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Después de Lucia film franco-mexicain de Michel Franco , sorti en 2012

Distribution:

  • Tessa Ia : Alejandra
  • Hernán Mendoza : Roberto
  • Gonzalo Vega Sisto : Jose
  • Tamara Yazbek Bernal : Tamara
  • Paco Rueda : Javier
  • Paloma Cervantes : Irene

Fiche technique:

  • Titre original : Después de Lucía
  • Réalisation : Michel Franco
  • Scénario : Michel Franco
  • Photographie : Chuy Chávez
  • Montage : Michel Franco et Antonio Bribiesca
  • Production : Marco Polo Constandse, Michel Franco, Alexis Fridman, Elias Menasse, Billy Rovzar et Fernando Rovzar
  • Sociétés de production : Filmadora Nacional, Lemon Films, Pop Films et Stromboli Films
  • Pays d’origine : Mexique ; France
  • Durée : 103 minutes
  • Dates de sortie : 24 mai 2012 (festival de Cannes )
    • France : 3 octobre 2012
  • Distinction : Prix Un certain regard au festival de Cannes 2012.

Le film s'ouvre avec un accident de voiture. Une femme est morte, Lucia, laissant derrière elle un mari Roberto et Alejandra, leur fille, une adolescente de 17 ans. Pour tourner la page (d'où le titre "après Lucia"), le père et la fille partent s'installer à Mexico. En douceur, sur un mode naturaliste, on les suit tous les deux, solidaires, tendrement unis, dans ce début de film dont le sujet semble être le deuil. Ils campent dans un appartement vide et lui cherche ses marques comme chef cuisinier dans un restaurant, elle se fait de nouveaux amis, dans un nouveau lycée, fréquenté par les enfants de la haute bourgeoisie mexicaine.

Des deux, c'est le père qui a l'air le plus instable. A son visage lumineux, à l'aisance avec laquelle elle va vers les autres, à la maturité sereine dont elle fait preuve dans son discours, on jurerait qu'Alejandra a pris le dessus. A ceci près qu'elle ment sur la mort de sa mère. Et puis le film bascule. Invitée à passer le week-end dans la résidence secondaire d'une de ses nouvelles amies, week-end copieusement arrosé d'alcool comme il se doit à cet âge, la jeune fille termine la première soirée dans la salle de bain avec un garçon qui enregistre leurs ébats sur son téléphone. Le lundi, la vidéo a été postée sur Internet et vue par tout le lycée. La descente aux enfers commence.

Alejandra ne peut plus faire un pas sans être traitée de traînée. Les garçons ont ouvert les hostilités, les filles leur emboîtent le pas. Sous couvert d'amitié, elles lui font la leçon, lui reprochent sa légèreté de mœurs. Et rapidement, sans crier gare, se transforment en bourreaux. Alejandra vient d'un milieu éclairé. Avec son père, elle peut parler raisonnablement de drogue. Mais pas de cette vidéo qui a transformé sa vie en cauchemar. Elle préfère se constituer esclave, victime expiatoire de toutes les frustrations de cette communauté.

Ces frustrations sont celles de la société tout entière, envisagée ici comme une cocotte minute au bord de l'explosion, tiraillée entre une modernité imposée par la mondialisation et les nouveaux moyens de communication, et la prégnance dans ce pays catholique des structures patriarcales et autoritaires. Unissant leur cruauté à celle de leurs camarades mâles, les filles font subir à la jeune fille un crescendo de violences et d'humiliations qui culmine lors d'un déplacement scolaire, au bord de la mer, où les filles partagent la même chambre.

Dans son premier long-métrage, Daniel & Ana, Michel Franco scrutait l'évolution d'un frère et d'une sœur après qu'ils eurent été enlevés à Mexico et forcés par leurs ravisseurs à coucher ensemble devant une caméra. Pour ce film, primé à Cannes, il remet en scène un petit théâtre de la cruauté dans lequel une violence perverse et sans limite s'abat sur une adolescente, en s'appuyant autant sur des vidéos à caractère sexuel que sur les tabous de la société mexicaine.

Des cadrages à la durée des plans, du jeu des comédiens au scénario, tout est précis, dense, déroutant, mais de manière étonnamment fluide. On ne sait jamais ce que réservera la séquence suivante. La tension extrême quoique souterraine, créée par Michel Franco, de la première à la dernière minute, dit à la fois la souffrance, le tumulte intérieur et l'éloignement progressif. Tandis que le père s'enfonce dans la dépression, la fille, elle, subit une série d'agressions physiques et psychologiques perpétrées par des élèves de son lycée, mais va renaitre dans une résilience propre à sa jeunesse.

Critique lors de la sortie du film deJean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles
« C’est avant tout la mise en scène du jeune cinéaste mexicain qui frappe le spectateur: son goût pour les plans fixes, son mépris de la psychologie, son empathie pour ses personnages, sa direction d’acteurs et, plus que tout, sa capacité à filmer l’abjection sans jamais tomber dans le moralisme, le voyeurisme ou la complaisance pour la violence. Très fort. »

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