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Casino, film américain de Martin Scorsese, sorti en 1995

Distribution:

  • Robert De Niro : Sam 'Ace' Rothstein
  • Sharon Stone : Ginger McKenna/Rothstein
  • Joe Pesci : Nicky Santoro
  • James Woods : Lester Diamond
  • Don Rickles : Billy Sherbert
  • Alan King : Andy Stone
  • Kevin Pollak : Phillip Green
  • L.Q. Jones : Pat Webb
  • Dick Smothers : Senateur
  • Frank Vincent : Frank Marino
  • John Bloom : Don Ward

Fiche technique:

  • Titre original : Casino
  • Réalisation : Martin Scorsese
  • Scénario : Martin Scorsese et Nicholas Pileggi, adapté du roman Casino : amour et honneur à Las Vegas de ce dernier
  • Production : Barbara De Fina et Joseph P. Reidy
  • Photographie : Robert Richardson
  • Montage : Thelma Schoonmaker
  • Pays d'origine : États-Unis
  • Durée : 178 minutes
  • Dates de sortie :
    États-Unis 22 novembre 1995
    France 13 mars 1996

Dans les années 1970, Sam "Ace" Rothstein est envoyé à Las Vegas par la mafia pour diriger l'hôtel-casino Tangiers. Il a un contrôle absolu de toutes les affaires courantes, et gère d'une main de fer cette terre promise, tandis que l'argent coule à flots. Il est épaulé de son ami d'enfance, Nicky Santoro, qui va peu à peu prendre ses distances pour s'engager dans un chemin plus sombre et criminel. Impitoyable avec les tricheurs, et obsédé par la maîtrise de tous les événements, Rothstein se laisse pourtant séduire par une prostituée, Ginger McKenna (Sharon Stone), professionnelle de l'arnaque.

Fou amoureux, il lui ouvre les portes de son univers et l'épouse, avant de faire un enfant avec elle. Mais leur relation se révèle être à l'image de Las Vegas, scintillante en apparence mais en réalité rongée de l'intérieur. La mécanique bien huilée du Tangiers et la vie personnelle de Sam ne vont pas tarder à se rouiller, et tous les personnages vont être voués à la déchéance d'une manière ou d'une autre, sans rédemption possible.

Le film s'appuie sur l'histoire réelle de Frank Rosenthal " le gaucher " , qui dirigeait plusieurs casinos à Las Vegas (le Stardust, le Fremont et le Hacienda) pour le compte de la pègre dans les années 1970 et au début des années 1980, ainsi que d'Anthony Spilotro dit " Tony la fourmi ". Rosenthal fut mis en novembre 1988 sur la liste noire des joueurs interdits d'accès dans les casinos du Nevada. Il prit sa retraite en Californie puis en Floride. Spilotro et son frère Michael furent retrouvés enterrés dans l'Indiana en 1986.

Il s'agit d'un film "scorsésien" par excellence, dans la mesure où un grand nombre des thèmes de prédilection du réalisateur sont abordés, tels la mafia, la religion, le mal ou encore la trahison. C'est un film complexe qui mélange les genres et multiplie les informations, au rythme d'une bande-son éclectique et dense. Casino est le seizième long-métrage de Martin Scorsese, et marque la huitième collaboration de celui-ci avec Robert de Niro.

La mafia est un thème important dans la filmographie de Martin Scorsese, dont d'ailleurs Les Affranchis décrit les rouages. La particularité de Casino est de s'intéresser à la prise de pouvoir par les mafieux dans le Las Vegas des années 1970. Le film présente une vision mythifiée de la mafia, telle qu'elle existe dans Le Parrain, par exemple. Les parrains sont représentés comme des demi-dieux. Dans La première scène où ils apparaissent, le spectateur les découvre autour d'une table abondamment garnie en nourriture et vin, éclairés par une forte lumière blanche venant du haut, qui évoque les Dieux de l'Olympe.

Au fur et à mesure du film s'opère un processus d'humanisation de la mafia. Elle devient plus terre-à-terre. L'aspect banal, voire comique, de leurs préoccupations est accentué. Piscano se plaint du fait que ses allers-retours à Las Vegas lui coûtent beaucoup d'argent. Il en est de même du contexte qui mène à leur chute collective.

Casino donne évidemment beaucoup d'importance au thème du jeu. Bien qu'ils ne soient pas au premier plan, les joueurs sont omniprésents. Les trois personnages méprisent le jeu parce qu'ils font partie intégrante du système et savent que le casino gagne toujours. La seule exception est Nicky, qui joue de temps à autres, mais seulement parce qu'il refuse tout simplement de perdre. Le premier plan où Ginger apparaît la montre à une table de jeu, mais elle joue en fait pour quelqu'un d'autre. Sam, quant à lui, est à la tête d'un empire du jeu, sa vie entière tourne autour de cela, et son surnom "Ace" (as, en français) montre bien à quel point le jeu est un élément fondamental pour lui. Le jeu est pour Sam un métier, et non un passe-temps.

Casino décrit un double mouvement. D'abord l'ascension, celle, personnelle et sociale, d'Ace Rothstein incarnant un système économique et culturel, ainsi que parallèlement celle de la ville de Las Vegas, alors terre promise du jeu. Puis, la chute, écroulement de l'emprise du groupe mafieux sur Las Vegas, abordée dans la dernière partie du film. La montée en puissance du personnage et sa déchéance sont annoncées dès les premières scènes du film. La montée en puissance est suggérée par un cadrage en contre-plongée, placée très en dessous du personnage de Rothstein. La chute est évoquée ensuite par la séquence de présentation de Nicky et Ginger qui se clôt par la voix-off de Sam qui déclare : " Et à la fin, on a tout fait foirer. "

Pour insister sur l'évolution négative des personnages, et leur descente aux enfers , Scorsese utilise plusieurs scènes qui s'opposent et se répondent à des moments différents de l'intrigue. Ce parallélisme a pour but d'insister sur l'évolution de leur destin. Ainsi, la scène où Ginger, jeune mariée, entre dans son dressing avec Sam, est une scène de joie. Cette même pièce sert, plus tard, de décor à une dispute extrêmement violente du couple. Les deux séquences se répondent pour rendre compte de la dégradation de leur relation. Pour suggérer la chute de la mafia, au montage rythmé et continu qui illustre le processus d'"écrémage" des profits destinés à la pègre, s'oppose plus tard un arrêt sur image sur un employé volant un billet.

Ce film regorge de doubles facettes, couples, parallèles, analogies et d'éléments symétriques ou antagonistes. Il y a deux narrateurs : Sam et Nicky (une troisième voix peut être comptée, mais elle n'intervient qu'une seule fois dans le film). Cette double narration offre donc une double interprétation d'événements similaires, et renforce l'antagonisme grandissant entre les deux personnages masculins.

Les personnages ont eux-mêmes des personnalités doubles. Nick est à la fois l'ange gardien de Sam et un dangereux psychopathe. La scène où il tue à l'aide d'un stylo un homme qui avait insulté Sam, est à cet égard révélatrice. Sam ne sait pas s'il doit être reconnaissant ou horrifié, et c'est sur cette ambiguïté que leur relation est fondée. Il existe en Sam de profondes divisions, voire contradictions. Ginger révèle que c'est "un gémeau, un triple gémeau", et se plaint qu'il ne lui fait pas confiance à cause de cette dualité. Ce même personnage interprété par Sharon Stone renvoie tour à tour une image de femme fatale et de femme-enfant, incapable de s'occuper d'elle-même.

Las Vegas apparaît en filigrane du film comme une ville scintillante, lumineuse et attirante, cachant pourtant une réalité plus sordide. A ce titre, Sam Rothstein est très représentatif de la ville, puisqu'il porte des costumes de couleurs éclatantes mais souffre d'un ulcère. Las Vegas est une ville qui ne tient pas ses promesses, représentée à l'instar d'un miroir aux alouettes, attirant les foules mues par l'appât du gain puis piégées par une réalité bien sombre. La séquence dans laquelle Nicky demande à Sam la permission de venir s'établir à Las Vegas est tournée à l'extérieur d'une voiture, sur laquelle viennent se réfléchir les néons colorés de la ville, comme la représentation de la tentation.

La dimension religieuse chère à Scorsese hante sa description de Las Vegas. La ville est au départ envisagée comme un paradis sur terre, terre de promesses aux vertus rédemptrices; ainsi Sam déclare-t-il " Pour des mecs comme moi, Las Vegas vous lave de tous vos péchés. C'est comme un lavage de voiture de la moralité ". Mais Nicky est là pour lui rappeler la dimension infernale de la ville: " Moi je suis ce qui est réel ici [...]: la poussière, le caniveau, et le sang. " Las Vegas apparaît donc très vite dans le film comme un enfer, une ville rongée par l'excès, la corruption et le mal. La ville du péché, en somme, comme le révèle cette scène qui montre des tricheurs (la mafia) surveiller d'autres tricheurs (les croupiers corrompus), qui en surveillent d'autres encore (les joueurs).

Si les personnages portent tous en eux des défauts, tous sont également victimes de cette ville qui ne leur laisse aucune chance et les mène à la déchéance. A mesure que Sam s'adapte de plus en plus aux règles locales de Las Vegas, son obsession du contrôle évolue en un comportement tyrannique, y compris envers sa femme. Celle-ci est aspirée par une vanité et un matérialisme excessifs : lors de la scène où Ginger et Sam se disputent dans un restaurant pour les 25 000 dollars qu'elle a dépensés, le clignotement des néons en arrière-plan vient rappeler que la ville et ses excès ont joué un rôle important dans l'échec de leur relation.

Le film empreinte à divers genres:

-Toute la première partie du film se déroule comme un pseudo-documentaire; Martin Scorsese adopte une posture didactique quand à l'univers du jeu à Las Vegas. Il fait entrer le spectateur dans les coulisses de ce monde ; par exemple, la caméra suit Nance dans la salle des comptes après avoir franchi une porte sur laquelle on peut lire "Personnel autorisé seulement." L'utilisation d'une voix-off (celle du personnage de Robert de Niro) peut rappeler également le style documentaire.

Le film tient aussi du western: D'une part, parce que le lieu de l'action est Las Vegas, une ville entourée par le désert, une "terre vierge" selon les termes de Nicky. Le nom de son restaurant est d'ailleurs "La ruée vers l'or" (The Gold Rush). D'autre part, certains personnages apparaissent comme de véritables cow-boys : c'est ainsi que Sam perçoit le shérif local, une impression mise en valeur par un gros plan sur ses bottes de cow-boy). Le personnage de Nicky finit par ressembler à un cow-boy solitaire et trouble, tentant de conquérir les endroits les plus sombres de la ville, ceux sur lesquels même ses patrons ne s'étaient pas aventurés.

Casino peut être également considéré comme un film épique, ne serait-ce que de par sa longueur, près de trois heures. C'était d'ailleurs l'intention de Scorsese, qui pensait qu'un film de deux heures aurait fait perdre au film de sa "grandiloquence." Au-delà de la durée, il faut aussi noter que le film montre la chute d'une dynastie de deux générations : la figure du père est incarnée par les patrons, et celle du fils par Sam et Nicky.

Mais le film est quand même une histoire d'amour,triangulaire entre les trois personnages principaux: Sam est amoureux fou de Ginger, qui le trompe avec Nicky, qui est l'ami d'enfance de Sam. Cette relation, ainsi que les thèmes de la trahison et de l'adultère, renvoient à celle dépeinte par Scorsese dans Raging Bull, film dans lequel les deux frères La Motta (déjà interprétés par Robert de Niro et Joe Pesci) se partageaient une femme

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