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Babylon A.D. , de Mathieu Kassovitz, sorti en 2008

Distribution:

  • Vin Diesel : Hugo Cornelius Toorop
  • Mélanie Thierry : Aurora
  • Michelle Yeoh : Sœur Rebecca
  • Lambert Wilson : Dr. Arthur Darquandier
  • Mark Strong : Finn
  • Jérôme Le Banner : Killa
  • Charlotte Rampling : la grande prêtresse Noelite
  • Gérard Depardieu : Gorsky
  • Joel Kirby : le docteur Newton
  • Souleymane Dicko : Jamal
  • David Belle : Hacker Kid
  • Radek Bruna : Karl
  • Jan Unger : l'organisateur de combats
  • Abraham Belaga : l'assistante de la grande prêtresse
  • Gary Cowan : le directeur de Noelite
  • David Gasman : le chercheur de Noelite

Fiche technique:

  • Titre : Babylon A.D.
  • Réalisateur : Mathieu Kassovitz
  • Producteur : Alain Goldman
  • Scénariste : Éric Besnard et Mathieu Kassovitz, d'après l'œuvre de Maurice G. Dantec
  • Directeur de la photographie : Thierry Arbogast
  • Monteur : Benjamin Weill
  • Production : France, USA, GB
  • Distribution : 20th Century Fox ; distribution France : Studio Canal
  • Durée : 90 minutes
  • Date de sortie : 20 août 2008

Dans un futur proche où le monde, ravagé par la guerre, est en proie à l'anomie et aux intégrismes de tous ordres, un mafieux nommé Gorsky engage Hugo Cornelius Toorop, un mercenaire cynique et désabusé. Celui-ci devra escorter de la Russie à New York une jeune fille se prénommant Aurora pour la livrer aux mains d'une secte richissime. Mais au cours de leur périple, la jeune fille adopte un comportement de plus en plus étrange et Toorop en vient à soupçonner qu'elle cache un secret qui pourrait être un dangereux virus.

Le héros s’appelle Toorop. C’est un costaud, un vrai, un dur, un tatoué, un mercenaire considéré comme terroriste dans son pays natal, les États-Unis, qui vend ses services ici et là et notamment en Russie orientale où commence l’histoire. Désabusé, solitaire, cynique et n’ayant plus confiance dans le genre humain, il rappelle le Snake Plissken de New York 1997. Babylon A.D. s’ouvre sur la terre, vue de l’espace. Une terre humaine, c’est à dire dont on voit les lumières artificielles et les satellites. La voix du héros marmonne quelques paroles sur la terre, la vie, la mort, l’avenir, dieu et les secondes chances qui nous sont offertes. Au début du film, Toorop, qui était parti se faire rembourser une arme défectueuse, rentre dans son immeuble crasseux et fait la cuisine. Cette scène est savoureuse, voir ce gros baraqué qui retourne un lapin pour en faire sauter les abats à la poëlle avec des oignons émincés avant de déguster le tout accompagné d’un petit verre de rouge. Le rapport entre la brutalité du dépeçage d’un lapin et le raffinement de la gastronomie introduisent un personnage complexe.

Surgissent alors des tas de types armés qui font sauter la porte de l’appartement de Toorop. Ils entrent en tenant l’homme en joue avec des fusils à visée laser. Parmi eux se trouve Karl, une connaissance à qui Toorop avait, une fois, promis de le tuer s’il le menaçait à nouveau. Le mercenaire tient sa promesse et zigouille Karl, avant de se rendre aux autres sans la moindre résistance. Cette introduction permet d’apprécier le personnage : il a de bons réflexes, il tient ses engagements, il n’est pas pleutre et il évalue bien les risques qu’il court. L’escouade paramillitaire qui était venu chercher Toorop travaille en fait pour une vieille connaissance, le mafieux russe Gorsky qui a un emploi à proposer au mercenaire. Pour des centaines de milliers de dollars et en échange de la possibilité de retourner aux États-Unis avec une nouvelle vie, Toorop doit effectuer une livraison entre la Russie et le Canada. Et ce qu’il doit livrer, c’est une jeune fille un peu perturbée, Aurora.

Toorop a pour instruction d’épargner à Aurora tout contact avec la brutalité du monde extérieur. Il est pourtant obligé de lui faire traverser un marché sibérien bruyant puis de l’emmener dans un lieu de perdition où une brute surnommée « le boucher chinois » combat pour de l’argent. Au fil du voyage, Toorop s’aperçoit qu’Aurora n’est pas une jeune femme comme les autres. Elle parle avec naturel de nombreuses langues et elle connaît des choses qu’elle n’a jamais apprises. Pour traverser le détroit de Bering, Toorop, Rebeka et Aurora doivent utiliser un sous-marin clandestin qui n’émerge que quelques minutes et noie les retardataires, puis parcourir une zone gelée d’Alaska sur des scooters des neiges. La zone en question est méchament protégée par des drones-tueurs qui assassinent tout ce qui bouge dans leur périmètre : ours, loups, et voyageurs clandestins. Mais Toorop parvient à détruire les drones. Il tue aussi son « passeur », un vieil ami qui s’avère un peu trop vénal.

Arrivés à New York, Toorop, soeur Rebeka et Aurora s’installent dans un appartement chic.. Au pied de l’immeuble, de nombreux véhicules semblent les attendre. Un médecin de la secte des noélites (religion à laquelle appartient Rebeka) vient vérifier l’état de santé d’Aurora. On apprend alors que la jeune femme est enceinte de jumeaux, bien qu’elle n’ait jamais connu d’homme. Ce n’est pas Aurora qui a été transportée entre la Russie et les États-Unis, mais ses futurs enfants, dont Aurora n’était donc que le vaisseau. Toorop et soeur Rebeka ont des doutes sur leur mission et sur le destin d’Aurora, d’autant qu’ils viennent d’apprendre que le monastère où a grandi Aurora a été pulvérisé par un missile. Ils se décident, sans concertation, à ne pas remettre Aurora à ses destinataires. Ils doivent alors se battre contre les sbires du mafieux Gorsky et les membres de la religion noélite. Cela se passe très mal, Rebeka est tuée, et Toorop n’échappe à un missile traçeur qu’en se faisant tuer à son tour par Aurora.

Aurora, de son côté, semble protégée des balles par une force surnaturelle. On apprendra plus tard qu’il s’agit de ses futurs enfants. Le corps de Toorop est dérobé à la morgue par Darquandier, scientifique de premier plan et homme très intelligent. Il redonne vie à Toorop et le répare comme il peut car il sait qu’Aurora lui a laissé un indice permettant de la retrouver. La mémoire de Toorop est alors fouillée à l’aide d’un dispositif électronique dédié à cet usage. On voit défiler sa vie et ses guerres, le 11 septembre 2001, notamment. Aurora se trouve dans la maison d’enfance de Toorop. Avant d’aller la rejoindre, le mercenaire apprend toute l’histoire : l’adolescente est un être hybride bio-cybernétique créé par Darqandier pour le compte de la secte des Noélites afin de préparer la naissance de ses enfants, naissance qui est censée marquer une rupture dans l’histoire de l’espèce humaine.

La conclusion arrive très brusquement. Dans un long monologue, Toorop, que l’on voit dans une maternité, nous apprend qu’Aurora est morte en donnant naissance à ses enfants. Vagissements des jumeaux. Il va devoir s’occuper d’eux ?

Babylon A.D. est un cas rare, mais pas unique, de film assassiné à sa sortie par son propre réalisateur. Mathieu Kassovitz a en effet refusé d’assurer la promotion du film qu’il a comparé à « un mauvais épisode de la série 24 heures chrono », dont tout contenu philosophique a été expurgé au profit de la violence et de la stupidité. Passionné par son sujet, il avait pourtant passé cinq ans à préparer la production du film, mais le résultat n’a pas été à la hauteur de ses espérances. La société productrice, Fox, l’a empêché, dit celui-ci, de tourner la moindre scène telle qu’il l’avait prévue. La réalisation de blockbusters est souvent une expérience traumatisante pour les réalisateurs, notamment français eu égard au respect qui entoure le réalisateur chez nous, car de nombreux enjeux non artistiques interfèrent avec la vision de l’auteur : public ciblé, acteurs imposés par la cible, scénaristes imposés par les guildes, durée calibrée selon l’heure à laquelle le film doit passer à la télévision, vérifications juridiques constantes, etc. Le réalisateur de blockbuster est traité comme un ouvrier du film parmi les autres, les questions artistiques étant in fine décidées par les producteurs. Il faut dire que les enjeux financiers sont sérieux : le budget de ce film est par exemple estimé à soixante millions d’euros.

Malgré les deux acteurs principaux au physique intéressant et bien trouvé et des effets spéciaux de très grande qualité, le film reste très inégal. Les scènes d’action sont dynamiques, mais elles sont souvent filmées de bien trop près, ce qui les rend pénibles à regarder. La tendresse qui lie les trois personnages principaux n’a pas non plus le temps de s’installer. Le scénario futuro-mystique n’ose pas aller au bout de son idée et les catastrophes géopolitiques à peine évoquées.

La réflexion faite par les décorateurs sur le matériel informatique est assez pragmatique, tout de qui est montré est de l’ordre du réalisable : cartes routières à encre numérique qui se manipulent à la manière de Mappy ou de Google Map ; Signalétique animée, enseignes animées ; Textes qui défilent sur l’extérieur des véhicules ; douche qui parle, et qui demande de l’argent; grand écran de télévision où le zapping se fait en posant les mains sur l’écran, une constante de la Science-Fiction depuis Fahrenheit 451 et Rollerball .

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