Les pages de Ciné-Passion . . .

• George M. Anderson
• Justus D. Barnes
• Walter Cameron
• Franck Hanaway
• Morgan Jones
• A.C. Abadie
• Tom London

La plupart des historiens du cinéma considèrent Le Vol du Grand Rapide comme l'acte de naissance de ce qui deviendra le genre le plus populaire du cinéma américain : le western. Nous assistons à la naissance d’un genre, avec ses chapeaux, ses trains, ses chevaux, ses revolvers et même la dynamite. Tous les codes sont déjà en place : le combat à main nu (voir comment le conducteur se transforme en mannequin avant d’être balancé hors du train, on assiste aussi aux début des effets spéciaux), la mort surjouée (celle du voyageur qui tente de s’échapper), le bal typique western et la poursuite à mort. Et déjà, à la fin, la morale est sauve.

Ce film a été tourné alors que la période qu’il décrit touche à sa fin. Le film date de 1903, et un certain nombre de westerns tournés depuis se situent justement au début de ce siècle. Comme un touchant passage de génération, de la réalité au cinéma.

Ce qui est exceptionnel, dans ce film de 12 minutes, c'est sa complexité narrative. Plus d'une douzaine de séquences se succèdent, chacune apportant un développement à l'histoire. Dans la scène d'ouverture, deux voleurs masques contraignent un opérateur du télégraphe à envoyer un message pour que le train fasse un arrêt non prévu. Dans la scène suivante, les bandits embarquent dans le train, pénètrent dans le wagon postal et, après une lutte, ouvrent le coffre. Plus loin, deux voleurs maîtrisent le conducteur et le chauffeur du train et jettent l'un d'eux sur la voie. Les bandits arrêtent le train et dévalisent les passagers. Un d'eux essaie de fuir, il est abattu.

Puis les voleurs s'enfuient à bord de la locomotive, et dans la scène suivante, on les voit enfourcher leurs chevaux et s'en aller au galop. Entre-temps, le télégraphiste du train envoie un message pour demander de l'aide. Dans un saloon, on oblige un nouveau venu à danser sous la menace des revolvers, mais quand le message arrive, tout le monde prend son arme et s'en va. Raccord sur les voleurs poursuivis par un détachement. Au cours de la fusillade, les bandits sont tués.

Le plan le plus connu du film montre le chef des bandits tirant à bout portant vers la caméra: cet effet terrifiant (à l'époque) et complètement déconnecté de l'histoire était montré, semble-t-il, tantôt au début, tantôt à la fin. Dans les deux cas, il donnait au spectateur l'impression de se trouver dans la ligne de tir.

On trouve au générique le nom de Gilbert M. Anderson (alias Max Aronson), qui tient plusieurs rôles, dont celui du passager qui se fait tuer. Anderson ne tardera pas à devenir la première vedette de western. Il incarnera Bronco Billy dans plus de cent films tournés à partir de 1907. D'aucuns, sous des prétextes divers, contesteront que Le Vol du Grand Rapide ait été le premier western : ou bien ce n'était pas le premier ou bien ce n'était pas un western.

Il est certain qu'on avait tourné avant cela des films avec un thème de western, comme Cripple Creek Bar-Room Scène de Thomas Edison (1899), mais aucun ne possédait une structure narrative aussi élaborée que celui de Porter. Il est vrai aussi que celui-ci plonge ses racines à la fois dans des pièces de théâtre comprenant de spectaculaires scènes de train et dans d'autres films avec des hold-up audacieux, mais qui n'étaient pas des westerns.

Notons aussi que sa prétention à être un vrai western ne repose pas sur l'authenticité des lieux de tournage : Le Vol du Grand Rapide a été tourné sur les lignes de la Delaware and Lackawanna Railroad, dans le New Jersey. Mais les attaques de train appartiennent à la tradition du genre depuis l'époque de Jesse James, et d'autres icônes indispensables comme les six-coups, les chapeaux de cow-boy et les chevaux contribuent à prouver qu'il appartient au genre.

Téléchargement

Le film est disponible légalement et gratuitement en cliquant sur le lien ci-dessous:

http://memory.loc.gov/ammem/edhtml/gtr.html