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Le Goût du riz au thé vert ( お茶漬の味 Ochazuke no aji ) , de Yasujiro Ozu, sorti en 1952

Distribution:

  • Shin Saburi : Mokichi Satake
  • Michiyo Kogure : Taeko Satake
  • Koji Tsuruta : Noboru Okada
  • Chikage Awashima : Aya Amamiya
  • Keiko Tsushima : Setsuko Yamauchi
  • Eijirô Yanagi : Yamauchi
  • Kuniko Miyake : Chizu Yamauchi

Fiche technique:

  • Titre original : ····· Ochazuke no aji
  • Réalisation : Yasujiro Ozu
  • Scénario : Yasujiro Ozu & Kôgo Noda
  • Photographie : Yuuharu Atsuta
  • Montage : Yoshiyasu Hamamura
  • Pays d'origine : Japon
  • Durée : 115 minutes
  • Musique originale: Ichirô Saitô
  • Date de sortie : 1er octobre 1952

Taeko, femme japonaise mariée par arrangement, ne s'entend pas avec son mari Mokichi. Elle cherche le plus possible à s'éloigner de lui qui en retour se plonge dans son travail. Tandis que Taeko est partie se reposer loin de Tokyo, Mokichi est envoyé en Uruguay pour son travail. Taeko se rend alors compte de l'attachement qu'elle éprouve pour son mari.

Ce film se distingue de la plupart des autres fils de Ozu par une fin optimiste où, si le couple protagoniste va bien se retrouver séparé (pour raisons professionnelles), les relations entre le mari et la femme s'apaisent et laissent espérer des lendemains meilleurs.

Ozu tenta avec Le Goût du riz au thé vert de se placer dans la tête et les sentiments d'une femme et de voir les hommes par ses yeux. Mais si l'un des deux membres du couple attire la sympathie du spectateur tout le long du film, ce sera bien Mokichi, le mari, avec son air endormi, bien davantage que son épouse Taeko, un tantinet mégère. Le film, malgré son sujet plutôt grave, la mort en marche d'un couple, utilise un ton très léger et on rit à maintes reprises.

Les femmes, souvent en groupes, font preuve d'esprit et d'ironie envers leurs maris. Aya, l'amie de Taeko et directrice d'une boutique de mode, conseille à la jeune nièce de Taeko, Setsuko: "Une fois mariée, c'est dur la vie ! Un mari, c'est terrifiant. Ça râle tout le temps. Plus possible de s'amuser tranquillement." En vertu de quoi Taeko ment à Mokichi afin d'aller passer quelques temps aux thermes de Shuzengi avec Aya, une autre amie et Setsuko. Cela nous vaut la première scène de comédie du film: alors que Taeko annonce à son époux que Setsuko est très malade et toute seule, faisant en sorte qu'il lui propose qu'elle parte lui tenir compagnie, voilà qu'une pimpante Setsuko fait une apparition inopinée, mettant à plat tout le stratagème de sa tante. Celle-ci la traitera deux fois d'"imbécile", réaction d'une violence extrême dans l'univers d'Ozu.

A Shuzengi, Taeko confie à ses amies et à sa nièce qu'elle appelle son mari "Monsieur l'Engourdi". Et voilà les quatre femmes se mettant à apostropher les carpes emplissant une piscine de l'auberge comme si ces dernières étaient leurs maris, autre moment de comédie. Taeko rêve de voir son mari partir très loin, "hors de vue". Elle ne sait pas alors que son souhait se trouvera exaucé en fin de film mais débouchera sur autre chose que le soulagement espéré.

Le mensonge et la tromperie dans le couple semblent choses naturelles. Au match de base-ball auquel assistent les quatre femmes, Aya aperçoit son mari en compagnie d'une belle jeune femme. Loin de dramatiser, ses amies lui conseillent: "Profites-en ! Fais-toi payer le kimono dont tu rêvais !" Mais la jeune Setsuko, elle, est à 21 ans d'une autre génération et pas prête à accepter les compromis de toutes sortes. Et pour commencer, elle refuse la rencontre arrangée par ses parents en vue d'un mariage éventuel. Elle souhaite choisir par elle-même, affirmant à sa tante ne pas vouloir devenir comme elle et appeler son propre mari "Monsieur l'Engourdi".

Mais la comédie n'empêche naturellement pas que surgisse ici ou là des instants d'émotion et de nostalgie. Ainsi lorsque Mokichi retrouve en patron d'un pachinko son ancien collègue d'armée, lequel se montre tout heureux d'évoquer "le bon temps" avec son ancien caporal, même après que Mokichi a déclaré "on ne veut plus de guerre". Et l'émotion est réelle lorsque l'ancien soldat entonne un chant, hommage aux soldats tombés. Cette ombre de la guerre (on est ici seulement sept ans après la défaite de l'Empire, Hiroshima et Nagasaki), on la retrouvera souvent dans les films d'Ozu.

Autre thème forçant à la mélancolie, mais ici comme transcendée : la solitude dans laquelle, à un moment ou un autre de leur existence, se retrouvent confrontés les personnages d'Ozu et exprimée ici à travers les propos de Mokichi sur le pachinko : "Le pachinko peut devenir un vice. On est dans une foule, on entre dans l'oubli de soi, on s'isole très facilement pour se retrouver seul avec la bille. On oublie tous les problèmes du monde: la bille c'est moi, je suis la bille. La solitude à l'état pur. Puis vous remarquez que cette bille n'est qu'un cycle. Et tout le jeu devient emblématique de la vie. C'est ça le charme du pachinko, un sentiment de solitude heureuse."

Le personnage de Mokichi, tout "engourdi" qu'il est ne manque pas de profondeur, contrairement à son épouse Taeko, plus superficielle et capricieuse. Aya ne la rate d'ailleurs pas dans son jugement: "Tout doit être conforme à tes désirs. Jusqu'au mari, c'est pareil. Ça doit être conforme !" Ozu en profite pour insérer un commentaire social à travers les origines des deux époux. Mokichi, élevé à la campagne dont il a gardé les manières aime "ce qui est intime, presque primitif, la simplicité rustique et sans façons". A l'inverse, Taeko, citadine et que l'on devine d'un meilleur milieu se montre plus sophistiquée, maniérée et coquette.

Mokichi reçoit à la fin du film une mutation pour la lointaine Uruguay. Taeko est partie sans prévenir pour quelques jours. Elle ne répond pas au télégramme qu'il lui adresse, ne rentre pas et le voilà parti en avion. Tous les différents protagonistes croisés dans le film sont là, à l'aéroport. Ne manque que Taeko qui rentre quelques heures plus tard et découvre que son mari est parti. Mais il revient après un incident technique sur l'avion.

Avant de reprendre le vol le lendemain matin, il va passer la soirée avec son épouse et tout semble alors différent. Cette scène de retrouvailles au sens fort du terme donne l'occasion à Ozu de faire étalage de tout son talent à exprimer avec des petits riens douceur et tendresse. Désireux de ne pas réveiller la servante Fumi, le couple décide de préparer lui-même le "riz au thé vert" que souhaite Mokichi. Mais ils n'ont jamais mis les pieds à la cuisine et doivent explorer celle-ci à la recherche de nourriture et du moindre ustensile. Ils tâtonnent, s'aident, se sourient, faisant enfin preuve d'attention l'un envers l'autre. Tout cela est montré de façon très subtile en un long plan-séquence comme toujours filmé avec la caméra fixée à hauteur d'un homme assis sur le tatami. Le couple se reconstitue ainsi autour des deux éléments de base de la nourriture japonaise: le riz et le thé. Taeko comprend enfin la simplicité à laquelle aspire son mari et comme elle le confie à Setsuko dans la scène suivante: "Maintenant, je peux aimer chez lui tout ce que je détestais auparavant".

Ozu termine Le Goût du riz au thé vert sur le même ton de comédie qu'au début par une amusante dispute amoureuse filmée à distance et en pleine rue entre la jeune Setsuko et Nonchan (dont Mokichi est le garant) qui vient de réussir ses examens. Lui se montre un peu fanfaron et elle prête à s'enflammer à la moindre remarque un peu traditionnelle.

Gilbert Salachas déclare:
« Ozu tenta avec Le Goût du riz au thé vert de se placer dans la tête et les sentiments d'une femme et de voir les hommes par ses yeux. Mais si l'un des deux membres du couple attire la sympathie du spectateur tout le long du film, ce sera bien Mokichi, le mari, avec son air endormi, bien davantage que son épouse Taeko, un tantinet mégère ! Le film, malgré son sujet plutôt grave – la mort en marche d'un couple – utilise un ton très léger et l’on rit à maintes reprises. »

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