a fait l'objet d'un remake italien sous forme de western spaghetti : Pour une poignée de dollars de Sergio Leone en 1964.
Précédemment, un autre film célèbre de Kurosawa avait déjà donné lieu à un remake sous forme de western : Les Sept Samouraïs en 1954 avait été adapté en Les Sept Mercenaires par John Sturges en 1960.

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