Mariage à l'italienne , un film italien de Vittorio De Sica , sorti en 1964 |
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du cinéma.
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Distribution:
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Le film s'ouvre sur une voiture à vive allure traversant le Naples des années 60. Filumena s'est sentie mal et on la ramène chez elle. Tout un petit peuple s'empresse autour d'elle, braillant à qui mieux mieux en un délicieux patois napolitain. Les traits tirés, le visage pâle, Filumena se meurt. On envoie donc chercher en catastrophe Don Domenico. Magnifique première apparition du personnage. Tiré à quatre épingles, œillet rouge à la boutonnière, fine moustache latine et cheveu gominé, il essaye un ridicule chapeau de femme dans son bureau orné d'une photographie de pin-up nue. Et il est justement en train de terminer les préparatifs de son mariage avec la caissière de son magasin, une jeunette. Il se rend malgré tout au chevet de Filumena et une gravité qu'il ne soupçonnait pas s'empare de lui. Premier flashback qui ramène au temps de leur rencontre, pendant la guerre, dans un bordel. Cette ouverture présente le dispositif du film et ses multiples tonalités tout en suscitant de nombreuses interrogations sur les deux protagonistes. Le film dévoile par morceaux leur relation complexe, changeant de point de vue et ménageant de nombreuses surprises et des coups de théâtre. Matrimonio all'italiana propose de plus en toile de fond vingt ans de l'histoire de l'Italie, de la guerre à la reconstruction, d'un pays plongé dans la misère, le chaos et les combines à un pays prospère dans lequel on construit à tour de bras. L'une des dernières scènes voit le couple se retrouver sur un terrain vague assez pasolinien, autour d'immeubles en construction, avec des grues à l'horizon. Si un certain nombre d'allusions politiques sont bien présentes (Filumena tondue, le discours royaliste...), le regard de De Sica reste un regard moral passant au travers du portrait du couple. Filumena est à la fois prostituée, illettrée, mère courageuse, femme d'affaire respectée et amoureuse. Elle représente les multiples faces de la femme italienne et son histoire avec Domenico est celle de la condition féminine de l'époque. Filumena se bat pour ses droits et pour être reconnue comme être humain. Toute sa détermination passe dans la façon maladroite mais résolue qu'elle a pour signer son nom. Sous les aspects bonhomme de la comédie, la dureté machiste de la société envers les femmes apparaît au détour d'un regard ou d'une réplique comme lorsqu'elle justifie sa mystification pour que ses enfants « n'aient pas honte en allant chercher un papier officiel ». Par contraste, De Sica et Mastroianni ont fait de Domenico un portrait sarcastique du mâle italien : coureur, menteur, fat, préoccupé de l'apparence, égoïste, plutôt feignant, colérique, tout dévoué à la mama , il est même capable de cruauté sans même sans rendre compte. Marcello Mastroianni c'est à la fois un idéal masculin et sa caricature. Il est beau, il est racé, il est élégant, il réussit dans les affaires, il séduit avec juste ce qu'il faut de désinvolture. Dans le même temps, dans sa façon d'avancer la lèvre inférieure, dans des gestes qui deviennent maladroit, dans telle expression du regard, il fait passer tour à tour la naïveté, la bêtise, l'arrogance, la fragilité, l'impuissance ou la lâcheté. De l'incarnation du « latin lover », Marcello Mastroianni s'est amusé à révéler les failles et, ce faisant, le rend à sa condition humaine et en dégage une émotion troublante. De Sica orchestre cet affrontement en se mettant doublement au service de ses acteurs et du texte. Sa caméra virevolte en faisant corps avec Sophia Loren et Marcelle Mastroianni, dans de nombreux intérieurs soigneusement reconstitués, riches du parfum des époques traversées. De Sica laisse les détails parler pour lui, les appartements vastes mais étroits, les fermes à la misère palpable, le bordel brillant et décrépi, la pâtisserie clinquante, les terrains vagues et les chantiers, des images d'une l'Italie bien présente mais sans ostentation. Matrimonio all'italiana est apparu à sa sortie comme une commande et un coup commercial, ce qui sera beaucoup reproché à son auteur. Le film ne saurait se réduire à une comédie brillamment exécutée quand bien même ce qui frappe d'entrée, c'est cette formidable histoire d'amour, l'incroyable constance de cette femme négligée et parfois humiliée qui voue une passion profonde et exclusive à cet homme d'apparence si superficiel. Pourtant, petit à petit, dans la seconde partie du film, le personnage de Domenico commence à émouvoir et la réconciliation finale, sur le bord de la route, est un moment de grande intensité. |
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