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Le film se déroule en 2009, au Tribunal Pénal International de
La Haye pour l'ex-Yougoslavie. La Révélation commence par nous emmener sur une fausse piste : un homme et sa famille se prélassent sur une plage espagnole, moment idyllique bientôt troublé par une menace confuse. On se rendra bientôt compte que celui que l’on prenait pour une victime traquée est en fait un suspect, et que derrière ce bon père de famille se cache un des plus grands criminels de guerre du conflit bosniaque (1992-1995). A l’image de cette destabilisante entrée en matière, La Révélation de Hans-Christian Schmid nous fait entrer dans les arcanes de la justice et de la diplomatie internationales, en mettant en scène le travail du TPIY, Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie. Un témoin soupçonné de parjure, une victime qui s’enferme dans le silence, un diplomate qui mène double jeu : à mille lieues de l’image rébarbative des grandes institutions internationales, Hans-Christian Schmid montre La Haye comme un inquiétant théâtre d’ombres, où chacun semble avoir quelque chose à cacher. De coups de théâtre en rebondissements, le titre original, Sturm, rend bien compte de l’énergie du film. La Révélation permet de saisir quelques-uns des enjeux de la géopolitique contemporaine, et pose des questions fondamentales sur la vérité et la justice. Annoncé comme un « thriller », La Révélation tire sa force non pas d’une surenchère de spectaculaire mais au contraire de son souci de réalisme comme la description du déroulement très codifié du procès, les mesures draconiennes de protection des témoins et d’une écriture d’une grande rigueur car toute l’action tient en une semaine, celle de l’ajournement du procès.. A la manière des grands thrillers politiques des années 70 (Les trois jours du condor de Sidney Lumet, les films de Costa Gavras), son romanesque réside dans la façon dont des héros ordinaires, une fonctionnaire du TPIY, une jeune bosniaque émigrée en Allemagne, vont se retrouver confrontés à des enjeux qui les dépassent. La mise en scène d’Hans-Christian Schmid parvient à rendre inquiétants les décors froids et impersonnels dans lesquels évoluent ses personnages, couloirs aseptisés des grandes institutions internationales, chambres d’hôtel au luxe standardisé, halls glacés des aéroports, magnifiés par la lumière bleutée du chef-opérateur Bogumul Godfrejow et les nappes synthétiques de la musique de The Notwist. Le film mêle subtilement l’esthétique documentaire et les codes du thriller : le filmage caméra à l’épaule, les décadrages et recadrages, les effets de zooms nous donnent l’impression d’instants saisis sur le vif, d’images « volées » comme dans un reportage d’actualité ou un documentaire. Mais le sentiment d’urgence qu’ils confèrent au film se colore bientôt d’une inquiétude diffuse, comme si les héroïnes étaient constamment suivies, observées, menacées. La Révélation relate le procès fictif de l’ex général serbe Goran Duric. Inspiré à la fois des cas de Ratko Mladic (commandant de l’armée des Serbes de Bosnie), Milan Lukic (chef de milice, condamné par le TPIY en juillet 2009) et autres chefs de guerre, le personnage fictif de Duric s’est tristement illustré dans les rangs de l’armée serbe durant la guerre de Bosnie. Accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, il est notamment jugé pour les déportations massives effectuées à Kosmaj dans le cadre de la politique dite « d’épuration ethnique ». Mais une faille dans le récit, apparemment accablant, du témoin-clé de l’accusation, Alen Hajdarevic, va gripper les rouages d’un procès dont l’issue semblait inéluctable. Tout en restant très allusif, le scénario de Hans-Christian Schmid et Bernd Lange s’appuie sur un ensemble de faits réels, qui appartiennent à la fois à l’histoire de la guerre de Bosnie, les viols commis à Foca ou dans le camp de Vilina Klas, à la traque des criminels de guerre Radovan Karadzic, et Ratko Mladic , toujours en fuite lors de la sortie du film, et à l’histoire interne du TPIY, les démêlés de la procureure Carla del Ponte ou de sa porte-parole Florence Hartmann, conseillère technique sur le film, avec leur hiérarchie. En condensant, privilège de la fiction, cet ensemble de faits en une seule affaire et quelques personnages, La Révélation parvient ainsi à donner une idée à la fois claire et vivante des objectifs, des activités et des limites du TPIY. Ce film est de facture très « européenne » , réalisé par un allemand, interprété par des acteurs anglais, roumain, suédois, mais c'est aussi un film sur l’Europe. Il exprime la mauvaise conscience d’un continent qui a assisté, impuissant et inactif, à des atrocités que l’on n’imaginait plus possibles depuis 1945, et ce à quelques centaines de kilomètres des grandes capitales européennes. Mais il montre également la terrible contradiction entre la grandeur des principes fondateurs et la réalité des intérêts particuliers, qui caractérise la construction européenne, entre la solennité des appellations et la trivialité des égoïsmes. Documents complémentaires « Bosnie-Herzégovine, dix ans se sont écoulés et justice n’a toujours
pas été rendue aux victimes de Srebrenica » A la veille du dixième anniversaire
du massacre d’environ 8 000 hommes et jeunes garçons musulmans bosniaques
à Srebrenica, les membres d’Amnesty International, dans le monde entier,
demandent que les auteurs de ce massacre soient traduits en justice (…).
Même si certains auteurs de ces homicides ont été poursuivis par le Tribunal
et si certains inculpés se sont rendus volontairement au cours des derniers
mois, 10 suspects inculpés dont l’ancien chef politique des Serbes de
Bosnie, R. Karadzic, leur ancien chef militaire R. Mladic et l’ancien
commandant adjoint des forces serbes de Bosnie, Z. Tolimir, sont toujours
en liberté ; ils se trouveraient en Republika Srpska (RS, République serbe),
en Bosnie-Herzégovine ou en Serbie. « A ce jour, les autorités de Republika
Srpska n’ont arrêté aucune des personnes inculpées par le TPIY, a ajouté
N. Duckworth. Amnesty International, Bulletin d’information, 183, 2005. « Le procès Karadzic commence mal. L’ancien dirigeant serbe de Bosnie
a fait savoir jeudi qu’il ne comparaîtrait pas ce matin à l’ouverture
de son procès. Arrêté en juillet 2008 après treize ans de cavale, Radovan
Karadzic fait face à onze chefs d’inculpation pour génocide, persécution,
extermination, terreur et prise d’otages, entre autres crimes de guerre
et crimes contre l’humanité. Psychiatre de formation et ancien poète,
Radovan Karadzic nie tout en bloc. Il avait demandé 10 mois supplémentaires
pour préparer sa défense, qu’il assume seul. Cinq jours lui ont été accordés,
par le TPIY qui se sait en session de rattrapage aux yeux de l’opinion
publique. Le procès de l’ancien président Slobodan Milosevic s’était achevé
par la mort de l’accusé deux mois avant le verdict et après quatre années
de procédure (…). S. Cessou, Libération, 26 octobre 2009. La mise en place du TPIY en février 1993 par les résolutions 808 et 827
du Conseil de sécurité des Nations Unies trouve son origine immédiate
dans la vision insoutenable des horreurs de la guerre de Bosnie, notamment
des camps de détention organisés par les Serbes du pays. |
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