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La Révélation (Sturm) film allemand de Hans-Christian Schmid, sorti en 2009.


Distribution:

  • Kerry Fox : Hannah Maynard, procureur au TPI de La Haye
  • Anamaria Marinca : Mira Arendt, la sœur du témoin
  • Stephen Dillane : Keith Haywood
  • Rolf Lassgård : Jonas Dahlberg, le collègue amant de Hannah
  • Alexander Fehling : Patrick Färber, le jeune assistant de Hannah
  • Kresimir Mitic : Alen Hajdarevic, le témoin
  • Tarik Filipovic : Mladen Banovic
  • Steven Scharf : Jan Arendt, le mari allemand de Hannah
  • Joel Eisenblätter : Simon Arendt, le fils de Hannah et Jan
  • Wine Dierickx : June Svensson, qui prend en charge des témoins

Fiche technique:

  • Titre  : La Révélation
  • Titre original : Sturm
  • Réalisation : Hans-Christian Schmid
  • Scénario : Bernd Lange, Hans-Christian Schmid
  • Musique originale : The Notwist
  • Photographie : Bogumil Godfrejow
  • Montage Hansjörg Weißbrich
  • Durée : 103 minutes
  • Date de sortie : 7 Febrier 2009 (Festival de Berlin)
    17 mars 2010 en France
  • Récompenses : Prix Amnesty International; Prix des Salles art et essai allemandes; Prix de la Paix au Festival de Munich
Fiche IMDB

Le film se déroule en 2009, au Tribunal Pénal International de La Haye pour l'ex-Yougoslavie.
Goran Duric, ex-général en passe d’accéder à la présidence serbe, comparaît pour crimes contre l’humanité. En charge de l’accusation, la procureure Hannah Maynard est très vite discréditée par les déclarations mensongères d’Alen Hajdarevic, son unique témoin. Elle réalise alors que Mira, la soeur d’Alen, en sait beaucoup plus sur l’accusé qu’elle ne veut bien l’avouer. Malgré les risques encourus pour sa vie rangée en Allemagne, Mira cède aux pressions d’Hannah et décide de témoigner. Mais c’est là sans compter sur les rouages juridiques du Tribunal et autres collusions politiques auxquels elles se retrouvent bientôt toutes deux confrontées.

La Révélation commence par nous emmener sur une fausse piste : un homme et sa famille se prélassent sur une plage espagnole, moment idyllique bientôt troublé par une menace confuse. On se rendra bientôt compte que celui que l’on prenait pour une victime traquée est en fait un suspect, et que derrière ce bon père de famille se cache un des plus grands criminels de guerre du conflit bosniaque (1992-1995). A l’image de cette destabilisante entrée en matière, La Révélation de Hans-Christian Schmid nous fait entrer dans les arcanes de la justice et de la diplomatie internationales, en mettant en scène le travail du TPIY, Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie.

Un témoin soupçonné de parjure, une victime qui s’enferme dans le silence, un diplomate qui mène double jeu : à mille lieues de l’image rébarbative des grandes institutions internationales, Hans-Christian Schmid montre La Haye comme un inquiétant théâtre d’ombres, où chacun semble avoir quelque chose à cacher. De coups de théâtre en rebondissements, le titre original, Sturm, rend bien compte de l’énergie du film. La Révélation permet de saisir quelques-uns des enjeux de la géopolitique contemporaine, et pose des questions fondamentales sur la vérité et la justice.

Annoncé comme un « thriller », La Révélation tire sa force non pas d’une surenchère de spectaculaire mais au contraire de son souci de réalisme comme la description du déroulement très codifié du procès, les mesures draconiennes de protection des témoins et d’une écriture d’une grande rigueur car toute l’action tient en une semaine, celle de l’ajournement du procès.. A la manière des grands thrillers politiques des années 70 (Les trois jours du condor de Sidney Lumet, les films de Costa Gavras), son romanesque réside dans la façon dont des héros ordinaires, une fonctionnaire du TPIY, une jeune bosniaque émigrée en Allemagne, vont se retrouver confrontés à des enjeux qui les dépassent.

La mise en scène d’Hans-Christian Schmid parvient à rendre inquiétants les décors froids et impersonnels dans lesquels évoluent ses personnages, couloirs aseptisés des grandes institutions internationales, chambres d’hôtel au luxe standardisé, halls glacés des aéroports, magnifiés par la lumière bleutée du chef-opérateur Bogumul Godfrejow et les nappes synthétiques de la musique de The Notwist.

Le film mêle subtilement l’esthétique documentaire et les codes du thriller : le filmage caméra à l’épaule, les décadrages et recadrages, les effets de zooms nous donnent l’impression d’instants saisis sur le vif, d’images « volées » comme dans un reportage d’actualité ou un documentaire. Mais le sentiment d’urgence qu’ils confèrent au film se colore bientôt d’une inquiétude diffuse, comme si les héroïnes étaient constamment suivies, observées, menacées.

La Révélation relate le procès fictif de l’ex général serbe Goran Duric. Inspiré à la fois des cas de Ratko Mladic (commandant de l’armée des Serbes de Bosnie), Milan Lukic (chef de milice, condamné par le TPIY en juillet 2009) et autres chefs de guerre, le personnage fictif de Duric s’est tristement illustré dans les rangs de l’armée serbe durant la guerre de Bosnie. Accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, il est notamment jugé pour les déportations massives effectuées à Kosmaj dans le cadre de la politique dite « d’épuration ethnique ».

Mais une faille dans le récit, apparemment accablant, du témoin-clé de l’accusation, Alen Hajdarevic, va gripper les rouages d’un procès dont l’issue semblait inéluctable. Tout en restant très allusif, le scénario de Hans-Christian Schmid et Bernd Lange s’appuie sur un ensemble de faits réels, qui appartiennent à la fois à l’histoire de la guerre de Bosnie, les viols commis à Foca ou dans le camp de Vilina Klas, à la traque des criminels de guerre Radovan Karadzic, et Ratko Mladic , toujours en fuite lors de la sortie du film, et à l’histoire interne du TPIY, les démêlés de la procureure Carla del Ponte ou de sa porte-parole Florence Hartmann, conseillère technique sur le film, avec leur hiérarchie. En condensant, privilège de la fiction, cet ensemble de faits en une seule affaire et quelques personnages, La Révélation parvient ainsi à donner une idée à la fois claire et vivante des objectifs, des activités et des limites du TPIY.

Ce film est de facture très « européenne » , réalisé par un allemand, interprété par des acteurs anglais, roumain, suédois, mais c'est aussi un film sur l’Europe. Il exprime la mauvaise conscience d’un continent qui a assisté, impuissant et inactif, à des atrocités que l’on n’imaginait plus possibles depuis 1945, et ce à quelques centaines de kilomètres des grandes capitales européennes. Mais il montre également la terrible contradiction entre la grandeur des principes fondateurs et la réalité des intérêts particuliers, qui caractérise la construction européenne, entre la solennité des appellations et la trivialité des égoïsmes.


Documents complémentaires

« Bosnie-Herzégovine, dix ans se sont écoulés et justice n’a toujours pas été rendue aux victimes de Srebrenica » A la veille du dixième anniversaire du massacre d’environ 8 000 hommes et jeunes garçons musulmans bosniaques à Srebrenica, les membres d’Amnesty International, dans le monde entier, demandent que les auteurs de ce massacre soient traduits en justice (…). Même si certains auteurs de ces homicides ont été poursuivis par le Tribunal et si certains inculpés se sont rendus volontairement au cours des derniers mois, 10 suspects inculpés dont l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, R. Karadzic, leur ancien chef militaire R. Mladic et l’ancien commandant adjoint des forces serbes de Bosnie, Z. Tolimir, sont toujours en liberté ; ils se trouveraient en Republika Srpska (RS, République serbe), en Bosnie-Herzégovine ou en Serbie. « A ce jour, les autorités de Republika Srpska n’ont arrêté aucune des personnes inculpées par le TPIY, a ajouté N. Duckworth.
On pense même qu’elles protègent certains des suspects toujours en liberté. L’absence de coopération des autorités bosno-serbes avec le TPIY constitue toujours un obstacle majeur à la justice ». En janvier 2004, les autorités de Republika Srpska ont créé « la Commission Srebrenica » qu’elles ont chargée d’enquêter sur les événements de Srebrenica (…). En novembre 2004, les autorités de la Republika Srpska ont pour la première fois présenté leurs excuses pour les violations flagrantes des droits fondamentaux commises à Srebrenica. A la fin du mois de mars 2005, elles ont remis au ministère public de Bosnie-Herzégovine une liste de 892 personnes soupçonnées d’implication dans les atrocités de Srebrenica qui seraient toujours employées par les institutions de la Republika Srpska ou de Bosnie-Herzégovine ».


Amnesty International, Bulletin d’information, 183, 2005.

« Le procès Karadzic commence mal. L’ancien dirigeant serbe de Bosnie a fait savoir jeudi qu’il ne comparaîtrait pas ce matin à l’ouverture de son procès. Arrêté en juillet 2008 après treize ans de cavale, Radovan Karadzic fait face à onze chefs d’inculpation pour génocide, persécution, extermination, terreur et prise d’otages, entre autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Psychiatre de formation et ancien poète, Radovan Karadzic nie tout en bloc. Il avait demandé 10 mois supplémentaires pour préparer sa défense, qu’il assume seul. Cinq jours lui ont été accordés, par le TPIY qui se sait en session de rattrapage aux yeux de l’opinion publique. Le procès de l’ancien président Slobodan Milosevic s’était achevé par la mort de l’accusé deux mois avant le verdict et après quatre années de procédure (…).
En attendant le TPIY continue de faire des sceptiques : « le fait que le tribunal ait refusé d’enquêter sur la responsabilité du commandement néerlandais à Srebrenica, sans donner d’argument solide, m’incite à croire qu’on ne veut voir les choses que d’un point de vue occidental » estime L. Zegveld. Cette avocate néerlandaise défend les familles de deux anciens employés bosniaques de la base des Nations Unies de Srebrenica. Elle a porté plainte en leur nom en 2005 contre l’Etat néerlandais, devant un tribunal néerlandais, dans une procédure bien distincte de la justice internationale. Cette juriste de renom est persuadée que l’implication du pays qui abrite le TPIY dans le massacre de Srebrenica fausse le procès de Karadzic ».

S. Cessou, Libération, 26 octobre 2009.


La mise en place du TPIY en février 1993 par les résolutions 808 et 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies trouve son origine immédiate dans la vision insoutenable des horreurs de la guerre de Bosnie, notamment des camps de détention organisés par les Serbes du pays.
> Première juridiction pénale internationale depuis Nuremberg, le TPIY affiche à l’origine des objectifs ambitieux : traduire en justice les personnes responsables de crimes contre l’humanité, génocide et violations des lois et coutumes de la guerre ; prévenir toute récidive ; aider à l’établissement d’une vérité sur les événements en cause et contribuer à la réconciliation nationale.
> Le TPIY cherche autant à punir les tortionnaires que les dirigeants politiques (S. Milosevic et R. Karadzic) et militaires (R. Mladic) qui ont soutenu et organisé les crimes commis à l’encontre des Bosniaques.
D’après P. Garde, la création du TPIY proposée par la France, soutenue et financée par les Etats-Unis, correspond autant à la volonté de réagir aux violations du droit humanitaire qu’au refus d’intervenir directement sur le champ de bataille.
Le TPIY peut apparaître comme un palliatif heureux à l’inaction de la « communauté internationale ». Il est surtout le constat d’une triple impuissance : nationale en raison de la défaillance de la Yougoslavie, régionale car l’Europe n’a pu résoudre une crise se déroulant sur son territoire, et internationale avec l’échec des dimensions préventives et réactives de la sécurité collective.

 

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