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Marie-Antoinette , film américain de Sofia Coppola, sorti en 2006

Distribution:

  • Kirsten Dunst - Marie-Antoinette
  • Jason Schwartzmann - Louis XVI
  • Rip Torn - Louis XV
  • Judy Davis - Comtesse de Noailles
  • Asia Argento - Madame du Barry
  • Marianne Faithfull - Marie-Thérèse Ire de Hongrie
  • Aurore Clément - La duchesse de Chartres
  • Guillaume Gallienne - Comte de Vergennes
  • Jamie Dornan - Comte Hans Axel de Fersen
  • Jean-Christophe Bouvet - Duc de Choiseul
  • Molly Shannon - Princesse Sophie
  • Shirley Henderson - Princesse Adélaïde
  • Steve Coogan - le Comte Mercy d'Argenteau
  • Rose Byrne - Yolande de Polastron, duchesse de Polignac

Fiche technique:

  • Réalisatrice : Sofia Coppola
  • Scénario : Sofia Coppola, d'après l'œuvre de : Antonia Fraser
  • Production : American Zoetrope, U.S.A.
  • Musique originale : New Order
  • Directeur de la photographie : Lance Acord
  • Durée : 123 minutes
  • Dates de sortie: 24 mai 2006 (France)
    13 octobre 2006 (USA)

Marie-Antoinette quitte l'Autriche à l'âge de 14 ans pour la France. L'archiduchesse doit y épouser le Dauphin Louis, futur Louis XVI, afin de sceller l'alliance entre les deux pays. Le mariage consommé, et face à la dureté et à la rigidité de la vie de château, la jeune reine se réfugie dans la frivolité et les plaisirs faciles, s'isolant de la Cour qui la hait.

La première séquence nous présente, sur un divan, Marie-Antoinette exposée en majesté et apprêtée par une servante. Voici quelqu'un qui est né avec une cuiller d'argent dans la bouche, comme nous le suggère cette image liminaire. Elle met le doigt à une pâtisserie parmi celles qui l'entourent, tout en s'apercevant de notre présence par un clin d'oeil ; nous voici invités dans son univers.

Sofia Coppola dresse le portrait d'une Marie Antoinette généreuse au regard des prérogatives liées à son rang, projetée dans une cour princière remplie de ressentiment à son égard ; elle ne baisse pas les bras et ne se laisse aller à la frivolité oisive qu'une fois comprise le caractère inique de sa condition de nymphe qui ne sera reconnue que par sa maternité, alors que de manière persistante son conjoint joue les faux-fuyants.

L' Autrichienne : voici le surnom qu'aura laissé dans les manuels d'Histoire la dernière reine de France de l'Ancien Régime. On pourrait croire que cette image de haine fut inventée par Robespierre. En fait cette opinion sur Marie-Antoinette fut forgée dans les rangs mêmes de la noblesse de cour du palais de Versailles. Son image est à la fin du film l'objet des quolibets des agitateurs publics qui vont contribuer au climat révolutionnaire, ce qui est suggéré par le portrait en peinture sur lequel des bandeaux dénonçant la ruine de l'État se succèdent : le luxe dont s'entoure Marie-Antoinette devient le symbole de l'incurie au sommet de l'État français envers les préoccupations de la population.

Ce surnom ramenant la future Reine à sa nationalité d'étrangère lui est donné dès les premiers plans du film, parmi les favorites du cortège royal venu accueillir la promise du Dauphin. Les messes basses des courtisans égrènent ensuite de ce poison les allées et venues de la Dauphine à la Cour. Les déceptions perdurent à propos de la tâche qui lui est personnellement assignée, et rappelée à l'envi par tous ses référents: doter la famille royale d'un héritier mâle.

Autrichienne donc, elle s'enhardit à faire évoluer les conventions établies par le règne des Bourbons : à la fin d'une représentation de théâtre à laquelle assiste la famille royale, il est prohibé d'applaudir. Telle est la loi du silence établie par la structure du pouvoir en place : elle le brise et fait applaudir l'assistance, montrant enthousiasme et joie de vivre. !Forte de ce succès, elle continue à le faire au sortir d'une tragédie, quelques années plus tard : le public complet du théâtre se retourne pour l'observer taper seule dans ses mains, dans un silence glacial de ressentiment : l'Autrichienne, même Reine de France, ne sera jamais appréciée des Français.

L'étiquette de la Cour de France est catégorique : l'épouse d'un roi ne peut inviter ce dernier à consommer l'acte que par ses charmes féminins, ne suggérant l'acte sexuel que par des moyens détournés, jamais en lui adressant la parole ni en le contraignant. Là aussi un rappel de l'inique condition féminine apposée par la société patriarcale, qui stipule que la responsabilité de la maternité incombe à l'épouse alors que le Dauphin est libre de s'adonner à ce que bon lui semble.

Confinée a une passivité par l'hypocrisie des normes qui l'entourent, Marie-Antoinette est sommée par sa mère de confirmer par une naissance le mariage, par de multiples lettres venant d'Autriche, avec la perspective d'une annulation de l'alliance si le mariage s'avère stérile. La vie de Marie-Antoinette est une fête sans discontinuité, hors des moments de monotonie suggérés par des flâneries en barque ou l'écoute de la mandoline.

Son premier enfant est une fille, elle n'entre donc pas dans l'ordre de succession. Mais la fertilité de la reine n'est plus mise en doute. En récompense pour la première naissance, le Roi offre à son épouse les clés du Petit Trianon. Elle s'y réfugie pour échapper au protocole en vigueur au palais. Lorsque le roi lui confie la clé du Petit Trianon, Marie-Antoinette obtient un début de vie privée dans l'éloignement de la cour du palais.

Le Hameau de la Reine, que le film montre telle une reconstitution idéalisée de vie à la ferme, représente la tour d'ivoire de pureté dans lequel se réfugie cette inaccessible prisonnière. Elle s'y invente la vie de paysanne idéalisée qu'elle n'a jamais pu avoir : poulaillers, cabris, agneaux de race. Elle fait la lecture à ses suivantes de l'État de nature de Rousseau au milieu des pâtures, le passage tiré du livre étant associé à des scènes de jeunes filles en herbe sur fond bucolique

Rencontré au bal masqué, le militaire suédois Axel de Fersen réapparaît en juin 1783 lors de la présentation au roi du corps expéditionnaire français. Il s'avère un amant d'expérience avec le palmarès qui fait sa réputation mondaine. Il a donc toutes les chances que laisse promettre son minois attirant. Pudiquement revêtue d'un éventail, Marie-Antoinette fait un accueil royal à son hôte. La Reine lui demande vainement de continuer à la ravir lorsqu'il prend congé. Elle le revoit ensuite par des regards fuyants dans une image mentale de conquérant sortant vainqueur du champ de bataille, son cheval se cabrant comme dans une peinture de souverain porté en triomphe. Fine évocation d'un fantasme érotique féminin compatible avec cette époque d'uniformes et de prestige guerrier.

Marie-Antoinette a 34 ans lors de la prise de la Bastille. Apres la prise de la Bastille, un rapport concernant une altercation de la populace envers la Duchesse de Polignac parvient à la cour : on veut porter atteinte à la vie de la famille royale. L'exil en Suisse est décidé pour la Cour, hormis la famille royale. Marie-Antoinette vit un second arrachement en voyant partir tous les courtisans et les princes du sang pour l'exil. Jusqu'ici, elle n'a connu que la vie de palais et n'a vu le Monde réel qu'à la sauvette depuis les lucarnes d'un carrosse. Rien de ce qu'elle a pu observer ou de ce qu'on lui a transmis n'a pu la préparer à vivre une chute de régime

Ayant choisi de ne pas traiter la période de l'enfermement de la famille royale, la réalisatrice achève le film sur le départ en carosse du couple, ramené à Paris par les autorités révolutionnaires. Ils ne savent pas encore que ce trajet va mener à leur dernier voyage des condamnés, cependant la réponse de Marie-Antoinette à Louis est ferme et résolue : elle fait ses adieux aux arbres du parc de Versailles, car elle sait qu'elle ne les reverra pas.

Sofia Coppola construit ses mondes comme des cristaux celui d'un pavillon bourgeois dans Virgin suicides, celui d'une chambre d'hôtel dans Lost in translation et dorénavant le château de Versailles.

Sofia Coppola utilise moins le château de Versailles comme un somptueux décor que comme la prison qui enferme la jeune reine. Et le château est bien en effet un nouveau cristal dans lequel Marie-Antoinette y constitue le germe. Elle va s'y voir alternativement réelle ou virtuelle, d'humeur sombre ou claire, heureuse ou malheureuse, lourde ou légère.

La répétition d'images successives des repas ou du coucher des époux royaux, le refuge dans la campagne artificielle du petit Trianon, les fêtes entre copines expriment ce basculement toujours possible pour Marie--Antoinette, entre la survie ou la mort.

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