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Ernest et Célestine, film d'animation français de Stéphane Aubier, Vincent Patar, Benjamin Renner, 2012

Ce dessin animé en deux dimensions s'inspire de la série de livres pour la jeunesse du même nom publiée par l'auteure et illustratrice belge Gabrielle Vincent (1928 - 2000), qui a publié 26 ouvrages de 1981 à 2001.

Distribution (voix):

  • Lambert Wilson : Ernest l'ours
  • Pauline Brunner : Célestine la souris
  • Anne-Marie Loop : la Grise, souris gardienne de l'orphelinat
  • Féodor Atkine : le juge ours
  • Patrice Melennec : Georges, le confiseur ours
  • Brigitte Virtudès : La dentiste ourse, femme de Georges

Fiche technique:

  • Réalisation : Benjamin Renner, Stéphane Aubier, Vincent Patar
  • Scénario : Daniel Pennac
  • Production : Didier Brunner, Henri Magalon, Vincent Tavier
  • Studios de production : Les Armateurs, La Parti Production, Mélusine Productions, en coproduction avec StudioCanal, Maybe Movies, France 3 cinéma
  • Durée : 80 minutes
  • Date de sortie : 12 décembre 2012

Récompenses

  • Festival de Cannes 2012 : Mention spéciale SACD dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs
  • Festival international du film de Dubaï 2012 : Prix Muhr et Prix du public
  • Césars 2013 : César du meilleur film d'animation

Célestine est une petite souris qui vit dans le monde souterrain des rongeurs, tandis que la surface est habitée par les ours. Les deux peuples ne se fréquentent pas du tout. À l'orphelinat où grandit Célestine, la vieille gardienne terrifie les enfants avec l'histoire du Grand Méchant Ours, mais Célestine n'y croit pas. Quelques années après, elle doit suivre un entraînement pour devenir dentiste, comme tous les rongeurs, mais elle n'a pas envie de devenir dentiste et préfère dessiner. Elle est tout de même envoyée pour faire la récolte des dents de laits que les oursons laissent sous leurs oreillers, et se retrouve à la surface, dans la ville des ours. Célestine doit récupérer la dent de lait d'un ourson fils de famille dont le père tient la confiserie Le Roi du sucre tandis que sa mère vend des dents de rechange dans la boutique d'en face, La dent dure.

Célestine est aperçue et poursuivie. Elle atterrit dans une poubelle où elle finit enfermée toute la nuit. Au matin, l'ours Ernest se réveille affamé, et, s'apercevant qu'il n'a plus rien à manger, quitte la maison où il vit dans un petit bois sur une colline à l'écart de la ville pour aller gagner quelques pièces en faisant l'homme-orchestre sur la place. Mais les policiers finissent par lui confisquer ses instruments. Ernest a si faim qu'il se résout à faire les poubelles, et finit par découvrir Célestine, qu'il s'apprête à manger. Mais Célestine le convainc de ne pas la manger et lui montre un moyen d'aller se rassasier chez Le Roi du sucre en passant par le soupirail de la cave. Ernest, repu, remercie Célestine, qui rentre chez elle.

Mais la souris n'a pu rapporter qu'une dent, récolte catastrophique qui lui vaut, le lendemain, les moqueries de ses camarades et un sermon de la part du chef dentiste. Célestine est renvoyée en mission avec interdiction de revenir avant d'avoir accumulé cinquante dents d'ours. De retour à la surface, la souris tombe sur Ernest, qui vient d'être découvert par le patron de la confiserie et est en train d'être embarqué par la police. Célestine saute dans le fourgon, ronge les liens d'Ernest et l'aide à fuir puis à se cacher. En échange, Ernest l'aide à dévaliser La dent dure et à rentrer chez elle avec un énorme sac de dents. Célestine tient sa vengeance contre le chef dentiste, mais son triomphe tourne court lorsqu'Ernest, qui s'est endormi dans l'orphelinat des souris, est découvert par les rongeurs terrifiés. Tous deux s'enfuient et parviennent à semer la police des rongeurs.

De retour chez lui, Ernest refuse d'abord d'héberger Célestine, puis s'adoucit peu à peu en se rendant compte qu'il tient à elle. Le lendemain et les jours suivants, les deux amis vivent dans le calme et la bonne humeur loin de leurs villes respectives. Mais la radio leur apprend que la police des ours et celle des souris sont toujours à leur recherche, et leur sommeil est agité par des cauchemars. Ils camouflent le camion d'Ernest en le peignant aux couleurs de l'herbe, puis passent un hiver paisible pendant lequel Célestine guérit Ernest d'un rhume, admire les paysages d'hiver et exerce librement ses talents de peintre. Mais au printemps, quand la neige fait place à la pluie, la peinture du camouflage du camion fond et le véhicule, mal garé, redescend la colline en marche arrière jusqu'à la ville, laissant une large piste de peinture verte qui mène droit à la maison des deux amis.

Les deux polices ne tardent pas à arriver, les ours par la porte, les souris par la cave. Ernest est arrêté par les souris tandis que Célestine tente en vain une ruse pour écarter les ours et est également capturée. Mis en prison, les deux amis subissent chacun un procès où ils risquent la mort. Au delà des vols et des dégâts divers, on leur reproche surtout de faire peur aux gens. Chacun se défend devant un public au fond pas si effrayé. Sur un mouvement brusque d'un des juges, une lampe tombe et un incendie se déclare, qui se propage bientôt aux deux palais de justice, car celui des souris est situé juste au-dessous de celui des ours. Les juges s'obstinent à continuer le procès sans comprendre le danger : tout le monde s'enfuit en les abandonnant, sauf Ernest et Célestine. Ernest emporte le juge souris pour le mettre hors de danger, tandis que Célestine parvient à persuader le juge ours d'aller se mettre à l'abri.

Ayant sauvé chacun son juge, Ernest et Célestine ont fait la preuve de leur honnêteté : ils obtiennent de pouvoir se retrouver et de retourner vivre ensemble, tandis qu'ours et souris comprennent qu'ils n'ont pas à avoir peur les uns des autres. De retour dans la maison d'Ernest, les deux amis vivent paisiblement, et, un jour, ils ont l'idée de raconter leurs aventures, en les enjolivant un peu pour qu'elles ne soient pas trop effrayantes : le film s'achève lorsque Célestine commence à les dessiner.

Le projet du film est à l'origine une initiative du producteur Didier Brunner : connaissant la série d'albums illustrés Ernest et Célestine depuis longtemps, il saisit l'occasion d'acquérir les droits d'adaptation audiovisuelle de la série lorsque le neveu de Gabrielle Vincent envisage de les céder pour une série animée ; Brunner opte cependant pour un film de cinéma. En décembre 2007, Didier Brunner contacte Benjamin Renner pour travailler à un pilote d'animation définissant les principales orientations du projet de long métrage ; Renner est alors directeur artistique.

Après son achèvement, le premier réalisateur pressenti par Didier Brunner laisse sa place et Brunner propose alors à Benjamin Renner de réaliser le film ; n'ayant encore jamais réalisé de long métrage, Renner demande à être associé à des coréalisateurs plus aguerris, qui sont les Belges Vincent Patar et Stéphane Aubier, réalisateurs de la série animée Panique au village. Les trois réalisateurs se répartissent les tâches : tous trois travaillent ensemble sur le script, le storyboard et le découpage, puis Benjamin Renner s'occupe de la création graphique du film tandis que Vincent Patar et Stéphane Aubier interviennent de nouveau lors de la post-production, pour les voix, les bruitages et le mixage.

Le scénario est écrit par l'écrivain et scénariste Daniel Pennac, puis retravaillé par les trois réalisateurs en fonction des contraintes de l'animation. L'équipe du film tente d'autant plus de respecter au mieux l'univers des livres de Gabrielle Vincent que celle-ci, de son vivant, avait refusé toutes les propositions d'adaptations à l'écran, en raison du style très lisse et impersonnel du projet d'adaptation qui lui avait été proposé par un studio anglais.

L'équipe prend finalement le parti d'un hommage plutôt que d'une adaptation littérale de l'univers des livres : Renner intègre à l'intrigue l'univers de Daniel Pennac, et l'histoire définitive prend davantage la forme d'une porte d'entrée à l'univers des albums que d'une transposition directe, d'où l'atmosphère un peu plus sombre du scénario du film. Benjamin Renner met en avant la créativité des personnages présente dans le scénario de départ proposé par Pennac et l'emploie pour renforcer la cohérence visuelle et narrative du film. Les graphismes du film se veulent aussi fidèles que possible à ceux des albums originaux, en particulier à l'économie de traits des dessins de Gabrielle Vincent et à l'impression de spontanéité qu'ils dégagent.

La conception visuelle des personnages se fonde en partie sur les albums et en partie sur des inventions dans l'esprit de l'univers des albums. Dans les premiers temps du projet, l'apparence d'Ernest et Célestine est très proche de celle que leur donnent les albums originaux. C'est au fil des dessins préparatoires que Benjamin Renner se rend compte qu'il a modifié involontairement les traits des deux personnages, même si Gabrielle Vincent elle-même avait évolué d'un album à l'autre dans sa façon de les dessiner. Célestine est celle dont l'aspect subit les modifications les plus visibles : son museau est plus court et son front plus marqué que dans les albums, ce qui humanise légèrement ses traits et rend ses différentes expressions plus faciles à travailler pour les animateurs. L'harmonisation de cette adaptation des graphismes des personnages est assuré par l'animatrice Seï. Les vêtements portés par Ernest et Célestine, quant à eux, sont tous inspirés de ceux qu'ils portent dans les différents albums de la série.

Les paysages du film s'inspirent parfois des dessins de nature de Gabrielle Vincent, dans ou en dehors des albums d'Ernest et Célestine. Les scènes montrant des tribunaux s'inspirent d'un album de Vincent Je voudrais qu'on m'écoute, qui ne fait pas partie des Ernest et Célestine et raconte une fugue. La ville souterraine des rongeurs et les habits des gendarmes sont tributaires de l'univers du dessin animé de Paul Grimault Le Roi et l'Oiseau. Pour les scènes montrant la foule des policiers souris, qui inquiètent le producteur en raison du coût de leur animation, Benjamin Renner a l'idée d'un personnage collectif, une sorte de masse qui se déforme au fil des mouvements, idée inspirée notamment par les mouvements des monstres de Princesse Mononoke et du fantôme du Voyage de Chihiro, deux films de Hayao Miyazaki.

Le film est projeté en première mondiale à la Quinzaine des réalisateurs, hors compétition, au Festival de Cannes 2012. Il reçoit un excellent accueil de la critique française. Le sujet n'est pas simplement « mignon » : il traite de l'anticonformisme, des problèmes de coexistence entre communautés. Car, ici, les ours mais aussi les faibles souris sont, au départ, de sacrés racistes, vivant entre peur et préjugés. Assez proches, finalement, des êtres humains. Ce superbe film est avant tout un grand plaidoyer en faveur de la tolérance, Ernest et Célestine évite la mièvrerie.

Les situations, fantaisistes et piquantes, débordent d'inventivité : chez les souris, par exemple, toute la société tourne autour d'un immense centre dentaire, qui collecte les canines d'ours volées à l'ennemi la nuit, pour remplacer les quenottes, trop vite usées, des rongeurs. C'est un business qu'elles exécutent vaillamment, sur les ordres d'un chef paranoïaque et dictatorial. A force de craindre le monde des ours, il fait régner sur sa communauté une tyrannie que le film dénonce avec humour.Subrepticement politique, ce voyage en folie douce reste une vraie fête pour les yeux. Croqués en quelques traits, les personnages sont malicieux, touchants, petites âmes vives d'un décor à la fois onirique et familier. Ici, une rue de village et ses devantures de maison de poupées, là une forêt luxuriante, herbes folles et teintes douces. Dans ce monde ciselé, la lumière vient des tons d'aquarelle. Des ocres, des roux, des verts tendres se posent sur le dessin comme des voiles délicats.

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