Le film se passe quelque part en Ukraine, dans un petit village, l'époque
n'est pas précisée.
Deux enfants, Ivan et Marichka, qui s'aiment d'un amour naïf, simple,
d'instinct. À l'âge des épousailles, Marichka, qui s'est portée au secours
d'une brebis en détresse sur une falaise, tombe et se noie dans le torrent.
Misérable, Ivan erre sans fin dans la montagne à la recherche de sa bien-aimée.
Au printemps, la sève et les fleurs revenues, il prend pour femme la sensuelle
Palagna; mais leur union, demeurée stérile, sera un échec. Cruellement
blessé par un sorcier devenu l'amant de Palagna, Ivan rejoint enfin Marichka
au royaume des morts.
A partir de cette histoire simple et banale Parajanov nous offre un
torrent d'images d'une stupéfiante beauté, le film ne s'arrête jamais
sur aucune d'elles pour consentir au spectateur le temps de s'en émerveiller.
Tout au contraire, la caméra, boulimique de nouvelles splendeurs, court
sans cesse aux côtés d'Ivan et de Marichka, avide de ne rien perdre de
l'amour qu'ils irradient avant que la mort ne les fige pour l'éternité.
C'est une course haletante pour saisir au vol toutes les manifestations
de la vie, un regard, le frôlement de deux peaux, un sourire, un pas de
danse, la fuite de quelque animal, dans le ciel, dans la forêt où les
arbres, la mousse, les fleurs apparaissent, à l'instar du soleil, de la
neige, du tonnerre, de la pluie et du vent, comme autant de thèmes majeurs
d'une panthéiste symphonie du monde composée par Paradjanov à la gloire
de la nature, de l'amour et de l'homme.
Sergueï Paradjanov (1924-1990) a étudié le chant et la peinture avant
d'apprendre le cinéma auprès d'Alexandre Dovjenko, le poète de La terre
(1930). Farouchement indépendant, privilégiant la forme sur le fond,
défenseur résolu des cultures traditionnelles, il fut réprouvé
par les autorités soviétiques qui, sous de fallacieux prétextes, l'internèrent
plusieurs années en camp de travail. Ainsi ce film a eu beaucoup de difficulés
à être bouclé, ce qui explique la présence
de longues séquences en Noir et Blanc, Parajanov n'ayant pas eu
un accès aux pellicule couleurs.
«Je ne suis pas conforme» : ainsi s'est défini cet artiste intransigeant
qui a ouvert au cinéma soviétique la voie royale de la poésie pure.
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