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IZO ( イゾウ ) film japonais de Takashi Miike, sorti en 2004

 

Distribution:

  • Kazuya Nakayama - Okada Izô
  • Kaori Momoi
  • Ryuhei Matsuda - Lui-même
  • Ryôsuke Miki
  • Yuya Uchida
  • Masumi Okada
  • Hiroki Matsukata
  • Hiroshi Katsuno
  • Masato
  • Bob Sapp
  • Takeshi Kitano - 'Bîto' Takeshi
  • Daijiro Harada

Fiche technique:

  • Titre original : IZO ( イゾウ )
  • Réalisation : Takashi Miike
  • Image : Nobuyuki Fukazawa
  • Montage : Yasushi Shimamura
  • Production : Taizô Fukumaki, Fujio Matsushima, Kazuyoshi Okuyama
  • Durée : 128 minutes ( 2h 8mn )
  • Date de sortie : 28 août 2004

Le personnage principal du film est Izô Okada (1832–1865), le samuraï et assassin du XIXe au Japon qui eut une fin tragique ; il fut torturé puis crucifié.
Le personnage d'Izô apparut au cinéma tout d'abord dans le film de Hideo Gosha, Puni par le ciel (en 1969), rôle tenu par l'acteur Shintaro Katsu.

Cependant, le portrait que donne Miike du personnage (ou plutôt de son esprit) transcende la réalité (ainsi que le temps et l'espace), ce qui donne un exposé surréaliste d'un Izô encore ensanglanté, rencontre philosophique avec une vie future chargé de symbolisme, de temps à autre interrompu par des images d'archive de la Seconde Guerre mondiale accompagnées à la guitare par le chanteur d'acid-folk Kazuki Tomokawa. Un ovule est fécondé, un homme est né… puis exécuté. Izo Okada, ronin de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, est attaché à une croix. Deux hommes armés de lances, le transpercent de toutes parts de nombreuses fois.

Mais Izo est Rage, Haine, Violence, et ne peut pas mourir. Ne veut pas mourir. L'enfer le voudrait ? Qu'à cela ne tienne : il sera son représentant sur Terre. Si l'Histoire est écrite à la force du sang versé par les hommes, Izo sera le moteur de cette Histoire. Réincarné d'époque en époque, errant tel un démon parmi les hommes dans le but de se venger de tout et de tous, Izo tue tous ceux qui se mettent sur son chemin. Sans s'expliquer, sans s'excuser. Avec pour seul volonté de rester lui-même, coûte que coûte, tel un affront envers les Dieux, entités fictives nourries par les mensonges des Hommes, qu'il renie et défie sans cesse.

Izo est l'Homme, ainsi que son antithèse. Comme le décrivent le personnage incarné par Ryuhei Matsuda et ses deux gardiens, il est à la fois avec et sans visage, avec et sans âme : l'incarnartion de l'absurdité. Est-il brutal parce qu'il est humain, ou justement humain parce qu'il est brutal ? De tout temps, l'Homme a tué son prochain, usé de violences au nom de la démocratie ou de toute autre chimère sociale, pour s'imposer en tant que tel. Son pouvoir passe par la destruction, aussi la douleur qu'il procure devient-elle preuve tangible de l'existence de chacun. A tel point semblerait-il, que sa volonté de destruction devient indissociable de son désir de création.

Izo combat les Dieux et les Hommes, et pourtant il convoite le statut des deux. Il veut devenir Dieu en s'affirmant comme Homme, en se laissant aller à ses pulsions - meurtrières, sexuelles -, prouvant par là même qu'il n'est tributaire d'aucune loi. Les lois qu'il défie là encore, tout comme les armées, les autorités religieuses, les yakuza et toute autre " organisation " qui s'attache à la réécriture de l'ordre des choses. Puisque sa mort est impossible, il lui faut se tuer au travers des autres, et notamment de sa mère. Se faire face aux yeux du passé, mais aussi de l'avenir - c'est pourquoi Izo en vient même, se tranformant peu à peu en démon, à porter sa lame sur des enfants. Izo tel que décrit dans le film de Miike, est une perturbation.

L'imperfection nécessaire à l'expression de la perfection humaine, dans tout ce qu'elle a d'incomplet et d'absurde. C'est parce qu'il est inacceptable que sa présence est inévitable, c'est parce qu'il remet en question les pouvoirs en place qu'il est nécessaire. Révolution et conservation, mort et renaissance : tout est dans tout, tout fait partie de tout. Izo fait partie des Hommes et de l'Histoire, pourtant il s'acharne à les détruire.

En tant qu'imperfecion, Izo est toléré par les Dieux qu'il renie, puisqu'il est la marionnette de leur volonté. En tant que ronin déjà, la punition divine (Tenchu) qu'il croyait distribuer n'était pas sienne. Réincarné à l'infini, explicitement condamné à porter sa haine le long d'un ruban de Mobius, il n'est que l'expression d'une volonté divine, désireuse de confronter l'Homme à son existence et sa destinée. Bien qu'apparemment nihiliste, Takashi Miike confronte ainsi son personnage jusqu'au boutiste, incarnation du Chaos qui gouverne la Vie et la Nature, à notre réalité : la violence. Les preuves de l'existence des Dieux dans Izo sont discrètes mais évidentes, au travers des fleurs qui tantôt restent silencieuses, tantôt se rient de l'absurdité du questionnement humain.

Car oui, les fleurs se moquent d'Izo, cet être qui leur passe à côté sans réellement les voir, trop préoccupé par sa propre futilité. Peut-être Izo est-il simplement là pour offrir à chacun la possiblité de renaître, sous un ciel nouveau. S'il ne peut trouver ce qu'il recherche - sa propre affirmation - c'est parce qu'il demeure insensible à la vie qui l'entoure, et ne peut donc jauger ou assumer sa démarche. Il lui faudra affronter la douceur de l'Homme, sa grâce et non sa violence, pour comprendre enfin qui il est, et comment il peut s'accepter. Devenu un démon et vaincu par un Homme, Izo nous offre la possibilité de connaître la question qui devrait, au bout du chemin, définir chacun d'entre nous : " Toi, comment as-tu vécue ta vie, et qu'as tu vu ? "

Puisant sa force d'une énergie volontairement redondante, Izo est donc un peu le Miike " ultime ", l'appel à la conscience de soi le plus violent que le réalisateur nous ait jamais lancé. Il est hermétique, c'est certain - d'ailleurs Miike en a lui-même conscience -, mais tellement rageur qu'il atteint forcément même le plus passif des spectateurs. Et pour peu que ledit spectateur garde les yeux ouverts et accepte de voir les fleurs qui jalonnent le parcours du démon meurtrier, au milieu des images de guerres et de massacres, il en saura au bout du compte, un petit plus sur lui-même.

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