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Caché , film français de Michael Haneke et sorti en 2005.

Distribution:

  • Juliette Binoche : Anne Laurent
  • Daniel Auteuil : Georges Laurent
  • Maurice Bénichou : Majid
  • Annie Girardot : La mère de Georges
  • Lester Makedonsky : Pierrot Laurent
  • Bernard Le Coq : Le rédacteur en chef
  • Walid Afkir : Le fils de Majid
  • Daniel Duval : Pierre
  • Nathalie Richard : Mathilde
  • Denis Podalydès : Yvon

Fiche technique:

  • Titre : Caché
  • Réalisation : Michael Haneke
  • Scénario : Michael Haneke
  • Directeur de la Photographie : Christian Berger
  • Montage : Michael Hudecek et Nadine Muse
  • Pays d'origine : France
  • Genre : Drame, thriller
  • Durée : 117 minutes
  • Dates de sortie : 14 mai 2005 (festival de Cannes),
    5 octobre 2005 (France)
Ce long métrage a été primé au festival de Cannes 2005 pour sa mise en scène.

Georges Laurent est animateur d'émission littéraire sur une chaine de télévision publique. Plutôt BoBo, il vit paisiblement dans dans une petite maison, rue des Iris, dans le 13ème arrondissement de Paris.
Cette tranquillité se fissure le jour où sa femme reçoit une cassette vidéo de leur maison. La cassette est banale mais prouve que quelqu'un les observe, caché, tapis dans l'ombre de leur quotidien.

D'autres cassettes arrivent, l'une montrant le domaine agricole où Georges a grandi, une autre montrant un immeuble populaire et le couloir qui mène jusqu'à un appartement de Romainville. Puisque la police ne veut pas enquêter tant que Georges et sa famille ne subissent pas d'aggression, il décide alors, lui même, de trouver qui se cache dans cet appartement.
Il y trouve Majid, un Algérien dont les parents ont été tué en 1961 par les policiers sous les ordre de Maurice Papon.
Majid vivait chez ses parents et qui aurait pu continuer à y grandir mais par jalousie, Georges enfant, s'est arrangé pour que Majid soit envoyé dans un orphelinat.

Chassant toute forme de culpabilité, il menace Majid et lui intime l'ordre de cesser d'harceler sa famille. C'était sans compter la caméra qui a tout enregistré des propos menaçants ainsi proferé. Une copie de la cassette se retrouve chez l'employeur de Georges.

Caché évoque les obsessions du cinéaste autrichien: danger et manipulation des images, menaces sur la cellule familiale réduite à une expression des plus simples : deux parents, un fils. Selon Haneke, le bien-être de la bourgeoisie occidentale a un revers obscur, qu'il est urgent de mettre au jour Ici, le perturbateur est un œil. Facteur d'angoisse, il est aussi doté d'une invisible main, qui dépose, en plus des cassettes, de faux dessins d'enfant , traçant sommairement une tête qui crache du sang.

Chez les Laurent, on évacue rapidement l'hypothèse d'une mauvaise blague fomentée par un copain de Pierrot, le fils pour se moquer de ses parents . Au sein du couple, il y a égalité dans la panique, mais inégalité des réactions. Georges en sait plus, c'est lui que l'œil vise, bien qu'il ne le nomme pas ainsi, et persiste à affirmer qu'on en veut à « sa famille ».
Dès lors, Anne en est réduite au rôle ingrat de perpétuelle questionneuse. Son sentiment d'exclusion fait éclater une à une les frustrations tapies sous une vie apparemment plane et confortable.

Pour Georges Laurent, Majid devenu comme lui quinquagénaire est évidemment le suspect numéro un. Mais auprès de sa femme et de ses proches, il élude, il ment, il cache. Connu, reconnu pour l'émission littéraire qu'il présente chaque semaine avec succès, Georges est un personnage qui sort de l'ordinaire. Mais cette épreuve révèle un citoyen d'une banalité confondante. Quand l'honnête homme cultivé perd les pédales, surgissent l'abjection en habit de tous les jours comme un accès de racisme et la peur de perdre ce qu'on a : carrière, famille, bien-être, tout cela considéré comme possession.

Ce qui perturbe Georges est-il au-dehors ou en lui ? Son masque de victime est tout près de grimacer en coupable, et le voici bête aux abois ou pantin désarmé. On ne sortira de ce film en faisant des bonds sur le trottoir. Des questions restent en suspens, rien n'est résolu, une ambiguïté persiste, en particulier sur le rôle de Pierrot, le fils. Et pourtant, tout semble avoir été montré, sinon dit.

Déclarations de Michel Haneke:

Question : Au centre de Caché, le thème de la mauvaise conscience. Pourquoi est-il si emblématique de notre époque ?
Michael Haneke : A cause de l'omniprésence de la douleur du monde dans les médias. Avant l'ère audiovisuelle, l'humanité n'allait pas mieux qu'aujourd'hui, mais on le savait moins. Maintenant, on voit tout en permanence. Les pays riches et en paix n'ont sur leurs écrans que des images terribles, violentes, désespérées.
Naturellement, ça fait grandir notre sentiment de culpabilité. Mais cette question est complexe car les médias donnent souvent une image faussée de la réalité. Ils choisissent à dessein les images les plus spectaculaires, les plus choquantes. Quand il s'agit de notre environnement immédiat, ces images n'ont rien à voir avec notre perception de tous les jours.
C'est une réalité complètement manipulée. J'ai été très peu confronté dans ma vie à des actes de violence physique. Mais si je regarde la télé, je suis tenté de penser que la violence est partout.

Question : Pensez-vous vraiment, comme le suggère Caché, que nous sommes tous coupables, de ce côté-ci du monde ?
Michael Haneke : La culpabilité est une invention judéo-chrétienne, et nous baignons dans cette culture. Je ne peux pas voir le monde autrement, moi non plus. Mais la culpabilité est aussi un problème philosophique. Je ne prétends pas le résoudre, j'en parle, c'est tout. En posant cette question : comment vivons-nous, en sachant que la misère nous entoure, loin de chez nous, et pas seulement ?
On sait qu'on appartient à une partie du monde qui repose sur les épaules de l'autre et l'exploite. A cela, il y a plusieurs façons de réagir. Le comportement du personnage joué par Daniel Auteuil, quand il prend ses deux comprimés pour dormir, c'est un peu notre façon, à la plupart d'entre nous, de gérer notre mauvaise conscience vis-à-vis du reste du monde. Chacun son genre de comprimé. Certains donnent à des associations caritatives. Mais dès que l'on passe au concret, le nombre de gens concernés se réduit radicalement.

Question : N'est-ce pas un amalgame de mêler ainsi le sentiment de culpabilité diffus des nantis et la trace d'une faute commise par un enfant ?
Michael Haneke : Il ne s'agit pas de la culpabilité en soi d'un petit garçon qui s'est mal comporté quand il avait 6 ans. Il s'agit plutôt de celle de l'homme qu'il est devenu au moment où il retrouve celui qu'il a offensé.
De fait, il se comporte comme un salaud, alors même que se présente à nouveau un choix moral. Il pourrait dire à l'autre : ce que j'ai fait autrefois est terrible, je ne me rendais pas compte ; est-ce que je peux t'aider aujourd'hui ? Mais il se dérobe. Il se défile.

Question : Que peut le cinéma pour notre monde?
Michael Haneke : Le cinéma est un art de la manipulation, il ne faut jamais l'oublier quand on fait des films ou quand on en voit. Et pas seulement les films de propagande du IIIe Reich ou ceux de Hollywood aujourd'hui. J'ai toujours voulu que les miens suggèrent un doute quant à la réalité de ce qu'ils montrent.
Pour alerter le spectateur, pour susciter sa vigilance. On peut aussi, grâce au pouvoir du cinéma, se battre contre ces images qui, aujourd'hui, veulent rendre consommable la brutalité. Pour moi, Salo ou les 120 journées de Sodome, de Pasolini, a tenu ce rôle-là. Il m'a tellement choqué qu'il m'a rendu malade pendant très longtemps. C'est l'un des rares films de l'histoire du cinéma qui vous fait comprendre ce qu'est la violence. De temps à autre, il faudrait refaire un Salo.

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