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La Vie sexuelle des Belges 1950-1978 , film belge de Jan Bucquoy , sorti en 1994

Distribution:

  • Jean-Henri Compère : Jan adolescent
  • Noe Francq : Le petit Jan
  • Isabelle Legros : La mère du petit Jan
  • Jacques Druaux : Le père
  • Sophie Schneider : Thérèse, sa première femme
  • Sabrina Leurquin : Adjani
  • Morgan Marinne : L'enfant
  • Noël Godin : Pierre Mertens

Fiche technique:

  • Titre : La Vie sexuelle des Belges 1950-1978
  • Réalisation : Jan Bucquoy
  • Production : Francis De Smet
  • Musique : Francis De Smet, Marc Aryan, Gene Vincent, Will Tura, Peter Benoit, Les Dominos.
  • Production : Transatlantic Films Bruxelles
  • Pays d'origine : Belgique
  • Durée : 89 minutes
  • Date de sortie : janvier 1994, Bruxelles
  • Son : Gérard Rousseau et Jean-Grégoire Mekhitarian
  • Image : Michel Baudour
  • Costumes : Mariska Clerebaut, Sabina Kumeling
  • Montage : Matyas Veress

Fiche IMDB

La Vie sexuelle des Belges 1950-1978 est un film qui parle de la jeunesse d'un écrivain qui quitte son village natal (Harelbeke) en Flandre profonde pour tenter sa chance dans la capitale de la Belgique, Bruxelles. Il sera déçu sur le plan sentimental autant que sur le plan professionnel. Dans ses moments de solitude, il pensera à sa mère qui le tenait si tendrement dans ses bras quand il était encore un bébé.

Le film parle au début de la vie de famille flamande mais après il parle du petit Jan en ville de province et le Jan adolescent à l'encontre d'aventures sexuelles: il est témoin à l'école des tracasseries de son premier amour sale culotte. Sa tante Marta l'emmène voir le western Johnny Guitare avec Joan Crawford qui restera pour lui l'emblème de la femme parfaite.

Johnny Guitare contient un hommage à François Truffaut. En effet, le film partage avec Les Quatre Cents Coups le sens du lyrisme, de l'enfance, de l'émotion et de la liberté. Jan et Antoine sont tous les deux des fans de cinéma et des grands lecteurs de Balzac. La salle de cinéma le Gaumont's Palace à Paris sera détruite comme la salle de cinéma de Harelbeke dans laquelle le petit Jan va voir les films avec tante Marta.

Bucquoy fera une allusion indirecte au film et son personnage Antoine Doinel (Antoine et Colette) dans Camping Cosmos avec la star polonaise Cybulski qui apparaît dans le film à sketches L'Amour à vingt ans.

Il ne sera tenté ni par le nationalisme flamand, ni par l'homosexualité: ceci est expliqué dans la scène au camping dans les champs de Dixmude avec le petit film de Laurel et Hardy Cavale en série. Là il refusera les attouchements d'un copain plus âgé, avec la tour d'Yser à l'arrière plan qui fait figure de symbole du Flamingantisme. Il fait sa première conquête amoureuse lors d'un bal de village pendant lequel Will Tura chante : Ik ben zo eenzaam zonder jou (Je me sens si seul sans toi).

Jan rencontre sa première femme à l'université (ULB) pendant une distribution de tracts contre la guerre du Vietnam. Il se promènera avec elle sur le brise-lames de Blankenberge. Le mariage apporte un enfant mais pas le bonheur. Entre temps, il reçoit des leçons de Marxisme de sa maîtresse qui lit le Capital toute nue dans son canapé.

La vie continue et le protagoniste tente sa chance dans la capitale de la Belgique dans les années 1960 avec le commencement de la liberté sexuelle : divorce, partouses, rencontres furtives, etc... Il fréquente le café d'artistes Le Dolle Mol mais il se sent de plus en plus seul.

L'ange de la mort qui survient au décès de sa mère sur l'arrière fond musical du requiem du compositeur flamand Peter Benoit, lui réclame une pénitence et lui reproche son obstination pour le sexe. Elle lui révèle que Mozart considérait la mort comme une libération mais il lui répond qu'il doit d'abord terminer son livre. Le film se termine avec une prise de vue du bébé dans les mains de sa maman, comme dans la première scène où elle descend de l'escalier avec son bébé (une référence à Lacan et la fameuse histoire de Saint Augustin qui voyait le frère de lait jaloux du bébé dans les bras de sa maman)

On entend la chanson "Wherever you are, you will always be my Johnny Guitare" suivit par l'Hymne de l'Union soviétique qui renvoie au film suivant de la trilogie de "La vie sexuelle des Belges" : Camping Cosmos.

Ce film étrange raconte avec une voix off tantôt ironique tantôt réaliste, les déboires d'un jeune écrivain qui s'approche de la vie d'une façon naïve. Un Pip dans Les Grandes Espérances de Charles Dickens ou un Julien dans Le Rouge et le Noir de Stendhal ? L'histoire se développe dans la perspective de la première personne et dans la progression d'un Bildungsroman comme David Copperfield. Basé sur la bande dessinée écrite par Bucquoy et dessinée par Jean-Philippe Vidon: La vie de Jean-Pierre L'Heureux, Tout va bien. La voix-off donne un sentiment de Stream of Consiouscness et étale les états d'âme du protagoniste.

La Vie sexuelle des Belges 1950-78 est un film qui marque une période d'après-guerre où un optimisme chaleureux dominait la Belgique. Cet optimisme sera contrarié par la suite dans les films Camping Cosmos et Fermeture de l'usine Renault à Vilvoorde.

La vie sexuelle est en fait une métonymie de la vie sentimentale . La chronique 1950-1978, qui est mentionnée dans le titre du film, parle surtout de l'enfance et de la vie d'un jeune homme qui fuit sa Flandre petit esprit pour commencer sa carrière dans la capitale belge. "des Belges" fait figure de style de taxinomie comme si "la Vie sexuelle des Belges" serait différente des autres peuples. Il s'agit bien de "vie sexuelle" et non de sexualité tout court, le mot "vie" sous-entend un développement, une évolution. L'affiche du film représente les nouveaux mariés comme un couple classique des années cinquante en Belgique. Le mot "sexuel" cache les mots "politique", "art", "désir", "communication".

Le film comporte des clins d'œil aux films de Godard : Masculin, féminin (1966), par exemple dans la scène des deux amoureux au café : la femme qui mange une pomme (symbole d'Eve du paradis, malum en latin étant un homonyme pour pomme et pour le mal), et à La Chinoise (1967) avec la scène de la distribution de tracts à sa future femme à l'ULB.

Le film fait aussi penser à Huit et demi (Otto e mezzo "8½") (1963) de Fellini par son introspection, sa fantaisie autodérisoire et ses images du passé et de la jeunesse.

Comme dans Mon oncle d'Amérique, La Vie sexuelle des belges se déroule en permanence sur trois niveaux : l'histoire racontée, les représentations mentales des protagonistes influencées par le cinéma et par leurs souvenirs propres, et des images d'expériences des protagonistes n'ayant pas de rapport évident sur le moment, mais qui deviennent éclairantes ou sont simplement absurdes.

Ce film est une œuvre faussement fruste, en réalité très sophistiquée, qui sait être, sans la moindre honte, sans avoir l'air de... (comme chantait Brel) populo et intello à la fois." Les scènes clés de ce parcours initiatique s'enchaînent au rythme de la voix off de l'auteur dans un cadre peu mobile, théâtral. Le parti-pris de la mise en scène est d'ailleurs plus près des planches que des effets spéciaux. Mais le spectateur s'accommode de ces longs monologues face caméra, ces clins d'yeux à son regard et ces répétitions de séquences plantées dans des décors identiques pour scander le temps.

Le film fut bien accueilli par la critique et le public d'amateurs de cinéma d'auteur. Il est vendu dans seize pays entre autres le Royaume-Uni et dans le circuit d'art cinema de New York. La Vie sexuelle des Belges 1950-1978 a remporté le prix André Cavens (Union de la Critique de Cinéma) du meilleur film belge de l'année 1994.

 

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