Les pages de Ciné-Passion . . .

New York, 1955. Le Saxophoniste noir Charlie Parker, surnommé « Bird », meurt d'une hémorragie à l'âge de trente-quatre ans. il en paraît cinquante, tant ce roi du jazz a abusé de l'alcool et des stupéfiants. Son adolescence a été difficile: il jouait du pipeau à Kansas City et rêvait en écoutant l'orchestre de Count Basie.
Le ton est donné en cinq séquences flash.
Kansas City, 1926 : devant une maison de bois délabrée, un poney ; sur son dos, un enfant noir jouant d’un vieux cornet.
Kansas City, 1936 : l’enfant est devenu adolescent, il peine sur un saxo.
New York, 1943 : Charlie Parker, en pleine action, au Three Deuces.
Kansas City, le Reno Club, 1946 : une cymbale traverse l’écran (celle que lança le batteur de Count Basie au jeune Charlie lors d’une jam-session mémo-rable).
New York, 1954 : Parker retrouve sa compagne, Chan, dans leur appartement et tente de se suicider.
Entre les séquences, on passe d’un temps à l’autre, d’un lieu à l’autre. Le montage procède par bonds, dérives, associations, télescopages. C’est un choix musical : le rythme d’abord.

Sa science de l'improvisation lui vaut les encouragements de Dizzy Gillespie. Une danseuse, Chan Richardson, l'admire et devient sa compagne. Mais la police américaine le traque comme toxicomane. Sa gloire sera de courte durée, car le rock supplante le be-bop dans le coeur des foules.

De tous les comédiens de sa génération qui ont été tentés par la mise en scène (Paul Newman, Robert Redford, Jack Nicholson), Clint Eastwood (né en 1930) est le seul à avoir maintenu un style personnel au long d'une série de films combinant classicisme et modernité, et nourris d'une certaine éthique humaniste. Dans ce film, Eastwood assouvit une autre de ses passions : la musique.
Les ravages de la drogue sur le grand oiseau migrateur sont évidemment pris en compte, mais avec pudeur, sans forcer la «note». Des pans entiers de l'existence tumultueuse de Charlie Parker ont, certes, été occultés : il n'empêche que le maître de l'improvisation instantanée a trouvé en Clint Eastwood un observateur inspiré.

Le film est magnifiquement interprété, le sujet abordé avec un tact exemplaire, les solos somptueusement remixés ; et, pendant deux heures quarante, Clint Eastwood tient son pari de faire revivre Charlie Parker.