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Épouses et concubines, un film chinois de Zhang Yimou, sorti en 1991

 

Distribution:

  • Gong Li (Songlian, la quatrième épouse)
  • He Caifei (Meishan, la troisième épouse)
  • Cao Quifen (Zhuoyun, la deuxième épouse)
  • Jin Shuyuan (Yuru, la première épouse)
  • Ma Jingwu (le maître Chen)
  • Kong Lin (Yan’er)
  • Cui Zhihgang (Docteur Gao)
  • Chu Xiao (Feipu)

Fiche technique:

  • Réalisation : Zhang Yimou
  • Titre original : Dahong Denglong Gaogao Gua
  • Titre anglais : Raise the Red Lantern
  • Scénario : Ni Zhen, d’après le roman de Su Tong
  • Musique : Zao Jiping
  • Date de sortie : 1991
  • Genre : historique
  • Durée : 126 mn
  • Production : Chine ; Taïwan
  • Images : Zhao Fei

Songlian, instruite, mais pauvre, sera la quatrième épouse de Chen. À son arrivée au domaine, elle lie connaissance avec les autres femmes du maître: Meishan, ancienne chanteuse, qui l'accueille en rivale; Zhuoyun, amicale et bavarde; Yun, la plus âgée, et qui semble gouverner sur ce monde, l'engage à l'obéissance.
Chacune des quatre femmes de Chen habite un gynécée dont la porte ouvre sur une cour; celle-ci, rectangle étroit délimitée par la la pente des toits, semble la métaphore visuelle du sexe de ces femmes. Dès que Chen a choisi celle qui aura le privilège de sa visite, la domesticité illumine le rectangle élu, le balisant de lanternes rouges. Ainsi «allumée», la femme est lavée, massée, parée. Au lit, érigé en théâtre dont la scène baigne dans un halo rouge, elle attend que le maïtre, derrière le rideau de tulle, lui prête vie.
D'abord rétive, Songlian voit l'avantage d'être la favorite de Chen. Pour le demeurer, elle simule une grossesse. Mais Yan'er, sa servante qu'elle rudoie, dénonce le subterfuge à Zhuoyun qui en informe Chen afin de regagner ses faveurs.
Songlian, répudiée, se venge sur Yan'er, dont elle provoque la mort; elle est aussi la cause de l'assassinat de Meishan dont elle a révélé la liaison avec le docteur Gao.
Songlian perd la raison. Une cinquième épouse la remplace.

À elles seules, les couleurs, la lumière, l'architecture racontent l'intrigue du film et en concrétisent la signification. Le rouge figure le désir, la puissance, le flux vital; ainsi, la troisième épouse, délaissée, revêt une parure écarlate, rappel de sa disponibilité sexuelle. En revanche, la seconde, qui n'obtient les faveurs de Chen qu'au prix de complots, s'habille aux teintes automnales de l'entre-deux-âges. L'aînée des quatre, au crépuscule de son existence, n'apparait plus qu'en bleu.
Et lorsque la quatrième épouse, la favorite, croit possible d'inverser à son profit l'exercice du pouvoir, son maitre l'«éteint» en faisant couvrir les lanternes du noir tissu de la mort.
Filmé à distance ou en silhouette, maitre Chen n'a pas de visage. il n'en incarne que mieux ce pouvoir absolu que Zhang Yi-Mou, bravant la censure, avait dénoncé dans son précédent film Ju-Dou (1990).

Zhang Yimou dénonce les rigidités sociales et prend la défense des femmes, principales victimes d’un pouvoir masculin tout puissant. L’ensemble de l’intrigue se déroule exclusivement entre les murs du palais où les épouses, livrées à elles-mêmes, n’ont d’autre occupation que de se livrer une guerre sans merci pour obtenir le seul avantage à leur portée : une nuit avec le maître. L’arrivée de Songlian pourrait faire basculer cet équilibre. Elle est belle, instruite, volontaire. Mais elle se laisse prendre par la toile d’araignée insidieuse des rapports humains : au lieu de faire corps avec les autres épouses, elle essaie de prendre le pouvoir avec les mêmes méthodes que ses adversaires (mensonges, rumeurs, calomnies...). Elle perd. Sa jeunesse et son impétuosité se brisent sur le mur des traditions féodales, son seul exutoire devient la folie.
Zhang Yimou ne se contente pas d’étudier les rapports de sexe. Avec le personnage de Yan’er, la servante de Songlian, il introduit aussi les rapports de classe. Pour avoir rêvé de devenir concubine, Yan’er est durement châtiée : la hiérarchie féodale ne peut être modifiée. Yan’er est le révélateur des intentions du réalisateur : son film est un réquisitoire contre toutes les entraves à la liberté individuelle.

Ce film a reçu le Lion d'argent au festival de Venise, et a ouvert au cinéma chinois la voie royale d'un art sans dogmatisme.

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