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Le propos:Thelma Yvonne Dickinson, la trentaine, est l'épouse frustrée et soumise de Darry, archétype du macho d'autant plus parfaitement inconscient de son ridicule que son complexe de supériorité est renforcé par sa réussite professionnelle. Louise Elizabeth Sawyer, son amie, l’a convaincue de s’évader pour un week-end à la montagne. Quittant l’Arkansas, elles sont bien décidées à profiter de ces heures de liberté. Elles s’arrêtent en cours de route, dans une boîte où Thelma abuse de l’alcool. Alors qu'un homme essaie de la violer sur le parking, Louise arrive in extremis, sort un revolver et empêche le viol. Devant la vulgarité et l'agressivité de l'homme, elle le tue. Louise refuse catégoriquement de se rendre à la police et décide de prendre la direction du Mexique, entraînant Thelma dans sa cavale. Louise téléphone à son petit copain Jimmy pour qu’il lui envoie de l’argent à un motel d’Oklahoma City, mais mystérieusement elle ne veut pas passer par l’État du Texas. Le meurtre ayant été découvert, la police, après une rapide enquête, est sur la piste des deux femmes. Des agents, comptant sur un appel téléphonique qui permettrait de les localiser, s’installent en présence de Darryl dans la maison du couple. Arrivées à Oklahoma City, elles y retrouvent Jimmy qui a apporté l’argent, et qui en profite pour demander à Louise de l’épouser ; elle refuse compte tenu de la situation. Pendant ce temps, Thelma prend du plaisir avec un auto-stoppeur, jeune et rebelle, qui leur volera l'argent qui leur manquera pour poursuivre leur trajet jusqu'au Mexique. Thelma est consciente de sa responsabilité à nouveau dans la tournure que viennent de prendre les choses. Constatant le désespoir dans lequel sombre Louise à cause de sa négligence, elle ne trouve pas de meilleure idée que de commettre un braquage, directement inspiré par les confidences qu'elle a tendrement arrachées au lit de la bouche de son voleur. Continuant leurs recherches, les policiers, progressant d'autant plus vite que le délit de Thelma fut filmé par une caméra de surveillance, retrouvent Jimmy, puis l'auto-stoppeur qui les orientent vers l’Arizona. L’un des policiers, ayant appris que Louise a été violée au Texas, il y a longtemps, comprend qu’elles ne sont pas vraiment responsables de cette histoire. De nouveau sur la route, les deux femmes commettent ensuite un excès de vitesse et sont arrêtées par un policier. Elles exhibent alors leur revolver pour le menacer, afin de le neutraliser en l'enfermant dans le coffre de la voiture de patrouille pour qu'il ne donne pas d'indication permettant de les localiser. Elles poursuivent leur trajet et sont amenées à doubler à nouveau un routier qui, comme deux fois auparavant, les interpelle avec insistance par des propos et des gestes obscènes. Cette fois, elles l'arrêtent pour obtenir de lui des excuses qu'il s'obstine, dans son sentiment de supériorité masculine, à ne pas présenter et font exploser son camion-citerne. La cavale prend fin au Grand Canyon dans l’Arizona. Prises au piège par une armée de voitures de police, Thelma et Louise préfèrent la mort : dans une ultime accélération, leur voiture saute dans le précipice. Analyse critiquePlus qu'un road movie à travers les USA, Thelma et Louise est un voyage vers la liberté. D'une simple envie de prendre l'air dans les montagnes, la petite escapade se transforme en désir de briser toutes les chaînes qui les retiennent. Se libérer d'un lourd passé que Louise ne révélera jamais. Se libérer d'un avenir fade et triste que représentent ces petits vieux qu'elles ne cessent de croiser. Mais surtout se libérer de ces hommes qui sont autant d'obstacles dans leur vie et qui les ont poussées dans cet engrenage irréversible. Des hommes caricaturés à l'extrême par un Ridley Scott qui se fait juge arbitre en déclarant par l'intermédiaire de Al (Harvey Keitel) : "je te rendrai personnellement responsable d'une partie de ce qui va leur tomber dessus". Parmi ces hommes "poison", il y a: le mari possessif, jaloux, stupide et macho qui ne considère Thelma que comme une poupée gonflable qui sait faire la cuisine et le ménage. Le violeur et le camionneur, obscènes, pervers et vulgaires, aveuglés par leurs instincts primaires. Le beau gosse irresponsable qui va de vols en mensonges et de mensonges en provocations. Les policiers engoncés dans leurs uniformes qui ne jurent que par la loi et qui méprisent les sentiments. Face à ce carcan qu'est leur vie, et à l'effet boule de neige qu'a pris la tournure des évènements, une seule solution donc: partir, de plus en plus loin vers une indépendance totale. Les cheveux au vent dans une Thunderbird décapotable verte, la quête de la liberté se traduit par l'envie de braver les interdits, de repousser leurs propres limites. Un pistolet pris en cachette, une cigarette échangée, une flasque d'alcool volée, un braquage, un camion qui flambe, autant de gestes libérateurs qui les mènent jusqu'au point de non retour. Mais la liberté n'est pas présente que dans les actes, elle transpire dans toutes les images du film, elle habite son atmosphère. Plus la voiture avance, plus elle s'enfonce sur les routes désertes et poussiéreuses du grand ouest américain. Ces territoires vierges, sauvages aux décors et aux éclairages magnifiques, cette Monument Valley aux monolithes insolites qui réveillent l'esprit cow-boy qui sommeille en nous. Tout un univers rythmé par la musique chaloupée de Hans Zimmer, une guitare country planante qui laisse s'intercaler des chansons des plus représentatives. À sa sortie, ce film a suscité une polémique aux États-Unis, notamment parce qu'il mettait en scène deux héroïnes répondant par les armes à la violence masculine. À l'intersection de plusieurs genres cinématographiques, il est aujourd'hui considéré comme un classique, a influencé d'autres films et œuvres artistiques, et est devenu un film culte du mouvement féministe. Mais les centres d'intérêt du film sont multiples. La vision première et la plus évidente du film est celle du "Road movie" L'essentiel de l’action se passe sur la route. Les deux héroïnes traversent des paysages somptueux entre l’Arkansas et l’Arizona, dans une Ford Thunderbird 1966 décapotable, les cheveux au vent, ce qui contribue à ce que le film évoque un sentiment de grande liberté. Outre les nombreux plans présentant la voiture en mouvement, les lieux sont très significatifs du mode de vie nord-américain, lié à la distance, la route et ses étapes : pompes à essence, motels, magasins et services destinés aux routiers. Ridley Scott explique que le fait d'être européen a été un avantage pour le tournage de ce film. « Les Américains vivent entourés d’un tas de choses qu’ils ne voient même pas parce qu'elles font partie intégrante de leur culture… Mais moi, en tant que non-initié, je peux rouler en voiture à travers le désert du sud-ouest et m'extasier devant des kilomètres et des kilomètres de poteaux téléphoniques, ce que l'Américain moyen considère comme tout à fait normal. ». Les routes des États-Unis d'aujourd'hui, et de l'époque du tournage, sont bordées des chaînes Motel 6, McDonald's et Burger King. La route de Thelma & Louise se réfère à une période plus ancienne. Ridley Scott a voulu évoquer celle de la mythique Route 66 en faisant évoluer ses personnages dans des motels bon marché et stations-services sans enseigne. Le film est aussi un "buddy movie" puisqu'il repose sur l'amitié entre deux femmes aux caractères différents. Thelma est celle dont la personnalité évolue le plus au long du scénario. Elle est d'abord une jeune femme au foyer craintive et naïve qui veut s'amuser le temps d’un week-end. Au fil des épreuves auxquelles elle est confrontée, elle acquiert de l'assurance et prend conscience du pouvoir qu’elle peut avoir sur le déroulement des choses. Louise est plus âgée, plus posée, plus maternante. Elle a une plus grande expérience de la vie, y compris de ses aspects plus douloureux et a un potentiel supérieur à la fonction de serveuse qu’elle occupe Le début du film présente les deux héroïnes séparément, chacune dans son univers quotidien, sans doute aussi pour exposer cette différence de caractères. La séquence de préparation des sacs de voyage, en particulier, a pour but d'établir, par exemple, en quoi Louise est organisée, méthodique, pratique, alors que Thelma est enfantine, impulsive, inexpérimentée. Ce n'est que plus tard qu'elles apparaissent ensemble à l'écran, lors de leur rendez-vous pour le départ, Louise s'étant chargée de la voiture, Thelma du revolver. Les grands espaces font aussi penser de suite à un western. Ridley Scott
a réutilisé les techniques cinématographiques des westerns des années
1950. Il est retourné sur les lieux de tournage de nombreux westerns en
Utah, dans les environs de Moab, qui n’avaient plus été utilisés pour
des longs métrages depuis l’époque de John Wayne. Il a remplacé les cow-boys
par des voitures et les diligences par des camions, tout en conservant
les mêmes techniques de prises de vue : La rencontre ultime avec le camionneur est un exemple d'une séquence typiquement inspirée du western. Les deux héroïnes sont assises au tout premier plan, de dos, en regardant avec calme et détermination l'approche du « méchant », petit par rapport à la masse de son gigantesque camion, dans l'attente de la confrontation décisive. Chacune d'elle porte alors un attribut identifiant immanquablement la mythologie du western : Louise, à droite en t-shirt blanc, porte un chapeau de cow-boy (le chapeau texan qu'elle a échangé avec le vieillard contre ses bijoux), avant de l'ôter en le faisant passer en plein milieu de l'écran, comme pour insister auprès du spectateur sur le « code ». Thelma, en noir, a la main sur la hanche droite, en position parfaite pour saisir la crosse du revolver dont le canon est glissé sur ses reins dans la ceinture de son jeans. Le camionneur s'approche, continue son cabotinage de dragueur et ne voit pas la crosse de l'arme parfaitement en saillie sur sa hanche, comme celles que l'on voit portées dans la gaine pendue à la ceinture des personnages de l'univers de John Ford et de John Wayne. Puis, elles font comme un concours d'adresse au tir au revolver pour détruire le camion. À la suite de quoi, leur ennemi enfin vaincu et ridiculisé, elles sautent dans leur voiture sans en ouvrir les portières, exactement comme les héros de l’« Ouest sauvage » enfourchent leur cheval dans la précipitation. Et elles démarrent en trombe pour faire un ou deux tours de victoire, en poussant le fameux cri de l'Ouest, autour du méchant qui trébuche dans la poussière, alors que la caméra s'élève pour donner de l'ampleur à leur départ pour de nouvelles aventures. Ce passage est aussi marqué par la classique image du rodéo (et de son épreuve d'adresse à ramasser quelque chose au sol en se penchant sur sa monture lancée au galop) qui est l'occasion pour la passagère de la Thunderbird de récupérer le trophée de leur victoire, la casquette décorée au front du drapeau américain qu'a perdue leur adversaire lors du souffle de l'explosion. Cette scène à la casquette contient même une certaine analogie avec celles montrant des Indiens cinématographiques emmener le scalp d'un Blanc. Le film contient également d'autres scènes emblématiques de western, à commencer par la présence de chevaux. Thelma et Louise s'arrêtent à une station service devant laquelle est attaché un cheval. Une autre séquence montre la voiture traversant un troupeau de vaches gardé par des cow-boys à cheval. L’humour est présent dans Thelma & Louise. Le film commence comme une comédie : après avoir fait la morale à deux jeunes clientes sur la nocivité du tabac, Louise s'accorde une pause pour allumer une cigarette. Ensuite, Louise téléphone à Thelma qui lui demande si elle travaille, ce à quoi Louise répond « Non, je pose pour Playboy ». Suit la scène où Darryl quitte précipitamment sa maison pour se rendre au travail et, dans la plus pure tradition du comique de situation, se ridiculise en tombant sur les matériaux de construction à côté de sa voiture. Puis l'alternance de plans montrant Thelma et Louise, chacune en train de préparer son sac de voyage (signalant non la simple concomitance mais illustrant avec insistance leurs différences de caractères), prête à sourire. Enfin, une courte séquence montre Louise dans les toilettes bondées du saloon, entourée de femmes se poussant mutuellement pour se remaquiller et se recoiffer devant le miroir. Le ton de la comédie prend brutalement fin au moment de la séquence du viol. Plus tard dans le film, l’humour réapparaît. C'est notamment le cas de la séquence de l'infraction à la limitation de vitesse où Thelma tient le policier en joue et demande à Louise de détruire la radio, cette dernière détruisant d'abord l’autoradio puis le dispositif de communication policier. Ridley Scott explique que, vu son sujet dramatique, le film aurait pu avoir une tonalité plus grave. Il a néanmoins préféré y introduire une dose d’humour, estimant que les spectateurs prennent plus de plaisir à regarder plusieurs fois un film qui les fait rire plutôt qu’un drame Si le film reprend de nombreux thèmes classiques du cinéma, il surprend
par sa scène finale tranchant avec le happy end habituel pour ce genre
cinématographique. Transgression et émancipation féminineL'émancipation féminine, l'accomplissement personnel, la prise de contrôle des femmes sur leur vie, la transgression sont des thème important du film.. Les deux principaux personnages sont confrontés à des évémenents qui les poussent à choisir une autre vie. Cette prise de contrôle sur leur corps et leur vie passe par la réappropriation du revolver, un objet occupant un rôle central dans la mythologie américaine comme instrument d'autonomie. L'émancipation est également une caractéristique du personnage de Thelma qui se voit transformée tout au long du film. Le film Thelma & Louise a comme principal thème l'émancipation féminine, l'accomplissement personnel, la prise de contrôle des femmes sur leur vie. La scénariste Callie Khouri explique que le thème de la réappropriation de leur vie par les femmes est à la base du scénario. « L’idée m’est venue une nuit, alors que j’étais assise dans ma voiture, devant chez moi. Qu’est-ce qui pourrait bien se passer dans la vie de deux femmes, deux meilleures amies, de suffisamment fort pour les obliger à choisir entre ce qu’elles ont et ce qu’elles pourraient éventuellement avoir ? Quel événement, quelle erreur commise, peut-être, pourrait les expédier en voyage dans l’inconnu ? À partir de là, l’histoire s’est déroulée toute seule dans ma tête » La prise de contrôle des deux héroïnes sur leur vie passe par la réappropriation du revolver, symbole de pouvoir et d'autorité masculine dans bon nombre de films depuis les westerns jusqu'aux policiers. C'est un objet qui occupe un rôle central dans la mythologie américaine comme instrument d'autonomie. Au début du film, les deux femmes éprouvent de la répulsion envers l'arme. Thelma, qui refusait d'apprendre à s'en servir comme l'explique son mari aux policiers, le prend du bout des doigts comme s'il s'agissait d'un linge sale. Louise, bien qu'elle ait appris à tirer au Texas, est effrayée au moment où Thelma le lui montre, et lui ordonne de le cacher dans son sac. La possession de l'arme change pourtant le destin des héroïnes, et devient un instrument facilitant leur émancipation. Il est d'abord le seul élément qui peut interrompre le viol. Le revolver devient l'objet permettant aux deux femmes de reprendre possession de leur corps. Lorsqu'elles fuient ensuite les lieux du crime, Louise, sous le choc, contemple longuement l'arme posée sur ses mains. Le pistolet, grâce auquel Thelma acquerra ensuite confiance en elle, permet de commettre le braquage qui leur fournit l'argent nécessaire pour poursuivre leur route. Le revolver est plus tard l'instrument permettant de menacer le policier pour qu'il ne donne pas l'alerte, de s'emparer de son arme, de détruire son poste de communication, de faire des trous d'aération dans le coffre de sa voiture où il sera enfermé. En quittant le véhicule de police, les deux femmes éprouvent une certaine euphorie en rechargeant leurs armes, n'ont plus aucune peur de leur possession au point que Thelma déclare « Je crois que je suis douée pour ce genre de connerie. ». Leurs revolvers leur permettent enfin de ne rien avoir à craindre du camionneur obscène et de lui donner une leçon. Après avoir permis aux deux femmes de reprendre possession de leur corps, le revolver leur donne le pouvoir de refuser que les hommes, et par extension la société patriarcale, leur dictent leur comportement et leur façon de penser. Pour les héroïnes, la « liberté ne se conquiert pas seule », c'est ensemble qu'elles « gagnent leur indépendance sur des routes semées d'embûches » où les hommes ne sont pas des victimes mais « tout juste des obstacles : les femmes ne leur demandent pas des comptes mais elles savent le cas échéant rendre la monnaie de leur pièce ». À l'occasion, « elles essaient seulement d'apprendre aux hommes les bonnes manières ». Le film est aussi un constat tragique qu'ils « manquent de conversation ». Le mari de Thelma lui coupe sans arrêt la parole au point qu'il est pratiquement impossible à celle-ci de terminer une phrase, le copain musicien de Louise est toujours en déplacement et rarement joignable au téléphone, le vieil homme solitaire au chapeau ne dit pas un mot à Louise quand celle-ci lui donne ses bagues, et le contenu des propos de dragueurs (le violeur dans le saloon, le voleur auto-stoppeur et le camionneur) dans leur technique d'approche très utilitaire ne peut être assimilé à une véritable conversation. L'émancipation est une caractéristique particulière du personnage de Thelma, incarnée par Geena Davis, qui se voit transformée tout au long du film. Thelma est mariée à Darryl qui représente tout ce qu'il y a de plus stupide dans la masculinité traditionnelle, maintenant Thelma dans un état proche de la dépendance enfantine. Il n'hésite pas à revendiquer sa supériorité en lui disant « Heureusement que tu n'es pas directeur régional et que c'est moi » avant de partir au travail. La situation ultra-traditionnelle, voire passéiste, dans laquelle se trouve Thelma est soulignée par la décoration fleurie à l'ancienne de sa maison. Elle doit demander l'autorisation à son mari pour passer un week-end avec Louise, ce qu'elle craint de faire. Elle finit par partir sans le lui dire, en laissant un mot dans la cuisine, comme premier geste de liberté. L'accès soudain à la liberté est émancipant. La prise de conscience par Thelma de la nature de son couple est illustrée par les communications téléphoniques avec son mari. Immédiatement après le viol, elle tente de le joindre, mais le téléphone sonne dans leur maison vide, montrant qu'au milieu de la nuit Darryl n'est pas encore rentré. Lors du deuxième coup de fil, Darryl regarde un match à la télévision, n'écoute que sporadiquement son épouse et lui ordonne de revenir au foyer. Thelma, qui avait d'abord une certaine appréhension à l'appeler, ose lui répondre « tu es mon mari, pas mon père ! », en écho aux paroles que Louise lui a dites au début du film. Suite à cette conversation, Thelma annonce à Louise qu'elle l'accompagne au Mexique, et annonce par là même la fin de son couple. Un troisième appel a pour but de déterminer si son mari est sur écoute. Thelma a la consigne de raccrocher si elle a le moindre doute. Au bout du fil, Darryl l'accueille avec une gentillesse feinte. Thelma, qui a acquis toute l'assurance nécessaire, lui raccroche simplement au nez. Thelma parvient à échapper à l'influence néfaste de son mari et arrive à la conclusion que Louise a raison: « C'est un trou-de-cul ». Elle explique enfin au policier qu'elle tient en joue, qu'il doit bien prendre soin de sa femme, « Mon mari n'était pas gentil avec moi, vous voyez ce que ça donne. ». Thelma vit également une émancipation sexuelle avec J.D., le jeune auto-stoppeur incarné par Brad Pitt. Thelma découvre d'abord le plaisir de regarder. Elle ajuste le rétroviseur de la voiture pour observer J.D. qui s'approche d'elle. Ridley Scott opère à cet instant une inversion des genres masculin et féminin. Les deux femmes ne sont plus les objets sexuels sur lesquels les hommes se retournaient lorsqu'elles traversaient le saloon au début du film, mais deviennent sujets, tandis que l'homme, objet. Thelma se met à exprimer ses désirs en comparant les fesses du jeune homme à celles de son mari, puis en observant J.D. s'éloigner, en déclarant « J'aime le regarder de dos ». La réalisation de la scène sexuelle souligne le thème de l'homme objet. Contrairement aux conventions traditionnelles, la caméra est plus longtemps focalisée sur le corps de l'homme que sur celui de la femme, par exemple en insistant par un lent travelling sur le torse nu de Brad Pitt. Cette relation sexuelle est également celle qui permet à Thelma d'éprouver pour la première fois du plaisir. Certaines critiques reprochent toutefois au film le fait qu'il soit irréaliste qu'une femme ait envie d'une relation sexuelle avec le premier auto-stoppeur venu quelques heures seulement après avoir subi le traumatisme d'un viol. Ce serait indubitablement le cas dans des circonstances normales, mais dans le film Thelma accède par ailleurs à l'émancipation et à la liberté. L'accès à la liberté est érotique. L'émancipation et la transgression se manifestent aussi par le costume. Au début du film, Thelma et Louise ont une apparence féminine : maquillage, coiffure élaborée avec soin, une robe pour Thelma et un foulard pour Louise, tenues immortalisées par la photo instantanée prise à leur départ. Au fil du scénario, elles vont abandonner ces accessoires pour des vêtements pratiques et masculins. Thelma abandonne d'abord son alliance dans le motel où elle passe la nuit avec le jeune auto-stoppeur Inspirée par le récit de ce dernier, Thelma commet le braquage habillée exactement comme lui, c'est-à-dire en portant un jeans et une chemise bleue. Une séquence non retenue montre ensuite Thelma enfiler le tee-shirt noir arborant une tête de mort qu'elle porte lors de l'explosion du camion-citerne. Elle récupère enfin la casquette de base-ball du camionneur décorée du drapeau américain, un symbole national masculin par excellence. Louise, quant à elle, jette son rouge à lèvres hors de la voiture après avoir tenté de se remaquiller alors que Thelma commet le braquage. Plus tard, elle échange ses lunettes de soleil contre celles du policier que les deux femmes enferment dans le coffre. Elle transforme son foulard en bandana qu'elle noue, mouillé, autour de son cou pour lutter contre la chaleur. Elle troque enfin ses bijoux, y compris sa bague de fiançailles, contre le chapeau d'un vieillard. À mesure que les héroïnes perdent leurs attributs vestimentaires traditionnels féminins, elles s'approprient également différents signifiants de la masculinité. Thelma & Louise est un film jouant sur l'espace, à la fois les étendues de l'Ouest américain et l'intérieur confiné du foyer. Il a néanmoins la particularité d'inverser les rôles puisque les femmes parcourent la route et les territoires des westerns, tandis que les hommes les attendent au foyer dans un huis-clos cher à Ridley Scott Alors que les deux héroïnes usent de comportements de plus en plus masculins au long de leur cavale, les hommes adoptent des codes traditionnellement féminins à l'intérieur. Lors de la première journée de fuite de son épouse, Darryl est présenté devant un match de football entouré de canettes de bière et de restes de pizza, montrant par là que les tâches ménagères revenaient à Thelma. Dès le lendemain, il accueille pourtant les policiers dans une maison propre et les enjoint d'essuyer leurs pieds avant d'entrer. Les policiers eux-mêmes vont jusqu'à tuer l'attente d'un coup de téléphone des deux femmes, en regardant un film sentimental. Le film montre également des hommes pleurer, ce qui est une attitude traditionnellement féminine. Après avoir mis en scène un policier éclatant en sanglots sous la menace de Thelma, le film contient un dernier plan fixe sur Darryl, toujours chez lui, seul, en larmes, abattu et désespéré. Le film repose sur l'histoire de deux femmes que la force des choses (frustrations et médiocrité du quotidien, hasard, destin) décide à prendre leur vie en mains, à couper des ponts et, par là même, à reprendre contrôle sur leur destinée, en usant de moyens réservés jusque-là aux hommes : l'action, la violence et la conquête de la liberté. Thelma et Louise adoptent des comportements traditionnellement masculins liées à la vie sur la route, à l'errance : écouter de la musique à fond, rouler vite, boire de l'alcool, le tout avec un revolver à la ceinture du pantalon. Les deux héroïnes se réapproprient également le langage. Louise se permet une « correction sémiotique » lors de sa confrontation avec le violeur. Alors que Thelma saigne et pleure, Harlan explique qu'ils ne faisaient que s'amuser. Louise rejette sa définition de l'amusement : « A l'avenir, sache que quand une femme pleure comme ça, elle ne s'amuse pas. ». Malgré le revolver pointé sur lui, l'homme reste arrogant et continue à lui tenir des propos vulgaires. Louise le fait définitivement taire en l'abattant, puis adresse la phrase « Fais gaffe à ce que tu dis, petit ! » à son corps inerte. Lors des interactions et de la scène sexuelle entre Thelma et le jeune auto-stoppeur, Ridley Scott opère une inversion des genres masculin et féminin. Thelma exprime son désir pour le jeune homme et n'hésite pas à commenter à plusieurs reprises son physique et notamment ses fesses. Dans une scène non retenue, Thelma jauge également le corps de deux motards qui les dépassent. Les deux femmes ne sont plus les objets sexuels sur lesquels les hommes se retournaient lorsqu'elles traversaient le saloon au début du film, mais deviennent sujets, tandis que l'homme est rabaissé à un statut d'objet. La réalisation de la scène sexuelle s'inscrit dans cette logique de transgression de genre puisque contrairement aux conventions traditionnelles, la caméra est plus longtemps focalisée sur le corps de l'homme que sur celui de la femme, par exemple en insistant par un lent travelling sur le torse nu de Brad Pitt. Enfin, les héroïnes s'approprient le revolver, symbole phallique par excellence et instrument de pouvoir, d'autorité et d'autonomie masculine. |
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