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Mimi métallo blessé dans son honneur (Mimì metallurgico ferito nell'onore) film italien de Lina Wertmüller, sorti en 1972

Distribution:

  • Giancarlo Giannini : Carmelo Mardocheo / Mimi
  • Mariangela Melato : Fiorella Meneghini
  • Turi Ferro : Don Calogero / Vico Tricarico / Salvatore Tricarico
  • Agostina Belli : Rosalia Capuzzo in Mardocheo
  • Luigi Diberti : Pippino
  • Elena Fiore : Amalia Finocchiaro
  • Tuccio Musumeci : Pasquale
  • Ignazio Pappalardo : Massaro 'Ntoni
  • Gianfranco Barra : Serg. Amilcare Finnocchiaro
  • Livia Giampalmo : Violetta

Fiche technique:

  • Titre original : Mimì metallurgico ferito nell'onore
  • Réalisation : Lina Wertmüller
  • Scénario : Lina Wertmüller
  • Photographie : Dario Di Palma
  • Montage : Franco Fraticelli
  • Musique : Piero Piccioni
  • Production : Romano Cardarelli et Daniele Senatore Durée : 120 minutes
  • Date de sortie : 19 février 1972

Mimi, un manœuvre sicilien, refuse de se plier aux règles de la mafia. Privé de travail, il s’expatrie, laissant sa femme Rosalia en Sicile. À Turin, Mimi ne tarde pas à être à nouveau contacté par l’Organisation et, comprenant la menace, il se fait plus coopératif. Promu métallo, puis contremaître, il tombe amoureux fou de Fiorella avec qui il a un fils. C’est alors que la mafia le rapatrie en Sicile où sa femme légitime l’attend.

La singularité de Mimi résulte de l’exacerbation volontaire de certains des codes de mise en scène alors dominants dans la comédie transalpine. En Italie, à cette époque, une direction d’acteurs jouant la carte du grotesque et de la caricature n’a rien de novateur, Lina Wertmüller la pousse à l’extrême. Grâce à Giancarlo Giannini et à Mariangela Melato. Prêtant avec générosité leurs capacités vocales, comme le timbre étrangement grave de Mariangela Melato, et corporelles, l’inépuisable expressivité du visage de Giancarlo Giannini, à leurs personnages, les comédiens livrent des prestations hors normes. À ces dernières répondent les physiques tout aussi extraordinaires des interprètes non professionnels dont Lina Wertmüller a entouré ses principaux personnages.

Pour filmer ces "gueules" et ces corps aux limites du monstrueux, Lina Wertmüller use du gros plan. Mais la réalisatrice dynamite littéralement ce stéréotype visuel par l’interprétation radicale qu’elle en fait. Abolissant toute distance intime entre la caméra et le comédien, Lina Wertmüller pratique en réalité le très gros plan. Faisant aussi parfois appel à un objectif déformant, la cinéaste confère alors aux images ainsi photographiées une dimension frôlant le fantastique. L’exemple le plus frappant de ces partis-pris est, sans doute, le moment montrant Mimì tentant de coucher avec Amalia, l’épouse du douanier avec lequel fauta la femme de notre métallo. Lina Wertmüller compose alors un kaléidoscope de très gros plans distordus, se focalisant notamment sur les fesses énormes de l’obèse Amalia. Ou bien encore sur l’épaisse verrue ornant l’une des joues de la femme. Et la séquence, ainsi bâtie, finit par revêtir un caractère proprement hallucinatoire.

Participe en outre de cette esthétique du bizarre la manière dont la réalisatrice filme certains de ses décors. Comme, par exemple, lors de la séquence se déroulant dans la raffinerie de soufre à Catane, où travaille initialement Mimi. Décollant alors la caméra de ses personnages, la réalisatrice compose des plans généraux d’inspiration picturale, jouant avec le jaune vif du soufre et donnant à l’usine des allures oniriques. Il en va de même lorsque Lina Wertmüller filme ensuite Turin, présentant la cité lombarde sous un jour fantomatique en la montrant plongée dans brouillard perpétuel. Cette exacerbation des archétypes de la comédie italienne constitue aussi un moyen pour Lina Wertmüller de conférer une puissance accrue au propos politique de son film ; c’est-à-dire un discours féministe. S’il est en effet plus que fréquemment question, dans les films militants transalpins d’alors, d’exploitation économico-sociale, il est beaucoup plus rare que ceux-ci s’attaquent à la domination masculine. Une oppression incarnée de manière emblématique par Mimì dont le film n’a de cesse de révéler l’inexpugnable machisme.

Lina Wertmüller, comme Dino Risi, offre une vision lucide, désillusionnée, de la société italienne et de ses maux en passant systématiquement du comique au tragique, du rire aux larmes. Dans ce film, elle peint une nation italienne minée de l’intérieur par le phénomène de la mafia et de la corruption. C’est une vision prémonitoire d’une société régie par un pouvoir parallèle, le monde de la finance et de la mafia, un pays où l’État est souvent relégué au statut d’observateur impuissant ou, pire, de complice. Le film est aussi une dénonciation loufoque des codes d’honneur, du machisme et de la structure patriarcale qui prédominent dans un pays archaïque qui se dit « moderne ».

Fort médiocrement motivé par la lutte des classes, Mimì ne sera que fugitivement membre du Parti Communiste Italien, le métallo déploie en revanche des trésors d’énergie et d’inventivité lorsqu’il s’agit de laver "l’affront" fait par sa femme adultère. Ou, pire encore lorsqu’il doit démentir une rumeur suggérant sa possible homosexualité.

La misogynie de Mimì est tout autant montrée par la réalisation de Lina Wertmüller. Et le parti-pris d’exagération de la cinéaste s’avère alors particulièrement opérant. La réalisatrice n’hésite pas, par exemple, à présenter une Fiorella voilée lors d’un plan hautement drolatique, suite logique d’une séquence précédente qui voyait Mimì vanter l’enfermement domestique des femmes en Turquie. L’outrance assumée de la mise en scène suggère en outre clairement la pulsion de viol à l’action chez Mimì. Que ce soit lors de son premier rendez-vous avec Fiorella dans un parc turinois : l’épisode, commençant sous le signe du flirt, dégénère rapidement en pugilat après que Mimì, sous prétexte de voler un baiser à Fiorella, soit devenu beaucoup plus qu’entreprenant. Et une même violence se fait jour lorsque notre métallo blessé dans son honneur s’efforce d’amener Amalia à coucher avec lui. Lina Wertmüller campe un corps-à-corps encore plus spectaculaire, faisant de la séquence un révélateur d’un véritable état de guerre des sexes.

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