Ida, film polonais de Pawel Pawlikowski, sorti en 2013


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Distribution:

  • Agata Trzebuchowska : Ida Lebenstein / sœur Anna
  • Agata Kulesza : Wanda Gruz, la tante d'Ida
  • Dawid Ogrodnik: le saxophoniste
  • Jerzy Trela : Szymon Skiba, le nouveau propriétaire de la maison des Lebenstein
  • Adam Szyszkowski : Feliks Skiba, le fils de Szymon
  • Skiba Halina Skoczynska : la Mère supérieure

Fiche technique:

  • Réalisation : Pawel Pawlikowski
  • Scénario : Pawel Pawlikowski et Rebecca Lenkiewicz
  • Photographie : Ryszard Lenczewski et Lukasz Zal
  • Musique : Kristian Eidnes Andersen
  • Montage : Jaroslaw Kaminski
  • Producteur: Eric Abraham, Piotr Dzieciol, et Ewa Puszczynska
  • Sociétés de production : Opus Film (Pologne), Fandango Portobello (Grande-Bretagne), Phoenix Film Investments (Danemark)
  • Durée : 85 minutes
  • Dates de sortie : Pologne 11 septembre 2013
    • France : 12 février 2014
  • Récompenses et nominations:
    • Oscars du cinéma 2015 : Meilleur film en langue étrangère
    • Césars 2015 : nommé pour le Meilleur film étranger
    • Festival du film de Londres 2013 : meilleur film

C'est un film en blanc et gris, se déroulant en 1962, et dont l'esthétique rappelle fortement les films polonais ou tchèques de cette époque, comme Le Couteau dans l'eau (1962) de Polanski ou encore Les Amours d'une blonde (1965) de Milos Forman , qui montre, comme dans Ida, des adolescents qui s'ennuient dans des hôtels tristes aux sons de tubes yéyé et où les vieux, seuls, s'amusent comme pour mieux s'étourdir.

Dans la Pologne de 1962, quatre jours avant de prononcer ses voeux, Anna, jeune orpheline élevée au couvent, est envoyée par la mère supérieure à la rencontre de sa seule famille, sa tante Wanda, qu'elle ne connaît pas. Wanda, en déshabillé, un homme quittant subrepticement sa chambre, se montre d'abord très froide. Anna est pure, ses yeux semblent rappeler à chacun une innocence perdue. Quand elle sourit, trois fossettes se forment au coin de sa bouche. Le jeune joueur de saxophone qu'elle rencontrera plus tard le lui dira : « Tu ne sais pas l'effet que tu produis ». Elle fait face à cette tante jamais vue, étrangère, une de ces femmes dont on devine, en un instant, la lassitude et le mépris de soi qui suscitent forcément la haine des autres.

Doucement, presque tendrement, Wanda révèle la vérité : Anna ne s'appelle pas Anna, mais Ida. Elle est la fille de juifs disparus durant la guerre, dépouillés de leur maison, et tués. Depuis longtemps oubliés et sans sépulture. Wanda décide de partir avec sa nièce dans la ferme de son enfance, à la recherche de témoins des derniers jours de sa famille.

Le film a des cotés film policier classique, avec enquêteur expérimenté et débutant candide. Wanda connaît les enquêtes, elle était procureur de la République dans le Parti communiste polonais des années 1950, et on la surnommait « Wanda la Rouge » quand elle condamnait, par paquets, des sociaux-traîtres au nom d'un idéal depuis longtemps perdu, aussi dangereux à ses yeux, désormais, que la foi inébranlable, irrationnelle qu'elle lit sur le visage de sa nièce. Alors, l'une pour découvrir ce qu'elle est, l'autre pour oublier ce qu'elle a été, Ida et Wanda entreprennent un périple dans la Pologne grise et gelée.

Au bout de leur quête, l'effroi les guette, car c'est l'amnésie volontaire du pays qu'elles révèlent, la complicité plus ou moins active avec les nazis, déjà révélée par Shoah (1985) de Claude Lanzmann. L'horreur niée, jamais expiée, le mal accompli par tant de médiocres, pour des motifs parfois vils et désespérants, s'approprier une maison, un terrain.

Les quelques jours partagés par ces deux femmes que tout oppose prend une subtile allure contradictoire, voyage initiatique pour l’une, baroud d’honneur pour l’autre. Wanda et Ida, presque sans se parler et sans jamais tout à fait se comprendre, vont chercher les réponses qu’au fond elles ne souhaitent pas vraiment entendre. Sur leur route, elles croisent l’épouvante d’un cauchemar encore si proche, mais aussi le signe en la personne d'un beau saxophoniste, que quiconque de moins désespéré pourrait prendre comme une promesse de bonheur. L’une, au bout du rouleau, ne peut plus y croire, l’autre, qui n’en goûte qu’un échantillon, ne l’ose même pas.

Ida s’interroge à voix haute sur ce que l’avenir peut bien lui réserver après avoir aperçu l’horreur cachée de sa courte vie et connu une nuit d'amour. Le gentil musicien tente une réponse : «On pourrait se marier, avoir des enfants…» Et après ? «Après, on aurait des problèmes», dit-il alors, réprimant le sourire naïf de celui qui n’arrive pas à l’envisager sérieusement. Un peu plus tôt, dans son couvent, la jeune fille observait à la dérobade une autre novice prenant son bain, drapée dans une épaisse robe de coton. Dans ses yeux noirs écarquillés, on peut presque lire la question dont elle ne connaîtra peut-être jamais la réponse : «Qu’est-ce que c’est, le désir ?» Ce voyage aura pour les deux femmes une conséquence comparable, celle de leur imposer la tentation de se soustraire à ce dégoût de la vie qui s’est emparé d’elles. Wanda en mettant un terme à ses souffrances, Ida en renonçant à affronter l’épreuve, même si, dans un dernier plan ouvert, le film refuse de donner une réponse définitive.

Pawel Pawlikowski déclare :
« Ida, c'est comme quelqu'un que je connais. Elle est dans la foi, elle ressent Dieu. Elle n’est pas en conflit, elle n’est pas attachée à ce que la vie peut donner, elle n’en a pas besoin. C'est magnifique d'être si parfaitement en harmonie avec son choix. Je suis un peu jaloux d’elle. Ça ne veut pas dire que je la comprends. Mais j’aime qu’elle existe.
Le film n’est pas là pour dire si les choix qu’elle fait sont justes, bons ou pas, mais pour qu’on soit avec elle.
Quand Ida a été montré au festival Sundance, j’étais dans la salle, qui était très grande, très large, et j’ai réalisé, en voyant tous les visages tournés vers l’écran, vers l’image étroite au format carré, que j’avais fait ce film pour qu’il soit comme une prière. Pas pour qu’il communique facilement, pas pour qu’il explique, qu’il donne à comprendre, mais pour qu’on puisse, en le regardant, en regardant Ida, partager un peu de recueillement, un peu de mystère.
»
« En Pologne, des gens m’ont dit : “Pourquoi montrez-vous la Pologne si grise et triste ?” J’ai répondu “C’est la Pologne des nouveaux riches d’aujourd’hui que vous voudriez que je montre ? La Pologne en couleurs saumon et pistache ?” Ida, c'est la Pologne de mes rêves, c'est beau, c'est la nostalgie. C’est une image très cool du pays. Je n’ai pas essayé d’être dans l’authenticité, mais quand on voit un orchestre de rock et des gens danser dans un café, c’est quelque chose qui existait au début des années 60.

 

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