Much Loved de Nabil Ayouch, film français et marocain, sorti en 2015

Fiche technique:

  • Titre original : Much Loved
  • Réalisation : Nabil Ayouch
  • Scénario : Nabil Ayouch
  • Musique : Mike Kourtzer
  • Photographie : Virginie Surdej
  • Montage : Damien Keyeux
  • Durée : 105 minutes
  • Pays de production : Maroc / France
  • Dates de sortie : 19 mai 2015 ( Festival de Cannes 2015, quinzaine des réalisateurs)
  • France : 16 septembre 2015

 

Distribution:

  • Loubna Abidar : Noha
  • Asmaa Lazrak : Randa
  • Halima Karaouane : Soukaina
  • Sara Elmhamdi Elalaoui : Hlima
  • Abdellah Didane
  • Aytl Jensen
  • Danny Boushebel

L'essentiel du film se passe à Marrakech, de la nuit à l’aube, sous un ciel bas et lourd qui accentue le sordide de certains lieux et situations. Un Marrakech sans le soleil éclatant et les clichés enchanteurs qui présentent cette ville comme un paradis exotique. Un enfer plutôt, peuplé de filles qui n’existent que pour la jouissance tarifée du client. Elles ont des aventures mais elles n’ont pas d’histoire puisque leur seul avenir est celui de la nuit suivante qui ne fait que répéter la précédente. Pour elles, aucune figure de père respectable, à la loi duquel se fier ; seuls des hommes libidineux, que ce soit de riches Saoudiens, des Occidentaux ou encore, faute de mieux, des Marocains moins fortunés.

En dehors des clients, elle côtoient une chaîne d’individus plus ou moins complices de leurs activités: mère maquerelle, chauffeur de taxi, flic, garçon de café, videur de boîte de nuit, amant de cœur, parents.

Ce n'est pas le premier , ni hélas le dernier, film sur la prostitution, sa violence, ses petites joies et ses grands malheurs. Mais le caractère original et attachant de ce film au titre ironique tient au fait qu'il s'enracine au cœur du monde arabe, dans une société qui réprime la pulsion, condamne le désir. Les prostituées, ces fiancées clandestines qui « se marient vingt fois par jour », comme disait Brassens, doivent, ici plus qu'ailleurs, éponger les manques et payer le prix fort du mépris et de l'hypocrisie.

Il suffit d'un plan de rue derrière une vitre de voiture, ou d'un regard qui se détourne, pour évoquer un irrémédiable isolement. Il suffit de voir exploser la rage d'un riche Saoudien, confronté, malgré lui, à son homosexualité, pour révéler des gouffres de déni. Le réalisateur marocain Nabil Ayouch scrute son pays, ses violences et ses inégalités, comme il l'a toujours fait, de Mektoub aux Chevaux de Dieu : avec une acuité quasi documentaire. Il explore le quotidien tragi-cocasse de ses héroïnes, interprétées par un inoubliable et volcanique quatuor de comédiennes. On partage les insultes, le sexe, les humiliations, les virées folles et les moments de fatigue ou de tendresse; on partage tout, y compris leur formidable solidarité.

À la suite de sa présentation au festival de Cannes, Much Loved a été interdit de projection au Maroc, le ministère de la communication ayant jugé que œuvre comportait un « outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l'image du royaume ». Le film a été particulièrement vilipendé dans les milieux islamistes : un cheikh salafiste a notamment appelé à traduire le réalisateur Nabil Ayouch en justice pour avoir porté atteinte « aux mœurs et à l’intégrité morale des Marocains ». Une association a par ailleurs annoncé son intention de porter plainte contre le réalisateur et l'actrice principale Loubna Abidar pour avoir nui à l'image de Marrakech et plus largement à celle du Maroc.

Nabil Ayouch, qui se dit victime d'une campagne d'« hystérie collective », accompagnée de menaces de mort contre lui et ses actrices, déclare avoir voulu, dans son film, « donner la parole à ces femmes qui souffrent ». Il souligne que son intention n'était pas de nuire à l'image du Maroc mais d'aborder un problème social : « la prostitution est autour de nous et au lieu de refuser de la voir, il faut essayer de comprendre comment des femmes qui ont eu un parcours difficile ont pu en arriver là ». Son film est social et politique sans être inutilement militant ou revendicateur.
Elle déclare aussi : « J’avais envie de dire cette réalité, loin des mythes. Dire c’est montrer. Tout. Sans retenue, sans concession ni fausse pudeur. Lever le voile sur cette industrie, c’est mettre chacun face à ses responsabilités… »

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