The Magdalene Sisters de Peter Mullan,
film britannique, sorti en 2002


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Distribution:

  • Geraldine McEwan : Sister Bridget
  • Anne-Marie Duff : Margaret
  • Nora-Jane Noone : Bernadette
  • Dorothy Duffy : Rose/Patricia
  • Eileen Walsh : Crispina/Harriet
  • Mary Murray : Una
  • Britta Smith : Katy
  • Frances Healy : Sister Jude
  • Eithne McGuinness : Sister Clementine
  • Phyllis MacMahon : Sister Augusta

Fiche technique:

  • Titre original : The Magdalene Sisters
  • Scénario et réalisation : Peter Mullan
  • Photographie : Nigel Willoughby
  • Musique : Craig Armstrong
  • Montage : Colin Monie
  • Durée : 119 minutes
  • Dates de sortie : 30 août 2002 (Festival de Venise)
    • France : 5 février 2003
  • Lion d'or à la 59e Mostra de Venise

En Irlande, dans le comté de Dublin, en 1964. Lors d'un mariage, Margaret est violée par son cousin. La honte s'abat sur toute la famille. Au petit matin, le curé de la paroisse vient chercher Margaret.
Bernadette est pensionnaire dans un orphelinat. En grandissant, devenue jolie, elle suscite la convoitise des jeunes gens du quartier. Considérant que sa nature et son caractère la destinent au pire, la direction de l'orphelinat la confie alors à l'unique institution susceptible de la maintenir dans le droit chemin.
Rose, qui n'est pas mariée, vient de donner naissance à un petit garçon. Séparée de son bébé, elle est emmenée au couvent des sœurs de Marie-Madeleine.
Les trois jeunes femmes sont immédiatement confrontées à Sœur Bridget, qui dirige l'établissement et leur explique comment, par la prière et le travail, elles expieront leurs pêchés et sauveront leur âme. Telles Marie-Madeleine lavant les pieds du Christ, c'est en lavant le linge de l'Eglise irlandaise et de la bonne société que ces femmes se laveront de leurs péchés en travaillant comme des esclaves, battues, humiliées, mal nourries.

Après une introduction poignante de non-dits, de passivité familiale devant la domination masculine, Peter Mullan nous plonge dans l’enfer quotidien de trois jeunes femmes séquestrées dans un asile pour pécheresses présumées. Il appuie là ou ça fait mal, montre le trafic organisé par l’Eglise, les petits plaisirs coupables de quelques prêtres défroqués. Pour accentuer le réalisme et donc le malaise, il opte pour une mise en scène sobre et rigoureuse sans effet inutile. Caméra portée, lumière blafarde, cadres stricts: impossible d’échapper aux brimades multiples et répétitives d’une mère-religieuse démoniaque. Chaque lueur d’espoir précède une punition de plus en plus exemplaire.

Confondantes de vérité, les trois actrices principales apportent un peu de fraîcheur à un film suffocant. Avec elles, Peter Mullan reste pudique, presque en retrait. A l’inverse, il n’épargne pas le personnage de Crispina qu’il accable de tous les malheurs possibles. Malgré quelques fautes de goût comme l’ajout inutile de la musique de Craig Armstrong pour souligner l’émotion et l’éprouvant plan final pour fixer à vie les consciences, The Magdalene Sisters reste un film courageux et essentiel par le débat qu’il a su provoquer.

Le contexte historique

Les couvents de la Madeleine sont issus du « Rescue Movement » qui prit naissance en Grande-Bretagne et en Irlande au cours du XIXe siècle, qui avait pour but formel la réhabilitation de femmes dites « perdues » (« fallen women »). Ce terme désignait celles qui avaient eu des relations sexuelles hors mariage, quelle qu'en fut la cause : prostitution, abus sexuels, ou encore sexualité jugée trop précoce. En Irlande, ces institutions prirent le nom de Marie-Madeleine, personnage de la Bible qui, selon la tradition catholique était une prostituée, s'étant repentie de ses péchés et devenant l'une des personnes les plus fidèles à Jésus.

En Irlande, l'Église s'appropria rapidement le mouvement de Madeleine et les foyers, qui étaient prévus à l'origine pour de courts séjours, devinrent de plus en plus des institutions à long terme. Les pénitentes furent mises au travail, généralement dans des laveries. De même que Marie-Madeleine avait lavé les pieds du Christ en signe de pénitence, les pensionnaires devaient accomplir des travaux de blanchisserie, afin de laver symboliquement leurs péchés. Cette activité représentait en outre des rentrées d'argent nécessaires à la bonne marche et à l'entretien des couvents. Au fur et à mesure que le mouvement prenait ses distances avec les idées qui furent à son origine, à savoir sortir des prostituées de la rue et les héberger car leur passé les empêchait de trouver un emploi, les foyers prirent un aspect de plus en plus carcéral.

Les sœurs chargées de la surveillance des pensionnaires avaient pour instruction de les dissuader par n'importe quel moyen de tenter de quitter l'institution pour, au contraire, les encourager à entrer dans les ordres. Jusque dans les années 1970, les pensionnaires étaient appelées « filles » et devaient s'adresser à toutes les sœurs en tant que « mère », indépendamment de leur âge, qu'il s'agisse de la mère supérieure ou d'une jeune novice qui n'avait pas encore prononcé ses vœux. Ce système permettait de maintenir les pensionnaires dans un état d'infériorité constant.

Pour maintenir l'ordre et une atmosphère monacale, les pensionnaires devaient observer un silence strict tout au long de la journée. Les châtiments corporels étaient monnaie courante. À mesure que le phénomène se répandit, il sortit du champ de la prostitution pour toucher également les mères célibataires, les jeunes filles trop aguicheuses, ou même simplement trop jolies. Ceci se produisit à la même période où, en Grande-Bretagne et en Irlande, de nombreuses personnes considérées comme « handicapés sociaux » furent également internés dans des asiles et des foyers. Les pensionnaires étaient souvent internées à la requête de membres de leur famille ou de prêtres.

On parla très peu de l'existence des foyers jusqu'à ce que, en 1993, un ordre de sœurs à Dublin vendît une partie de son couvent à un promoteur immobilier. Les restes de 155 pensionnaires, qui avaient été inhumées dans des tombes anonymes dans la propriété, furent exhumés et, à l'exception d'un corps, incinérés puis ré-inhumés dans une fosse commune. Ceci provoqua un scandale public à l'échelle régionale et nationale. La dernière blanchisserie de Madeleine irlandaise située à Waterford a été fermée le 25 septembre 1996.

 

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