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Vers sa destinée (Young Mr. Lincoln) de John Ford , 1939.

Distribution:

  • Henry Fonda : Abraham Lincoln
  • Alice Brady : Abigail Clay
  • Marjorie Weaver : Mary Todd
  • Arleen Whelan : Sarah Clay
  • Eddie Collins : Efe Turner
  • Pauline Moore : Ann Rutledge
  • Richard Cromwell : Matt Clay
  • Donald Meek : Procureur John Felder
  • Judith Dickens : Carrie Sue
  • Eddie Quillan : Adam Clay
  • Spencer Charters : Juge Herbert
  • A. Bell
  • Ward Bond : John Palmer Cass

Fiche technique:

  • Titre original : Young Mr. Lincoln
  • Réalisation : John Ford
  • Scénario : Lamar Trotti
  • Production : Darryl F. Zanuck et Kenneth Macgowan
  • Société de production : Twentieth Century Fox
  • Musique originale : Alfred Newman
  • Photographie : Bert Glennon et Arthur C. Miller
  • Montage : Walter Thompson
  • Format : Noir et blanc
  • Durée : 100 minutes
  • Date de sortie : 30 mai 1939

Le film retrace les tout débuts du jeune Abraham Lincoln, déjà engagé en politique et qui ambitionne de faire du droit. Il compulse les livres et s'installe quelques années plus tard à Springfield pour exercer en tant qu'avocat. Il végète dans le cabinet d'un confrère plus expérimenté, où s'égrènent les affaires de voisinage. Sa conduite est plutôt roublarde et plusieurs de ses actions montrent que pour lui la fin justifie les moyens.

Lors de la fête de l'indépendance, une dispute éclate qui se conclue par un assassinat. Lincoln s'emploie spontanément à la défense des deux présumés meurtriers. Abraham Lincoln est un sujet incontournable pour qui s'intéresse comme John Ford à l'histoire des États-Unis.

''Vers sa destinée'' est son deuxième film consacré à cette figure emblématique de la démocratie américaine après ''Je n'ai pas tué Lincoln'' (The Prisoner of Shark Island) en 1935. Le parti-pris du cinéaste est hagiographique car John Ford est un admirateur du personnage. La bande originale dès le générique de début évoque des chœurs d'église comme s'il invitait à une célébration.

Le lyrisme prédomine. Le réalisateur s'est d'ailleurs certainement inspiré du cinéma muet. Le style allégorique lourd de sens, propre au cinéma d'épopée de cette époque, court tout le long du montage. L'usage récurent du fleuve en forme de métaphore, histoire en marche, destinée en attente, tient des figures de style qui ont été couramment adoptées par le cinéma muet notamment de D. W. Griffith, de Sergueï Eisenstein ou d'Abel Gance. Pour autant, le film n'aborde que de cette manière incidente le rôle politique et historique du personnage. C'est de l'avocat justicier Lincoln dont il s'agit.

Le récit porte sur deux épisode de sa vie. Une introduction se situe en 1832, lorsque Lincoln s'engage dans le parti whig (ancêtre du Parti Républicain). L'homme est charismatique, il s'adresse à la foule, nourrit des ambitions politiques mais estime sa culture insuffisante. Il pense trouver sa voie dans le droit. Cette partie s'achève par le décès prématuré d'un amour naissant ce qui l'engage à poursuivre dans son étude du droit. Le film fait un saut de cinq ans. Entre-temps, Abraham Lincoln s'est engagé dans les milices de l'Illinois avec lesquelles il a participé à la guerre contre le chef indien Black Hawk, a étudié le droit seul et s'est inscrit au barreau.

Cependant, la seconde partie qui démarre au moment où Lincoln s'installe à Springfield ne fait guère allusion à ces événements. Elle relate le procès William "Duff" Armstrong au terme duquel Abraham Lincoln obtint l'acquittement de l'accusé. Le scénario fait des écarts avec le déroulement des événements puisque cette affaire intervient bien plus tard (en 1858) dans la biographie du personnage et que le scénario mélange deux affaires, dont une où les deux frères furent pendus. Du reste, les faits sont aussi très romancés à l'exception toutefois du rebondissement final qui, lui, est authentique, lorsqu'il établit la preuve de l'innocence de ses clients grâce à un almanach fermier.

Cette partie force la dualité du personnage, pourvu de l'honorabilité de sa nouvelle profession d'avocat quoique conservant de profondes attaches populaires. Son entrée dans la ville en est le symbole, vêtu d'un costume et coiffé d'un chapeau haut de forme (tenue dans laquelle il est immortalisé par la statue qui le représente au congrès américain), il chevauche un âne. Le réalisateur brise la représentation historique. Lors de la séquence du bal mondain, Lincoln s'avère être piètre danseur. En bonne société, plutôt que de briller de son talent oratoire, il se rabaisse de façon systématique.

C'est bien sûr l'homme du peuple qui est mis en relief par John Ford selon l'archétype qui lui est propre quand il s'agit de personnage populaire : de bon sens, honnête quoiqu'un peu canaille, tendre avec les mères de famille, doué pour la répartie et qui n'a pas peur d'en venir aux mains. Pour préserver ce portrait personnel des coupes et remontages souvent imposés par les producteurs, John Ford ira jusqu'à détruire les chutes du film.

A l'origine de toute une partie du scénario se trouve l'obsession du lynchage et de la légalité, si forte dans le cinéma des années trente, en raison de la recrudescence de la justice expéditive, des suites du gangstérisme, de la renaissance d'organisations terroristes comme le Ku Klux Klan

L'anecdote veut que, dans un premier temps, Henri Fonda refusa de jouer ce rôle, intimidé par le poids historique qu'il représente. Pour le convaincre, John Ford lui déclara : «Vous pensez jouer un grand émancipateur. C'est uniquement un sacré plouc d'avocat de Springfield ! » à la suite de quoi l'acteur accepta de participer. Le cinéaste ne caricature que l'aspect historique du personnage pour rendre hommage à ses origines populaires. Le film satisfait ainsi une vision plus humaniste.

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