Delicatessen, un film français de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet , sorti en 1991 |
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Distribution:
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Fiche technique:
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Une hypothèse , à laquelle la plupart des aspects du film s'accordent : tout est vu à travers le regard de deux enfants de sept ans ; regard à la fois horrifié, amusé et narquois sur le monde des adultes et des Français en particulier, monde louche, clos, repoussant de laideur et de saleté, jusqu'à ce qu'un artiste venu d'ailleurs, du cirque ou du music hall, y fasse entrer la fantaisie et n'y réveille une petite princesse qui ne voit pas le monde, mais joue du violoncelle. Farceurs , ces enfants vont, armés d'une canne à pêche, s'emparer du linge étendu , mais terrorisés et jouant peut-être à se faire peur ils appréhendent le monde qui les structure à partir des contes les plus archaïques et les plus permanents :l'Ogre, le Loup (qui mange le Grand'mère), la légende de Saint Nicolas et de saloir . Le boucher qui aiguise d'énormes couteaux et roule ses yeux blancs joue dans cet univers fantasmatique le rôle central d'un ordonnateur. Le film se situe n'importe où et n'importe quand, les rêves n'ont
pas d'âge et nous entrons dans une logique onirique. Vu du dehors, l'immeuble
vétuste de ce no man's land présente la silhouette menaçante d'un pays
d'où nul ne revient. Cependant les indications ne nous sont pas refusées,
indirectes, ainsi les cailloux du petit Poucet. La télévision en noir
et blanc, l'émission de La Piste aux étoiles évoquent bien des années
60. Dans les imaginaires la guerre n'est jamais finie. A la cave, un archéo-hexagonal survit environné de grenouilles (emblématiques des Français pour les Anglo-saxons) et déguste consciencieusement des douzaine d'escargots en écoutant tonitruer la marche de Sambre et Meuse : c'est l'éternel ancien combattant, réel ou imaginaire. Il semble affectionner les farces-et-attrapes chères au goût national et s'affuble de faux yeux globuleux.. Ce qu'accompagne l'activité de deux frères, vieux garçons artisans : percer les boîtes qui émettent un meuglement supposé désopilant, écho lugubre des abattoirs ; l'un d'eux règle, au diapason, la hauteur tonale. On ne laisse rien au hasard. Le second de ces messieurs, vrai " corbeau " pratiquant un sport national traditionnel, traque une voisine dépressive en simulant l'intervention de voix par les canalisations. Chaque habitant de l'immeuble subit, à huis clos, l'oppression du " boucher " qui cumule toutes fonctions de domination : propriétaire, pourvoyeur, banquier, intermédiaire avec le monde du dehors. Delicatessen plonge le spectateur dans un univers étrange, inquiétant et burlesque, proche de la bande-dessinée. Il met en scène des personnages atypiques, servis par des « gueules » du cinéma français (Jean-Claude Dreyfus, Dominique Pinon, Rufus, Ticky Holgado). Caro et Jeunet y jettent les bases d'un univers à la fois glauque et poétique qui s'affinera au fur et à mesure de leur filmographie (La Cité des enfants perdus, Alien resurrection, Amélie Poulain). |
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