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Le voyage dans la Lune, un film français de Georges Méliès, sorti en 1902

 

Distribution:

  • Georges Méliès : Barbenfouillis
  • Victor André
  • Bleuette Bernon : la femme dans la Lune
  • Depierre
  • Farjaux
  • Brunnet
  • Jeanne d'Alcy
  • Henri Delannoy
  • Kelm
  • artistes des Folies-Bergère

Fiche technique:

  • Réalisation : Georges Méliès
  • Scénario : Georges Méliès d'après
    Jules Verne ( De la Terre à la Lune)
    H.G. Wells ( First Men in the Moon)
  • Productrion : Star Film
  • Directeur de la photographie : Michaud
  • Montage : Hervé Schneid
  • Date de sortie : 1902
  • Durée : 14 mn à 16 im/sec
  • Genre : fantastique

Le Club des Astronomes , présidé par Barbenfouillis, organise une expédition vers la Lune. Adoptant la solution proposée par Jules Verne, ils construisent un canon géant permettant de lancer une fusée-obus. A son bord embarquent une équipe de voyageurs de l'espace.

Ils se plantent en plein dans œil de l'astre des nuits et y découvrent monts et merveilles : des danseuses... étoiles, des champignons à,croissance accélérée, des habitants du cru à tête de crevettes. Comme l'endroit s'avère, à la longue, inhospitalier, ils redescendent sur Terre, où ils sont accueillis en triomphateurs.

Le Voyage dans la Lune marque une étape dans l'histoire du cinéma. Il arrive six ans après la projection des frères Lumière du 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café officialisant la naissance du cinéma.

C'est là sans aucun doute œuvre la plus célèbre de Georges Méliès (1861-1938), un modèle du genre «féerique» et le premier en date des films de science-fiction.
Quand Méliès le réalisa, dans son atelier de Montreuil-sous-Bois, il était à l'apogée de sa carrière. Contemporain des frères Lumière, et l'un de leurs premiers et enthousiastes spectateurs, cet homme aux dons multiples, héritier de Robert Houdin, dont il avait racheté le théâtre, expert en illusion, pyrotechnie et magie en tous genres, entrevit aussitôt les possibilités fantastiques de la nouvelle invention.

Le film n'est pas la première fiction en date, il ne révolutionne pas non plus la narration cinématographique. Ce sont l'emploi des techniques existantes et des trucages d'une façon qui est propre au réalisateur, à des fins purement artistiques qui vont donner à cette œuvre une stature historique. Dans sa forme narrative, cette production n'est en effet guère novatrice. La narration est linéaire, enchaînant des plans fixes. Le cadrage embrasse invariablement toute la scène. L'œuvre se présente sous la forme d'une succession de tableaux vivants, un style primitif et courant dans les débuts du cinéma qui perdurera encore longtemps, avant que des réalisateurs tels D.W. Griffith ou Eisenstein apportent notamment sur ce point une impulsion décisive dans le langage cinématographique en variant les angles de vue dans une même scène.

Dans la filmographie de Méliès, à partir de 1896, on compte plus de 560 films , dont certains très courts. Négligeant les vues documentaires, il opte pour le burlesque, le récit fantastique, l'hallucination contrôlée. Son thème favori, qu'il développera avec passion, est le voyage imaginaire, sur terre, sous les mers, dans les airs et, pour finir, « à travers l'impossible ».
Il emploie tous les truquages possibles, certains déjà rodés à la scène, d'autres conçus spécialement pour l'écran : surimpressions, fondus, arrêts sur l'image . Son génie réside dans un mélange rigoureux de précision mécanique et de fabulation, d'ingéniosité et de funambulisme.

Avec Le Voyage dans la Lune, il inaugure un nouveau genre : la féerie. Pour cette période du cinéma, c'est ainsi qu'on dénomme ce que l'on appellera plus tard le fantastique ou la science fiction. Ce sera dès lors son domaine de prédilection, dans lequel il va s'illustrer au moins encore pour dix ans. Les contemporains de Méliès n'avaient pas, à proprement parler, de démarche artistique.

Méliès est le premier à emprunter une voie personnelle et ce faisant à adopter une démarche artistique. Cette féerie baroque donne dans le registre comique. Dans un premier tableau, les scientifiques sont affublés de chapeaux pointus et de robes étoilées qui évoquent les personnages de Nostradamus ou de Merlin l'Enchanteur. La caution scientifique est simplement balayée faisant place à une fantaisie débridée. Sur la rampe de lancement, des jeunes filles chichement vêtues dansent et, en fanfare, allument la mèche du canon qui va propulser la fusée dans l'œil de la Lune.

Quant à l'arrivée sur la Lune, c'est une débauche de découvertes, toutes plus extravagantes les unes que les autres jusqu'à l'entrée en lice des Sélénites, habitants de la Lune que les scientifiques combattent plutôt efficacement grâce à leur parapluie. Le caractère outrancier des décors et des ressorts du scénario sert aussi une forme de satyre de la science conquérante. On songe au Médecin malgré lui avec ses savants incompétents qui se drapent de la dignité de leur profession. Les scientifiques sont des vieux messieurs farfelus, approximatifs, le schéma de l'expérience proposée, dessiné au tableau par le chef de l'expédition, est des plus dépouillés.

La dernière scène met singulièrement à mal l'arrogance scientifique représentée par une statue qui, pour illustrer l'aventure des pionniers, est constituée d'un personnage grotesque écrasant littéralement l'astre lunaire sous son pied. Georges Méliès fait aussi preuve d'une très bonne maîtrise du scénario et de la technique de l'époque. Le choix des tableaux et leur composition renseignent suffisamment le spectateur, à telle enseigne qu'aucun intertitre n'a été nécessaire. Le récit demeure à tout moment compréhensible.

Les trucages sont pour la première fois employés à dessein artistique. Certains sont issus de l'expérience théâtrale (perspectives forcées, trappe ...) ; d'autres sont purement cinématographiques : la surimpression durant le rêve des astronautes, la disparition subite des Sélénites pendant les scènes de combat (le truc avait été découvert accidentellement par Méliès et utilisé dans un précédent film, L'Escamotage d'un dame au théâtre Robert Houdin).

L'art muet franchit un cap et ouvre de nouvelles perspectives à la production cinématographique de ce début de siècle. Le Voyage dans la Lune a été projeté dans le monde entier avec un égal succès. Il fut même abondamment plagié. Néanmoins, c'est encore le réalisateur lui-même qui s'y illustra le mieux jusqu'à ce que le genre féerique qu'il a créé tombe en désuétude. En effet, l'œuvre est étroitement liée à la personnalité de l'auteur illusionniste d'expérience. Les contemporains de Méliès ne possédaient pas la formation ni la compétence qui leur auraient permis d'enrichir voire d'égaler ses films sur ce terrain.

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