Manderlay , film de Lars von Trier, sorti en 2005 |
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Distribution:
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Fiche technique:
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Ce film est la suite de Dogville (2003), tournée avec la même idée d'un plateau au décor minimal. C'est le deuxième épisode de la trilogie USA - Land of opportunity. Grace est partie de Dogville avec son père et son équipe de gangsters.
Ils traversent les États-Unis mais sont arrêtés devant la plantation par
une femme noire qui demande de l'aide car un de ses compagnons va recevoir
des coups de fouets. Pour faire comprendre à tous comment ils devraient vivre, elle décide
de faire inverser les rôles. Les Noirs seront désormais les propriétaires
et les Blancs les esclaves. Mais, les anciens esclaves gardent leurs nombreuses
anciennes habitudes et se mettent au travail difficilement. Les futures récoltes sont en partie remises en cause et les deux tiers des réserves de nourriture sont dévastés. La famine fait alors rage. Grace, pendant ce temps, commence à développer des fantasmes sexuels envers les garçons noirs et vigoureux et, en particulier, Timothy considéré comme un Proud Niger, un Munsi. La récolte vient enfin, le coton est très blanc et ils en tirent un bon prix. L'argent est ramené à la plantation et Grace décide alors de laisser les gangsters partir. Elle estime que tout le monde a compris. Lors du dîner qui s'ensuit, elle cède aux charmes de Timothy. Mais, au matin, elle se rend compte qu'une bagarre a éclaté, un Noir a été tué, les Blancs se sont enfuis. Elle apprend que l'argent a été volé. Un joueur professionnel ramène 80% de cet argent qu'il a gagné contre Timothy au poker. C'était donc lui le voleur. De plus, elle découvre qu'une grande partie des anciens
esclaves avait préféré rester dans leur ancien état de peur de n'être
pas accepté par la société. Elle découvre même que c'est l'aïeul des esclaves
qui a écrit les lois qui réglaient la plantation "Le livre de Mam".
La mise en scène minimaliste permet de se concentrer
sur le propos et les thèmes, riches et nombreux, proposés
par Lars von trier Nicole Kidman aurait dû continuer à interpréter le
rôle de Grace, mais officiellement pour des raisons d'agenda, elle n'a
pas pu se libérer; remplacée par Bryce Dallas
Howard, plus jeune, le personnage parait pourtant plus mûre.
Mais, à l'étude psychologique sur la cruauté, le pouvoir et les vils instincts s'est substituée une fable proche de la satire nettement plus idéologique autour de la ségrégation, et plus largement des rapports entre dominants et dominés. Les personnages sont plus abstraits, et Grace est moins sujette à une identification possible. Grace, donc, arrive en libératrice. Au début, ce n'est pas facile : ceux qu'elle veut sauver du joug esclavagiste sont sceptiques, ont peur de s'assumer, de décider par eux-mêmes. Ne voulant rien imposer par la violence, Grace se montre très patiente et pédagogue mais elle possède la force et peut y recourir à tout moment, via ses hommes de main. La communauté commence à prendre son destin en main et
s'organise en système quasi autogéré. La démocratie directe y est
pratiquée, avec plus ou moins de bonheur. Ainsi le réalisateur
pointe les limites du processus de vote à deux moments clés. Lars von trier prend un plaisir évident à retourner comme une crêpe le politiquement correct, en premier lieu celui qui touche au statut des Noirs, souvent réduits à être soit des révoltés soit des victimes, jamais des coupables. Un statut que les intéressés eux-mêmes n'hésitent pas à reproduire, drapés dans une intégrité stérile, confortable. Personne ne sort disculpé de cette déroute cuisante, et surtout pas les Blancs. En Grace, missionnaire démocrate au grand cœur, on peut aussi voir le pire visage de la bonne conscience et de l'humanisme sûr de son fait, de ses convictions. Lars von trier qu'on a parfois considéré comme cinéaste chrétien obsédé par la rédemption se montre ici cinglant sur le pouvoir tyrannique de la bonté, qui masque toujours quelque chose de pas clair, de suspect. Que ce film plus cynique qu'ambigu ait provoqué une polémique aux États-Unis dit assez bien les dégâts collatéraux provoqués aujourd'hui par le politiquement correct. Montrer que la « victimisation » généralisée masque souvent un refus de prendre ses responsabilités, que la ségrégation raciale persiste sous une forme déguisée aux États-Unis ou ailleurs, cela témoigne d'un regard plus vigilant qu'hérétique. Lars von trier ne fait au fond que mettre en scène cette vérité inquiétante : une démocratie incapable de réfléchir sur elle-même est une démocratie bien malade. Déclarations de Lars von Trier :Il s’agit d’un conte… Dans Manderlay, Grace réagit très différemment. Elle agit, alors que dans Dogville, Grace enregistrait tout et n’intervenait qu’à la fin. Oui, mais je vois une évolution entre le personnage du premier film et celui-ci. L’idée était de faire une trilogie initiatique centrée sur le personnage de Grace. À la fin de Dogville, elle commence à avoir un certain pouvoir et dit qu’elle s’en servira pour rendre le monde meilleur. Aucun de mes personnages n’a jamais rendu quoi que ce soit meilleur. Mais elle essaie et elle y croit. De tout son coeur. On peut comparer la Grace de Manderlay avec George W. Bush et sa mission en Irak, le point commun étant que si la démocratie ne se développe pas assez vite, on doit l’instaurer par la force. On peut dire beaucoup de mal de Bush, mais est-ce que vous ne pensez pas qu’il croit de tout son coeur à ce qu’il fait ? Pourquoi Bush nous mentirait ? Il croit sincèrement que les choses vont s’améliorer de cette façon. Sans aucun doute. Il y croit. Et Grace aussi. Je ne sais pas … c’est toujours la même histoire. Mais ce qui m’a paru drôle – ou étrange – avec Manderlay, c’est que le film implique d’autres races. Au Danemark, on s’imagine qu’on n’a jamais eu de problèmes de racisme, mais il n’y avait aucun noir au Danemark quand j’étais enfant. En gros, ils étaient quasi inexistants, mis à part quelques musiciens de jazz. Depuis, le racisme a fait son apparition, donc d’une certaine manière, Manderlay parle aussi de la situation au Danemark. L’intrigue est basée sur deux choses. D’abord, la postface écrite par un auteur français pour Histoire d’O à propos d’esclaves affranchis qui mouraient de faim et ont réclamé leur ancien maître pour avoir à nouveau de quoi manger. Comme il a refusé, ils l’ont tué. Cette petite histoire m’a fasciné. Le film s’inspire également des photos et des conférences de Jacob Holdt sur les Etats-Unis. Il faut avoir un certain degré de cynisme, sinon vous ne pouvez pas survivre. Je fais un tas de thérapies contre l’angoisse en ce moment, l’idée étant qu’au départ, notre cerveau s’emploie surtout à filtrer les impressions sensorielles qui sont sans importance pour nous. Certaines personnes – ceux qui sont vraiment dingues ou ceux qui sont à moitié dingues, mais plus ou moins artistes – ont un filtre qui fonctionne mal. Ils n’arrivent pas à filtrer tout ce qui est sans importance pour la vie humaine. Ces personnes sont souvent assez intéressantes pour ceux qui ont un bon filtre, car elles leur ouvrent les yeux sur des choses qui échappent à leur propre champ de vision. Des choses qu’ils ne peuvent pas voir justement à cause de leurs bons filtres, de leurs filtres sains. Ces artistes sont souvent assez malheureux, parce que si votre filtre ne fonctionne pas bien, vous ne pouvez pas exister proprement en tant qu’être humain. J’étais rongé d’angoisse quand j’ai fait Manderlay, mais c’est vrai
que ce n’était pas le même défi, professionnellement parlant, que pour
Dogville. En partie, parce que travailler avec Bryce (Dallas Howard) a
été extrêmement facile. Avec Nicole (Kidman) aussi, car elle est très
professionnelle et elle travaille vraiment dur… comme Bryce. Mais même
si ce n’est pas son premier film, c’est tout comme. L’intrigue de Manderlay est sûrement plus dramatique et politiquement provocatrice. Mais dans Dogville, la lumière et l’atmosphère changeaient en une seconde et on passait de la gentillesse à une cruauté glaciale. D’un seul regard, Nicole Kidman nous communiquait dix émotions différentes, et en même temps, sous la surface, on sentait poindre la douleur, l’ambiguïté et l’insécurité. D’une certaine manière, ça a été moins douloureux de faire Manderlay. Mais un film comme Dancer (in the Dark) a été extrêmement douloureux à faire, et là, on a été plusieurs à mettre la barre haut, non? C’est dommage que les acteurs noirs ne puissent jouer que des rôles de héros. Qu’on ne leur permette pas d’être aussi humains. Voilà contre quoi ils doivent lutter dans l’industrie cinématographique. Ils en parlent tous : les rôles de blancs. Tant qu’ils n’auront pas gagné le droit de jouer des rôles de blancs, ils ne dépasseront pas le stade où on ne les définit que comme des héros ou des présidents. Mais le héros noir est toujours très populaire dans les films américains. Et pourtant, trouver des acteurs noirs américains qui osent participer à Manderlay a été difficile. Plusieurs ont trouvé que c’était bien de faire ce film, que c’était intéressant. Mais ils n’ont pas osé y participer, parce que c’est un sujet explosif aux Etats-Unis. On s’est rendu compte qu’il y avait des différences de points de vue énormes entre les Etats-Unis et l’Angleterre. Les acteurs anglais étaient totalement détendus, on plaisantait, ils me disaient ”Oui, Maître” tous les matins. Ils en riaient. Les Américains prennent ça beaucoup plus au sérieux et leur histoire est tout à fait différente par rapport à l’esclavage. C’est une blessure énorme aux Etats-Unis et Danny (Glover) a sans aucun doute été très courageux d’accepter le rôle. Mais ça ne devrait pas être ainsi. Ma mère était une féministe active, mais elle était contre les quotas. Personne ne devrait pouvoir dire qu’une femme a décroché un job à cause de son sexe. Elle devrait l’obtenir grâce à ses qualifications. Sinon, ce serait insupportable. De la même façon, ça doit être monotone pour un acteur de ne jouer que des héros, simplement parce qu’il est Afro-Américain. Et de ce point de vue, je trouve qu’on fait un pas en avant dans Manderlay. De toute façon, j’ai toujours traité mes personnages comme ça. Je n’ai jamais traité les blancs différemment des noirs en tant que tels. La démocratie doit commencer quelque part. C’est pour cette raison qu’il est extrêmement difficile d’instaurer la démocratie par la force. Tout autre système de gouvernement est plus facile à imposer par la force, non? La démocratie est difficile. On le voit en Irak, entre autres. Un peuple, un pays, doit accéder à la démocratie par lui-même. Peut-être iront-ils plus loin en créant un type de société inconnu à ce jour. Mais pour le moment, il faut dire que la démocratie est le type de société qui exige le plus d’éducation de la part de l’individu. Que ce soit par ses parents ou par la société. On peut dire aussi que, dans mes films, je rends en général les personnages un peu plus stupides que ce qu’ils sont vraiment. D’une façon ou d’une autre, ils sont stupides, même s’ils se croient très intelligents. Noirs ou blancs, ils sont tous stupides… Il devrait y avoir une loi contre ça. Je sais. Mais c’est là où la comédie entre en jeu. C’est une stylisation. |
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