Le film évoque le Japon au XVIème siècle : trois clans luttent
pour asseoir leur domination sur le pays. Takeda Shingen rêve de réunifier
les différentes régions pour, enfin, faire du Japon un pays fort et puissant,
pour que s'arrêtent ces guerres sanglantes qui ravagent les campagnes.
Souvent secondé par Nobukado, son frère, pour le remplacer dans les moments
délicats, ce dernier, visiblement fatigué par ce rôle, va trouver un remplaçant
: un voleur condamné à mort.
Le sosie parfait, l'ombre incarnée de Takeda Shingen. Ce double, ce «
kagemusha » tout d'abord réticent, va bientôt être amené à prendre d'avantage
de responsabilités le jour où, au grand malheur du clan, le Seigneur Shingen
va se faire grièvement blesser puis mourir. Si le clan annonce cette nouvelle,
les troupes seront démoralisées et le clan détruit: le double ne se contentera
plus de faire de la figuration; il va devoir devenir le nouveau seigneur
du clan pour une période de 3 ans, le temps de préparer la succession.
Une partie du film traite d'événements historiques réels, comme la
mort de Takeda Shingen ou la bataille de Nagashino en 1575.
Kurosawa reprend une trame classique, sur la guerre des clans dans
le Japon féodal. Mais ce qui l'intéresse, ce ne sont pas les batailles
et la stratégie militaire, mais plutôt l'intervention du facteur humain,
avec toutes ses faiblesses, dans les rouages du pouvoir. En cela, Kagemusha
est tout sauf un film de guerre, mais plutôt un film sur la manière dont
le pouvoir transforme les hommes.
Le seigneur Shingen, montré au début comme un fin stratège cruel et
sans pitié, va montrer progressivement ses faiblesses, ses doutes. Dans
le même temps, dans un processus contraire, son double, au départ assez
risible dans sa simplicité, va se prendre au jeu du pouvoir et s'affirmer
progressivement.
Sur bien d'autres points, Kagemusha est d'ailleurs une préfiguration
du chef-d'oeuvre que sera Ran, film qui poussera encore plus loin la thématique
du pouvoir comme aliénation de l'individu, emmenant son héros jusque dans
la folie profonde.
Mais, en même temps qu'il est une fable sur le pouvoir, Kagemusha est
également un film presque psychanalytique sur la personnalité, en posant
la question des critères objectifs de l'identité: quelqu'un qui me ressemble
physiquement peut prendre ma place, malgré les différences de personnalité,
de langage et de culture.
Jusqu'où l'identification du double à son maître peut-elle aller? Le Kagemusha
ne se prend t-il pas d'affection pour le petit-fils de son employeur?
Comme le résume le propre frère de Shingen au kagemusha, lorsqu'il lui
explique son rôle: " Je sais que c'est difficile. J'ai été moi-même longtemps
le double du seigneur. C'était une torture. Ce n'est pas facile de s'éliminer
soi-même pour devenir un autre. Souvent j'ai voulu être moi et me libérer.
Mais maintenant je comprend qui c'était égoïste. L'ombre d'un homme ne
peut jamais déserter cet homme. J'étais l'ombre de mon frère et maintenant
qu'il est parti, je ne suis plus rien."
Récompenses
- Palme d'or au Festival de Cannes 1980.
- Prix du meilleur film et meilleur second rôle masculin (Tsutomu
Yamazaki), lors des Hochi Film Awards 1980.
- Nominations pour l'Oscar de la meilleure direction artistique
et du meilleur film étranger en 1981. * Nominations pour les prix de
la meilleure photographie (Takao Saitô et Masaharu Ueda) et meilleur
film, lors des BAFTA Awards 1981.
- Prix des meilleurs costumes et du meilleur réalisateur, lors des
BAFTA Awards 1981.
- Prix du meilleur acteur (Tatsuya Nakadai), meilleur film et meilleur
nouvel acteur (Daisuke Ryu), lors des Blue Ribbon Awards 1981.
- César du meilleur film étranger en 1981.
- Prix du meilleur réalisateur étranger, lors des David di Donatello
Awards 1981.
- Nomination au Golden Globe du meilleur film étranger en 1981.
- Prix du meilleur réalisateur étranger, lors de l'Italian National
Syndicate of Film Journalists 1981.
- Prix du meilleur second rôle masculin (Tsutomu Yamazaki), lors
des Kinema Junpo Awards 1981.
- Prix du meilleur acteur (Tatsuya Nakadai), meilleure direction
artistique (Yoshirô Muraki), meilleur réalisateur, meilleur film et
meilleure musique, lors du Mainichi Film Concours 1981.
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