Take Shelter, film américain de Jeff Nichols, sorti en 2011 |
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Distribution:
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Fiche technique:
Récompenses :Festival de Cannes 2011 : Grand Prix de la semaine
internationale de la critique ; |
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Curtis LaForche est un jeune marié et père d'une petite fille atteinte de surdité. Il souffre de troubles apparemment délirants, assailli de visions et de rêves de tornades, de nuages d'étourneaux, de violences contre lui ou sa famille. Il se questionne d'autant plus que sa mère a été internée pour troubles mentaux à son âge : doit-il protéger sa famille en consacrant son temps et son argent à perfectionner et agrandir l'abri anti-tornades de son jardin ou doit-il se faire soigner ? Traduction libre du titre : aux abris ! Pourquoi un jeune père de famille sans histoires, bien intégré, est-il soudain persuadé qu'une tornade va ravager le coin perdu d'Amérique où il vit paisiblement et travaille dur ? Curtis, responsable de chantiers, fait des cauchemars effrayants, où la pluie tombe dru et jaune, où le gros chien de la famille l'attaque sauvagement. Sans avertir son épouse et son entourage, il commence à agir en fonction de ses hantises. Il parque le chien dans un enclos à l'écart de la maison. Il entame de lourds travaux d'agrandissement dans l'abri anti-tornade au fond du jardin. La catastrophe qui menace est peut-être une tempête sous un crâne. Mais elle n'en est pas moins inquiétante, et paradoxalement plausible. La mise en scène au scalpel de Jeff Nichols ne vise pas à créer une confusion entre deux niveaux de réalité. Les visions et les cauchemars sont identifiables, remplis de nuées d'oiseaux hitchcockiens. Curtis est sans doute rattrapé, comme il le craint, par cette schizophrénie paranoïde qui a frappé sa mère dans sa trentaine et l'a envoyée sans retour dans une résidence médicalisée. Mais Take Shelter a le mérite de ne pas s'arrêter à cette hypothèse clinique et de flirter avec l'allégorie. Le film parle d'une Amérique fragilisée, obsédée par son déclassement, sa ruine. Jeff Nichols fait subtilement se répondre les angoisses de Curtis et des signaux, même infimes, émis par l'environnement familial, social, médiatique. A travers les conversations entre voisins ou chez les commerçants, toutes sortes de périls semblent guetter, du dérèglement climatique à la catastrophe écologique en passant par la crise économique. Cette fragilité s'incarne notamment dans la surdité de la fille unique du couple. Une opération est nécessaire, et la mutuelle dont bénéficie Curtis par son employeur, indispensable. Mais combien de temps le père pourra-t-il garder son travail, vu son état de plus en plus pathologique ? Tout se passe comme si la peur de perdre quelque chose créait peu à peu les conditions d'une perte encore plus grande, voire totale. Le foyer américain de base n'est plus qu'un fétu de paille. Freud voyait dans la paranoïa l'équivalent d'une doctrine, parfaitement étayée et logique. C'est ainsi que le cinéaste montre les préparatifs de Curtis en vue de la tornade à venir sont empreints d'une rationalité indiscutable, contagieuse, et d'autant plus dangereuse. Aux Etats-Unis, le mouvement des « survivalistes », ces acheteurs de bunkers et autres dispositifs de survie, ne cesse de croître. La perspective du pire est devenue une passion pour des dizaines de milliers de gens. Mais quand le film confronte finalement ses personnages à une tempête bien réelle, rien ne se passe comme prévu, et un nouveau gouffre s'ouvre. Dans un dénouement vertigineux, on est dans une ère nouvelle, encore difficile à appréhender : la fin du monde est autant redoutée que désirée par une humanité qui n'a pas grand-chose à se reprocher, sinon d'avoir perdu toute confiance en elle-même. |
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